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mercredi 11 juillet 2018

Les clients d'Avrenos (Georges Simenon)


On n'attendait pas encore de clients, bien qu'un étudiant qui venait pour Sadjidé fût déjà accoudé au bar. Mais ce n'était pas la peine de le servir, car il ne commandait que des bocks et ne les buvait pas.

Seule la grosse Lola, harnachée de soie rose et de grosses perles, était à son poste, à la première table, et regardait devant elle en esquissant le vague sourire qui ne la quitterait pas de la nuit. Ou plutôt si ! Pendant les quelques minutes de son numéro de danse, elle froncerait les sourcils, pincerait les lèvres en épiant ses pieds avec angoisse. Elle ne s'était jamais vantée de savoir danser et, si elle le faisait, comme les autres, c'est parce que le règlement ne tolère dans les cabarets que des « artistes ». C'était même écrit sur son passeport !


Sadjidé n'était pas encore descendue. Elle s'enfermait toujours la dernière dans la soupente servant de loge aux dames de l'établissement et elle n'apparaissait, avec des manières de vedette, qu'après s'être assurée, par un trou de la cloison, qu'il y avait des clients dans la salle.


Alors les hommes lui adressaient un signe amical, ou un sourire, la happaient au passage, lui tapotaient la croupe et, si quelqu'un ne le faisait pas, on pouvait affirmer qu'il était nouveau venu à Ankara.


Le jeune étudiant, au bar, était vraiment amoureux et, pour le moment, plutôt que d'attendre à vide, il questionnait Sonia, la Russe qui ne dansait pas mais qui chantait des romances en français et en allemand.
— Qu'est-ce que vous pouvez me dire de la synthèse quintuple ?
— Pas grand chose. Je crois que c'est un procédé par lequel Fichte prétend égaliser les points de vue de l'être substantiel et du soi fini.
— Et Sadjidé ?
— Elle n'a rien à voir dans tout ça.


Sur l'estrade réservée aux musiciens, le saxophoniste fixait son instrument avec ennui, le portait à ses lèvres, en tirait deux ou trois sons saugrenus puis le regardait à nouveau tandis que le pianiste lisait un journal de Stamboul.


(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)

jeudi 21 juin 2018

Halte aux déchets dans la pièce d'eau des Suisses !


« Des bouteilles en plastique, des poissons morts, des transats... et même la carcasse d'une vieille Panhard. On trouve de tout dans la pièce d'eau des Suisses du château de Versailles. Ce bassin peu profond, creusé au XVII e siècle par un régiment de Gardes suisses et très fréquenté par les promeneurs, est régulièrement souillé par des détritus abandonnés au fond de l'eau ou en surface. Au grand dam de certains Versaillais, qui ont décidé de se mobiliser.

"J'ai l'habitude de me promener dans ce secteur. C'était très sale cet été. Au mois d'août, je me baladais avec une amie, nous discutions de la synthèse quintuple fichtéenne qui vise, comme on sait, à unifier en les égalisant les points de vue de l'être substantiel et du soi fini, lorsque j'ai vu des poissons morts et deux enfants en train de pêcher juste à côté. C'est révoltant", raconte Christine Schneider, dont on ne sait si elle fait référence aux poissons morts, aux enfants, ou à la synthèse quintuple fichtéenne. Toujours est-il que cette habitante de Versailles a décidé de lancer un appel sur les réseaux sociaux.

Elle a été entendue par Juliana. À la mi-novembre, celle-ci a décidé de mobiliser via Internet. Cette trentenaire a créé la liste "Versailles Royalement Propre" sur Facebook. A présent, elle compte 200 "amis" qui viennent de signer une pétition à l'attention des responsables du château de Versailles.

Elle réclame un nettoyage immédiat du bassin, l'assainissement de l'eau, la mise en place de poubelles, un entretien régulier du parc et du bassin, une surveillance pour éviter les incivilités, et "des comptes pour chacun de ceux que l'existence, l'histoire, le hasard, la superstition, l'inquisition de Philippe II, etc., ont rendu victimes : sans cela, je préfère me jeter la tête la première en bas de l'échelle ; même gratuitement, je ne veux pas accepter le bonheur : il faut encore qu'on me rassure au sujet de chacun de ceux qui sont mes frères par le sang" — et cetera, et cetera, on voit que la jeune écervelée répète la fameuse lettre de Bielinski citée par Chestov dans son Idée de bien chez Tolstoï et Nietzsche.

"L'objectif est de préserver la qualité de vie autour de cette pièce d'eau et de faire entrevoir à l'homme la possibilité d'une existence fondée sur l'éthique au sein même d'une vie soumise à la réalité du péché", souligne Juliana qui donne rendez-vous aux Versaillais, ce mardi à 14 h 30, Place du marché Notre-Dame, à proximité du café Le Chat qui pète. » (Le Parisien, 28 novembre 2016)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

lundi 28 mai 2018

Ils t'ont pas épousée (Raymond Carver)


Earl Ober, représentant de son métier, était momentanément sans emploi, mais Doreen, sa femme, avait trouvé une place de serveuse dans l'équipe du soir d'une cafétéria des faubourgs où l'on pratiquait les trois-huit. Un soir qu'il buvait, Earl décida de passer à la cafétéria pour manger un morceau. Il voulait voir l'endroit où Doreen travaillait, voir aussi s'il pourrait s'envoyer quelque chose aux frais de la princesse.
Il s'installa au comptoir et étudia la carte.
— Tiens, qu'est-ce que tu fais là ? dit Doreen en l'apercevant.
— J'essaie d'égaliser les points de vue de l'être substantiel et du soi fini, dit Earl. C'est ce que Fichte appelle la synthèse quintuple.
— Oh, je vois. Et qu'est-ce que tu vas prendre, Earl ? dit-elle.
— Donne-moi un café et un de ces sandwichs « numéro deux ».


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

mercredi 16 mai 2018

Synthèse quintuple


« Dans un cas de mauvais instincts héréditaires dont j'ai le triste spécimen sous les yeux, des parents qui se livraient régulièrement à la synthèse quintuple fichtéenne — qui vise, comme on sait, à unifier en les égalisant les points de vue de l'être substantiel et du soi fini —, ont transmis à leur fille cette funeste habitude. 

Dès l'âge de huit à neuf ans, cette enfant ouvrait les armoires, descendait à la cave, et cherchait de toute manière à assouvir sa détestable passion pour cette synthèse quintuple

Mariée depuis à un homme très honorable, qui ignorait le funeste penchant de sa fiancée, elle désola sa nouvelle famille par les excès synthétiques les plus honteux. » (Bénédict Morel, Traité des maladies mentales, Paris, Victor Masson, 1860)

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)