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mercredi 1 mai 2024

Ça très mauvais

 

Dans l'Oreille cassée, Hergé rend un discret hommage à l'auteur du Bréviaire du chaos : l'Indien qui guide Tintin jusqu'au territoire des terribles Arumbayas s'appelle Caraco. Comme son modèle, cet Indien nourrit une vision désespérée de l'existence. Quand on lui parle de la vie, du monde, il répond : « Ça très mauvais. Moi pas aller. »
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

mardi 29 janvier 2019

Catalepsie


Des attitudes cataleptiques aident parfois le suicidé philosophique à rejoindre le règne minéral, ou à défaut le végétal : immobilité du poëte vaudois Edmond-Henri Crisinel, tandis que le philosophe Weininger laisse pendre ses longs bras, sans parler de la rigidité d'un Albert Caraco qui évoque à certains égards la contracture hystérique. Inversement, le balancement machinal de l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut n'est-il pas comparable à un tic ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

jeudi 20 septembre 2018

Grosse baleine


« Le beau squelette de cétacé que l'on voit actuellement en cette ville, provient d'un individu trouvé mort en mer, à peu de distance du port d'Ostende, au mois de novembre 1827. On en a publié une lithographie, qu'on dit faite d'après nature, et qui prouve évidemment que cet animal appartient au genre Baleinoptère de Lacépède, et à son second sous-genre caractérisé par des plis longitudinaux sous la gorge et sous le ventre. » (P.-L. Van der Linden, Notice sur un squelette de baleinoptère exposé à Bruxelles en juin et juillet 1828, Voglet, Bruxelles, 1828)

L'écrivain et philosophe Albert Caraco a-t-il pu contempler ce squelette de cétacé ? Son œuvre, incroyablement nihiliste et pessimiste, où il compare souvent le Grand Tout à une « grosse baleine », le laisse supposer. Toujours est-il que le 7 septembre 1971, en son domicile du 34 rue Jean-Giraudoux, Caraco se suicide par pendaison quelques heures après la mort de son père, conformément à l'esprit morbide de ses écrits.

Auteur prolifique, Caraco demeure ignoré du grand public, ce que Gragerfis explique par « l'intransigeance de sa littérature, son côté pince-sans-rire et ses déclarations propres à scandaliser le vulgum pecus ».


(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

dimanche 16 septembre 2018

Un grandiose isolement


Parce qu'il trouve ses contemporains vomitifs, l'homme du nihil commerce exclusivement avec quelques grandes figures du passé, de celles qui ont laissé un nom dans les annales de l'homicide de soi-même : les Nerval, les Trakl, les Weininger, les Caraco, etc. Avec son temps, il ne communique pas — et personne ne se risque à franchir la pampa de dégoûtation au centre de laquelle il trône, guère plus engageante, il faut l'avouer, que « les espaces de sable autour des Bouddhas rupestres ou des statues de l'Égypte ».

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

dimanche 12 août 2018

Un chercheur insatiable


À l'image de Degas, le suicidé philosophique associe les matériaux et joue sur la ductilité de la matière, en une aspiration résolument moderne. Profitant de l'abolition de maintes frontières par les champions de l'homicide de soi-même qui l'ont précédé — les Weininger, les Caraco, les Rigaut et autres Crisinel —, il imagine des « moyens farces de se détruire » sans prétendre « inventer quelque chose de nouveau » mais à la recherche d'« un accès au Rien encore inconnu ».

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

dimanche 15 juillet 2018

Ferveur enfantine


« Je me souviens avec quelle émotion je contemplais, dans mon jeune âge, les images de suicidés philosophiques illustres (Otto Weininger, Jacques Rigaut, Albert Caraco, Edmond-Henri Crisinel, etc) qui ornaient les murs de ma chambre. Ceux qu'elles représentaient étaient, à mes yeux, des êtres surhumains ; ils me semblaient de vrais pontifes, et quelque chose de religieux se mêlait dans mon âme à cet engouement pour les athlètes du Rien. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

jeudi 5 juillet 2018

Des livres en boîte pour s'évader


« Quelques planches, et voilà des pages qui dansent en plein air, sous le regard extasié de quelques assoiffés d'histoires.

La belle initiative de cette année : de petites cabanes de bois, qui fleurissent par-ci par-là, des boîtes à livres perchées sur des piquets, pour amener les esprits à s'évader.

Dans le quartier de Ker-Uhel à Lannion, sous une gloriette en bois, aux côtés de pots à crayons et autres bouts de gomme, les ouvrages se font la malle : "Tout le monde peut apporter un livre, en choisir un et le ramener quand il le souhaite", explique Françoise Squerren, membre du conseil citoyen. Tous les styles de littérature sont représentés : romans, biographies, essais, livres d'histoire, et jusqu'à des ouvrages de philosophie "nihilique" puisque l'on aperçoit dans la pile les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine.

Sur le boulevard d'Armor, cet espace de culture, ouvert à tous, a créé une véritable osmose entre les acteurs du territoire et les habitants du quartier. "On a observé une forte appropriation de ce projet par les habitants, explique Anaïs Alasseur, chef de projet de développement social et urbain à Lannion. Les livres de l'ontologue allemand Martin Heidegger rencontrent un franc succès, ajoute-t-elle, et de nombreuses personnes se plaignent maintenant de douleurs « au niveau du Dasein »."

Cet espace de lecture est une véritable bulle qui incite à l'interaction : "Les gens ramènent leur livre et peuvent échanger des réflexions, développe Françoise Squirren. Le but est vraiment de créer du lien social. Mais les misanthropes et les personnes tentées par l'homicide de soi-même sont aussi les bienvenus, comme le prouve notre assortiment de littérature « lugubre » : Albert Caraco, Emil-Michel Cioran, Raymond Doppelchor, etc".

Inaugurée le 7 septembre et déjà victime de son succès, la boîte à livres de Ker-Uhel doit pousser ses murs. Six autres cahutes ont été installées. D'autres encore font l'objet de discussions, et la réutilisation d'anciennes cabines téléphoniques est envisagée. Un exemple à suivre pour écrire le nouveau chapitre des solutions de demain — quoi que cela puisse vouloir dire. » (Ouest France, 9 octobre 2016)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

samedi 9 juin 2018

Approches du deuil


L'événement que les savants appellent la « mort du père » peut affecter un individu de bien des façons différentes. Arthur Schnitzler achète une bicyclette et commence une série de randonnées vélocipédiques en Autriche, en Allemagne, en Suisse et en Italie du Nord. Albert Caraco, lui, se pend subito presto, laissant derrière lui « une œuvre volumineuse et radicale, souvent jugée nihiliste et pessimiste » (Gragerfis). 

Ces réactions variées confirment l'intuition décisive de l'homme du nihil, à savoir que la psychologie de l'étant existant — le fameux Dasein des existentialistes — est un terrain mou, marécageux et plein de roseaux, où il est très difficile de se retrouver.

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)