Il est de
notoriété publique que quand le pélican, lassé d'un long voyage, dans
les brouillards du soir retourne à ses roseaux, ses petits affamés
courent sur le rivage en le voyant au loin s'abattre sur les eaux. Eh
bien pour le négateur Émile Cioran, c'était pareil : il courait sur le
rivage. Peut-être pas tout le temps, mais en tout cas chaque fois qu'il
était foudroyé par une réminiscence de vocabulaire. Ça se passait en
général à l'étang de Soustons, sur le coup de deux heures de
l'après-midi. Le négateur disait que courir sur le rivage l'aidait à se
calmer. Que sinon, il se serait jeté à l'eau tellement il en avait
soupé.
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)
