Il
n'a rien fait de mal si ce n'est, comme Rolla, d'être venu trop tard
dans un monde trop vieux et d'être doté de canines particulièrement
développées. Il ne mérite pas d'être immolé à la folie des hommes. Il
faut sauver Toto le sanglier.
Il
n'y a pas de chants désespérés. Quand on est désespéré, on ne chante
pas ; on a « autre chose à penser ». Les énergumènes qui braillent des
chants désespérés font « jore » d'être désespérés, mais ils ne le sont
nullement. Et le pire, c'est que le poëte Alfred de Musset est tombé
dans le panneau. Maintenant, tout le monde croit qu'il y a des chants
désespérés, à cause de ce couillon.
Lorsque
le pélican, lassé d'un long voyage, dans les brouillards du soir
retourne à ses roseaux, le philosophe Edmond Husserl court sur le rivage
en le voyant au loin s'abattre sur les eaux et lui crie : « Toute
conscience est conscience de quelque chose ! Toute conscience est
conscience de quelque chose ! » Depuis le temps que ça dure, le pélican
en a ras la casquette. Comme il aimerait, le pélican, envoyer le
phénoménologue aux cinq cents diables, et avec lui tous les « amis de la
sagesse » !
L'homme,
une fois qu'il a compris que l'être se résume à un margouillis
exophtalmique (eine exophtalmische Margouillis), est pour ainsi dire « kaput ». Il n'est plus qu'un cadavre vivant. Comme dirait Alfred de
Musset, « le désespoir l'habite et le néant l'attend ».
Le
moins qu'on puisse dire, c'est que la vie n'a pas été tendre avec le
poëte Leopardi. Il était bossu, souffreteux, et personne n'en avait rien
à foutre de ses poëmes. Souventes fois, il était complètement découragé
et il disait qu'il était « mûr pour la mort ». Ce qu'il lui aurait fallu
pour supporter tout ça, il n'y a pas de doute, c'est un petit coup de « vermouth des intrépides », mais dans la maison familiale de Recanati, il
n'y avait pas plus de Vulcani que de beurre au prose. Le poëte a quand
même réussi à tenir jusqu'à trente-huit ans, on se demande comment.
Sombre amant de la mort, pauvre Leopardi !