Dans son livre Mathématique universelle abrégée à l'usage et à la portée de tout le monde (Simon, Paris, 1728), le père Louis Bertrand Castel demande au lecteur d'imaginer la surface d'un corps. « Cette surface, dit-il, est mitoyenne entre l'être et le néant : là finit le corps, là commence le néant du corps ; ou pour mieux dire, là commence indivisiblement l'être et le néant du corps ; et ce que nous appelons surface appartient autant au néant qu'à l'être ; c'est le contact indivisible du néant et de l'être. Ainsi, toute partie d'un corps pouvant devenir surface, ligne et point, toute partie peut être investie du néant 1, et cela autant d'un côté que de l'autre. »
Aussi étonnant que cela puisse paraître, une façon de devenir néant est donc de faire remonter tout son être à la surface, c'est-à-dire de faire de soi-même une créature absolument superficielle. Mais est-ce vraiment si étonnant ? En y réfléchissant bien, ce ne sont pas les exemples qui manquent...
1. C'est nous, Glapusz, qui soulignons.
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
vendredi 22 juin 2018
Théorème de Bayes
Imaginons deux urnes remplies de pilules. La première contient dix pilules de poudre de perlimpinpin et trente de cyanure ; la seconde en a vingt de chaque sorte. On tire sans préférence particulière une des urnes au hasard et dans cette urne, on tire une pilule au hasard, que l'opérateur s'empresse d'avaler. Il meurt dans d'horribles convulsions. Quelle est la probabilité qu'on ait tiré cette pilule de la première urne ?
Intuitivement, on sent bien qu'il est plus probable que cette pilule provienne de la première urne que de la seconde. Donc, cette probabilité devrait être supérieure à 50 %. La réponse exacte (qui est 60 %) peut se calculer à partir du théorème de Bayes.
Le révérend Bayes, dans sa formule, utilise les probabilités pour traduire numériquement un degré de connaissance. Et c'est bien son droit, puisque la théorie mathématique des probabilités n'oblige nullement à associer celles-ci à des fréquences, qui n'en représentent qu'une application particulière !
Dans cette optique, le théorème de Bayes peut s'appliquer à toute proposition, quelle que soit la nature des variables et indépendamment de toute considération ontologique — contrairement à l'approche heideggerienne qui met en jeu le « Dasein », par exemple.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Intuitivement, on sent bien qu'il est plus probable que cette pilule provienne de la première urne que de la seconde. Donc, cette probabilité devrait être supérieure à 50 %. La réponse exacte (qui est 60 %) peut se calculer à partir du théorème de Bayes.
Le révérend Bayes, dans sa formule, utilise les probabilités pour traduire numériquement un degré de connaissance. Et c'est bien son droit, puisque la théorie mathématique des probabilités n'oblige nullement à associer celles-ci à des fréquences, qui n'en représentent qu'une application particulière !
Dans cette optique, le théorème de Bayes peut s'appliquer à toute proposition, quelle que soit la nature des variables et indépendamment de toute considération ontologique — contrairement à l'approche heideggerienne qui met en jeu le « Dasein », par exemple.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Attraction fatale
Au dire du chanoine Lesueur, le séminariste en vacances doit fuir « le scandale des mauvais exemples, les propos licencieux et les lectures indiscrètes et dangereuses » 1.
L'homme du nihil, lui, est exposé à un autre genre de tentation, et s'il veut éviter de rejoindre avant l'heure le Grand Indéfini d'Anaximandre, il se gardera de villégiaturer sur le Grand-Plateau, cette plaine gelée comprise entre le Mont-Blanc et les Monts-Maudits, terminée par des pentes de glace abruptes, d'immenses crevasses et d'affriolants précipices.
1. Chanoine Lesueur, Manuel du jeune séminariste en vacances, Lyon, Rusand, 1835.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Mort apparente
Quels sont les moyens de distinguer la mort apparente de la mort réelle ? Existe-t-il, en dehors de la décomposition cadavérique, des signes infaillibles que le patient a « avalé le goujon » ? Il y a longtemps que ce problème préoccupe l'homme du nihil. Quand on a comme lui l'habitude compulsive de « faire le mort », on peut craindre avec raison les affres de l'inhumation anticipée. On n'a point encore trouvé et on ne trouvera probablement jamais le moyen de distinguer avec certitude, dans tous les cas, la mort réelle de celle qui n'est qu'apparente, dit le docteur Josat 1. La décomposition cadavérique est le seul indice certain de la mort. »
L'homme du nihil demande donc expressément qu'on attende l'apparition de la fameuse « tache verte abdominale » pour le rayer de la carte des vivants. La disparition à la surface de son corps du bourdonnement perçu par le dynamoscope ne doit en aucun cas, selon lui, être considéré comme un signe probant, non plus que l'absence de contractilité musculaire sous l'influence de stimulants galvaniques. Quant à la « pince à mamelon », sa fiabilité lui semble tout aussi douteuse, car il en faut beaucoup pour le faire tressaillir.
1. Josat, Des signes de la mort.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
L'homme du nihil demande donc expressément qu'on attende l'apparition de la fameuse « tache verte abdominale » pour le rayer de la carte des vivants. La disparition à la surface de son corps du bourdonnement perçu par le dynamoscope ne doit en aucun cas, selon lui, être considéré comme un signe probant, non plus que l'absence de contractilité musculaire sous l'influence de stimulants galvaniques. Quant à la « pince à mamelon », sa fiabilité lui semble tout aussi douteuse, car il en faut beaucoup pour le faire tressaillir.
1. Josat, Des signes de la mort.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Pneuma
Le souffle du Rien m'arrive aussi tiède et doux que l'haleine d'un bovin.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Migraine (Tobias Wolff)
C'est au travail que ça avait commencé. Au premier élancement, elle eut le souffle coupé et ses yeux s'écarquillèrent. Puis il y eut un répit, avec seulement une légère pression dans la nuque. Joyce posa les mains de part et d'autre du clavier et attendit. Des box alentour lui parvenait le cliquetis régulier d'autres claviers. Elle savait ce qui était en train de lui arriver : elle allait donner naissance à un concept. Mais comment le baptiser ? Comment échapper à l'embarras terminologique ?
Elle se souvint que quand Sartre, en 1940, avait lancé le concept d'imaginaire, il avait été en butte à la même difficulté : « ces objets spéciaux qui se présentent à chaque instant à la conscience, confiait-il dans le prière d'insérer de son livre, j'ai choisi de les nommer "imaginaires" pour éviter le vieux nom (souillé) d'image et le terme (ruiné) d'imagination ».
Après quelques instants de réflexion, Joyce décida d'appeler son nouveau concept « force normative ». Et pour le promouvoir, elle résolut d'entreprendre, dès que son mal de tête serait passé, la rédaction d'un article intitulé « La force normative du pouvoir étatique dans la philosophie de Michel Foucault ». Derrida n'avait qu'à bien se tenir !
(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)
Erreur sur la personne
Quand le maléfique Mitsuhirato, voyant le consul de Poldévie entrer dans la fumerie d'opium, annonce à ses acolytes : « Cet homme est Tintin », il fait montre d'un dogmatisme hors de saison. Le sceptique, lui, n'attache son affirmation qu'à sa pensée présente, dans un instant donné, et tout en énonçant sa conviction, il doute de la chose en soi, de la vérité qu'il exprime, et n'en pose que l'apparence du fait.
Finalement, Mistuhirato est obligé de reconnaître son erreur — la barbe du consul s'avérant bien réelle — et s'écrie : « Malédiction ! ce n'est pas Tintin !... Déliez-le !... »
Et le consul de Poldévie de rétorquer, courroucé au suprême : « Non, je ne suis pas Tintin, je suis le consul de Poldévie !... Et vous aurez de mes nouvelles, gredin !... »
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
L'arme absolue contre le suicide : le fauteuil rotatoire
« Si, au lieu d'enfermer le suicidé philosophique, on le soumet à l'action du Fauteuil ou du Lit rotatoire, l'effet répressif sera plus prompt et plus violent encore : au bout de quelques moments, la figure perd son expression : le malade cesse de vociférer ; il pâlit, la tête s'infléchit sur la poitrine : on arrête le mouvement de rotation : le pouls donne à peine quelques pulsations ; le suicidé philosophique fait des efforts pour vomir, et vomit en effet : un affaissement général se déclare, le malade se soutient mal, cherche le lit et s'endort paisiblement. Parfois, l'hypertonie morbide cesse à la première rotation, et le suicidé philosophique se trouve rendu à la raison. Cet effet prompt, salutaire, a principalement lieu lorsque l'aliénation est récente, le sujet jeune et la cause morale. » (Joseph Guislain, Traité sur les phrénopathies ou Doctrine nouvelle des maladies mentales, 1833)
— L'« aliénation » !!!
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
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