lundi 31 octobre 2022

Poésie et mortalité de l'être mortel

 

Verlaine dit quelque part qu'ayant poussé la porte étroite qui chancelle, il s'est promené dans le petit jardin. Il parle aussi d'alouette et de réséda, mais tout ça n'a pas grand sens ni grande importance quand on songe que... NOUS ALLONS TOUS MOURIR ! AAAAAH !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Autant vaut la merde

 

S'il n'y avait que le portrait de l'empereur François-Joseph 1er ! Mais c'est le réel tout entier qui est couvert de chiures de mouches. Il faudrait le faire enlever et mettre au grenier (pour éviter les réflexions désobligeantes).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Forteresse vide

 

En 1990, le psychanalyste Bruno Bettelheim, universellement connu pour ses travaux sur les enfants autistes, se suicide à l'âge de quatre-vingt-six ans en s'enfermant la tête dans un sac en plastique. Pourquoi un sac en plastique ? Et pourquoi la tête ? À ce jour, le mystère reste entier. Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis émet l'hypothèse que le psychanalyste était une « forteresse vide » — mais sans apporter le moindre élément pour étayer cette supposition.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Les oubliés

 

Personne n'a pris la peine d'organiser une marche blanche à la mémoire d'Edmond-Henri Crisinel. Ni à celle de Francis Giauque. Ni à celle de Jean-Pierre Schlunegger. Les poëtes maudits de Suisse romande, tout le monde s'en fout.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 30 octobre 2022

Grossophobie


Il paraît que la balance fausse est en horreur à l'Éternel, mais que le poids juste lui est agréable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un mal embouché

 

La « réalité empirique » lui en a tellement fait voir que le nihilique ne supporte plus rien. Dès qu'il sort de chez lui, ça va mal. Un arrosoir, une herse à l'abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysans, tout devient aussitôt le réceptacle de son courroux. Et contrairement à Lord Chandos, les mots ne lui manquent pas pour exprimer ses sentiments — cochonnerie, saleté, pot de pisse, canaillerie, etc.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Inventivité du suicidé philosophique

 

Le suicidé philosophique est si fertile en inventions, c'est un si rusé compère que ni Madame Yamilah ni le fakir Ragdalam — et ne parlons pas de l'illusionniste Bruno — ne sauraient lire dans son cœur. Dans son ouvrage sur l'homicide de soi-même1, le docteur Claude-Étienne Bourdin rapporte qu'un habitant de Saint-Denis s'occupait depuis plusieurs jours à fabriquer un œuf de carton. À peine eut-il fini qu'il le remplit de poudre, le plaça dans sa bouche, et demandant du feu à sa femme comme pour allumer sa pipe, y mit le feu et se fit sauter la cervelle !

1. Du suicide considéré comme maladie, Paris, Fortin, 1845.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Parlez d'une arnaque

 

La vie, c'est comme d'acheter un chien au brave soldat Chvéïk : on voulait un griffon d'écurie et on se retrouve avec un fox-terrier qui a les oreilles d'un basset, la taille d'un chien de trait et des pattes torses en manche de veste !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 29 octobre 2022

Cache-tronche pisseux

 

L'écrivain et trompettiste Boris Vian prétend que le retraité « marchait tout courbé et portait, été comme hiver, un affreux cache-tronche pisseux ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mélancolies

 

Émile Cioran considérait qu'il n'y avait, en Europe, que trois sortes de mélancolie : la russe, la hongroise et la portugaise. Sûrement, le « négateur universel » n'était jamais passé par Bezons !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une idée à la con

 

Pour démontrer l'inexistence de l'être, le nihilique décida, suivant l'exemple de Descartes, de s'installer dans un poêle. Mais il y faisait trop chaud ! Impossible de rassembler ses idées et d'arriver à quelque chose de probant !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Oblomovisme et théorie des possibilités

 

L'oblomovisme est un état de paresse extrême, de rêverie passive, d'apathie, de léthargie, d'inertie qui se manifeste dans l'horreur du travail et de la prise de décision. Pour l'oblomoviste, prendre un parti est à la fois un déchirement et un vrai casse-tête, surtout quand les conséquences des différentes décisions possibles ne sont pas connues avec certitude. Une solution consiste alors à employer des critères qualitatifs prenant leurs valeurs dans une échelle finie, totalement ordonnée (par exemple les fonctions d'utilité qualitative possibiliste). Mais il faudrait d'abord décider d'utiliser ces critères, et ça...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 28 octobre 2022

Bonne conduite

 

Les règles édictées par saint Benoît et complétées par Férillet Robert nous enseignent que le secret d'une bonne conduite réside dans le silence, la mesure et... l'homicide de soi-même. Mais oui !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Temps de réflexion

 

En novembre 1944, Sándor Márai note dans son Journal : « Je ne vois aucun intérêt pour moi de continuer à vivre. » Mais l'écrivain hongrois était — du moins faut-il le croire — d'un tempérament lymphatique, car il ne mettra fin à ses jours qu'en février 1989.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Haine de l'autrui lévinassien

 

Dans les Souvenirs de la maison des morts, le déporté polonais M-tski déclare au narrateur, en parlant des autres forçats : « Je hais ces brigands ». Et l'on a envie de lui serrer la main, de lui donner une tape dans le dos et de lui dire : « Bravo ! Tout juste ! Voilà qui est parlé ! Nous aussi ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Life in vain

 

La vie du nihilique — mais c'est aussi vrai de celle du proverbial « homme de la rue » bien qu'il ne paraisse pas en être pleinement conscient — est faite de journées inutiles, qui s'abîment l'une après l'autre dans le néant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 27 octobre 2022

Peigne-culs

 

Parmi les « peigne-culs » ayant foulé la surface du globe, on peut citer : Sihon, roi des Amoréens, Og, roi de Basan, et tous les rois de Canaan. Mais il y en a bien d'autres : il suffit de regarder autour de soi. Selon Gragerfis, le royaume de Sihon s'étendait entre l'Arnon et le Jabbok.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Puszta

 

S'il était hongrois, le nihilique pourrait invoquer les mânes de Sándor Petőfi et chanter à son tour la puszta. Mais loin d'être hongrois, il est de Bezons !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Démon de la perversité

 

Si le nihilique ne fait rien de sa vie — il ne voyage pas, il ne fréquente personne, il n'a pas de « relations romantiques », il ne mange pas de côtelettes panées à la milanaise —, c'est d'abord parce que tout le dégoûte, mais c'est aussi pour faire tourner en bourrique ses futurs biographes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Was mich nicht umbringt

 

Un jour qu'il était « gonflé à bloc », le philosophe Frédéric Nietzsche aurait déclaré que tout ce qui ne le tuait pas le rendait plus fort. Mais il aurait mieux fait de s'abstenir, car cette phrase a été répétée depuis par une multitude de céoènes cherchant à passer pour profonds. Par ailleurs, elle est risiblement inexacte. Car il y a plein de choses qui ne nous tuent pas sans pour autant nous rendre plus forts (par exemple le vocable zingibéracé) mais on ne va quand même pas commencer à discuter.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 26 octobre 2022

La peur des coups

 

« Pourquoi vivez-vous ? Est-ce que je vis, moi ? » — Voilà ce que le nihilique dirait aux gens qu'il croise dans la rue s'il ne craignait de se prendre des « mandales ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Dabe égyptien

 

Au dire de Jean-François Champollion, le pharaon Djoser, qui succéda à son père Khâsekhemoui, était surnommé « Monsieur Jo » ou encore « le Dabe ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Drôle d'idée

 

L'écrivain Georges Perec — il en fait l'aveu dans un de ses livres — s'était mis en tête de « chercher en même temps l'éternel et l'éphémère ». Quand il lut ça, le nihilique s'exclama : « Moi aussi ! » Mais tandis que le « chantre de l'absence douloureuse » cherchait l'éternel et l'éphémère dans l'écriture et dans le ressassement de souvenirs insipides, le nihilique décida, on ne sait pourquoi, de les traquer dans une tête de chien couché !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Commediante, tragediante

 

Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi : le lieu et le moment où le « négateur universel » Émile Cioran fut foudroyé par une réminiscence de vocabulaire — « All is of no avail » — et fut tenté de se jeter à l'eau car il n'avait « jamais ressenti avec une telle violence le besoin de mettre un terme à tout ça ». Heureusement, il y avait du monde, ce qui le dissuada de s'immoler. De plus, d'après Simone Boué, il nageait comme un dauphin.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 25 octobre 2022

Jeunesse, belle jeunesse, reviens !

 

L'odeur du marché aux poissons à Morlaix, quoique assez répugnante, peut être à l'origine d'un violent sentiment de nostalgie. Le cas est rare, mais ça arrive.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Lichen des passions

 

Nietzsche dit que « nos passions sont la végétation qui recouvre à chaque instant les roches nues de la réalité ». Selon cette interprétation, les passions seraient donc un genre de lichen ou de mousse. Mais le « penseur paradoxal » ne nous en dit pas plus.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vertige de la liberté

 

Selon Kierkegaard, l'angoisse est « le vertige de la liberté ». Mais peut-être en était-il venu à cette conclusion parce que Régine Olsen était une « pochetée » ? Quoi qu'il en soit, c'est un peu dur à croire.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Littérature et découragement

 

Est-il possible que l'homicide de soi-même soit la seule entreprise humaine qui échappe au ridicule ? Oui. Même si ce n'est pas réjouissant, c'est possible — et même certain.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 24 octobre 2022

Connaissance sous-cutanée

 

Cela demande un long apprentissage, mais une fois qu'on s'est habitué à voir les humains comme des squelettes enveloppés d'une vague forme charnelle, on est tranquille du côté de « l'amour ». On est comme le docteur Behrens — le radiologiste de la Montagne magique — devant Madame Chauchat. Des personnes du sexe, on a « une connaissance plutôt intérieure, sous-cutanée » — et cela vous protège un tant soit peu de leurs maléfices.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aux chiottes les végétaux

 

On pourrait vous enfoncer un petit bâton dans les oneilles, et même vous découper en morceaux, les fleurs continueraient de fleurir et les oiseaux de gazouiller. La nature se fout de tout. Les végétaux en particulier sont des pauvres cons. Les animaux, ça va encore (plus ou moins).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pataugeoire spéculative

 

La pensée commence par penser sa propre existence (c'est le moment anselmien). Cela se passe en général sans anicroche. Mais là où les choses se compliquent, c'est quand ladite pensée se mêle d'investir l'être extérieur et de s'y affirmer (c'est le moment spéculatif hégélien). Elle patauge ! Elle patauge lamentablement !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pas de rouspétance !

 

L'écrivain et trompettiste Boris Vian disait à ses amis que, si ça ne tenait qu'à lui, il ne mourrait jamais. « Je voudrais pas crever », rouspétait-il. Mais le 23 juin 1959... — Bref, il est enterré dans le cimetière de Ville-d'Avray.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 23 octobre 2022

Architecture comparée

 

La mort, c'est du solide. C'est une véritable maison de maçon. Ou plutôt, c'est un logis granitique, visiblement fait pour durer des années. Pas comme la vie, cette espèce de masure en carton-pâte qui s'effondre à la première bourrasque.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fessons les aimants

 

Les gens qui, dans ce monde de néant, se targuent d'aimer quelque chose ou quelqu'un, ces gens mériteraient d'être sévèrement fessés. Mais ils risqueraient d'aimer ça aussi !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Chez les géants

 

Au royaume de Brobdingnag, les rats sont aussi gros que des molosses. Pour vous dire !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Bluff phrastique

 

On peut toujours dire que les mendiants, les vagabonds, les fous, les anachorètes, les suicidés philosophiques sont « les boussoles métaconscientes de notre déclin ». Ça ne mange pas de pain et ça vous pose là comme penseur. Mais c'est de la frime. Les mendiants, les vagabonds, les fous, les anachorètes, les suicidés philosophiques ne sont rien que de pauvres cloches — comme nous tous.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 22 octobre 2022

Cul-de-sac

 

« Apprends-le, Seurel : la vie est un diverticule des félins. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Plasticité du Rien

 

Ce qu'il y a de bien avec la vie, c'est qu'elle se laisse décrire d'un nombre infini de façons. On peut la définir un margouillis exophtalmique, un cognassier-plateforme, une grosse tourte de m..., tout ce que vous voulez. Tant qu'il ne s'agit pas de quelque chose de positif, on est sûr de ne pas se tromper.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Hauts et bas du réel

 

Quand Husserl publia ses Logische Untersuchungen, le réel faillit se retrouver « cul nu ». Son falzar ne tenait plus qu'avec des ficelles et des épingles de nourrice. Puis vint Heidegger et la réalité empirique retrouva une certaine superbe. « L'être ». Tu parles !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Ça vient ?

 

L'écrivain et trompettiste Boris Vian avait promis que l'on tuerait tous les affreux — et c'était assurément une excellente nouvelle. Mais ça tarde. Ça tarde trop.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 21 octobre 2022

Maladie honteuse

 

Que peut-on faire, quand on est insensible à l'œuvre de Shakespeare ? Une seule chose : dissimuler !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Impuissance du mot

 

Quelqu'un d'un peu fragile de la tête tombe facilement dans l'illusion qu'il arrivera, à l'aide de simples vocables (strapontin, etc.), à régler son compte au Grand Tout. Erreur ! Vous pouvez le traiter de batracien ou de margouillis exophtalmique, à la fin, c'est toujours lui qui vous cloue le bec.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le seul avantage

 

Pendant que vous souffrez, des dents ou d'un autre viscère — quoique les dents ne soient pas à proprement parler un viscère —, vous ne pensez pas au reste. Mais c'est le seul avantage.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aux chiottes, la célébrité

 

Eût-elle du génie, une personne véritablement « nihilique » ne s'abaissera jamais à être connue.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 20 octobre 2022

Presque

 

C'est tout de même quelque chose, de n'aimer personne. Et de trouver que « tout pue ». Il y aurait presque de quoi se demander si le problème ne réside pas en soi-même. — Presque.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le roi de la gênance

 

Les animaux ne prêtent pas à rire. Seul l'homme est grotesque. À cause de son « Moi » névropathe.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vie facticielle

 

L'existence, parlez d'un voyage. Ce ne sont que jungles épaisses et monts pelés. Décidément, Heidegger a raison : la vie facticielle se caractérise par une négativité spécifique qui n'a rien à voir avec le problème logique de la négation et qui est réfractaire à toute interprétation dialectique. Sans parler des scories mortifères qui vous tombent sans cesse sur le cassis !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un être kafkaïen

 

C'est effrayant, quand on y pense, toutes les choses que le nihilique a en commun avec le pauvre Grégoire Samsa : lorsqu'il s'exprime, personne ne le comprend et il semble avoir « une voix d'animal » ; ses pattes produisent un liquide semblable à de la colle ; on lui lance des pommes ; la « réalité empirique » l'attaque et le ronge de l'intérieur, le laissant « tout plat et sec ». Et cætera, et cætera.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 19 octobre 2022

Tout pour plaire

 

On savait l'homme faible et ridicule, mais quand on prend les « transports en commun », on découvre qu'en plus de ça il — c'est triste à dire — pue.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Avertissement

 

Homme ! Ne mets pas tes mains — et encore moins ton âme — dans ce sinistre bizeness de « l'existence ». Tu risques de te faire pincer très fort.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)