mercredi 9 mai 2018

Connaissance mystique


Hier vers 16 heures, une intervention pour assistance à personne a entraîné la fermeture de la rue Brives à Cahors, pendant plus d'une heure. Les pompiers et la police sont intervenus pour raisonner un habitant qui menaçait de se jeter par la fenêtre. Aux alentours de 17 h 30, la personne a pu être prise en charge et conduite au centre hospitalier. Au domicile du désespéré, les policiers ont découvert, caché sous des chaussettes, un exemplaire du remarquable ouvrage de Jean Baruzzi, Saint Jean de la Croix et le problème de l'expérience mystique (2e édition : Paris, Félix Alcan, 1931) où il est question, page 525, de « l'anéantissement absolu » qui est la condition de la connaissance mystique. (La Dépêche, 26 mars 2013)

(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

Mort de Boèce


« Le philosophe eut le crâne serré si violemment avec des cordes, que les concepts lui sortirent littéralement de la tête ; les bourreaux l'assommèrent à coups de bâton et décapitèrent son beau-père Symmaque. » (Jean-Bernard Mary-Lafon, Rome ancienne et moderne depuis sa fondation jusqu'à nos jours, Paris, Furne, 1854)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Une terrible méprise


Pourquoi, dans Crime et châtiment, Raskolnikov décide-t-il d'assassiner la « vieille bique », si ce n'est pour se prouver à soi-même que « rien n'est » ? Il échoue lamentablement, mais cela n'entame aucunement sa détermination à « mettre à bas les structures empaillées de la raison pure ». Les années passent, et en 1898, alors qu'il termine sa période de relégation en Sibérie, il se sent défaillir. L'issue fatale est proche, mais le « transgresseur arrogant de l'ordre moral » fait des manières et demande à mourir « face à la mer ». On le transporte à Deauville où il décède le 8 août au matin dans la villa Breloque, au numéro 8, rue Oliffe. 

Ce n'est qu'après avoir livré la dernière partie de son roman à Katkov que Dostoïewski s'aperçut de sa terrible méprise : il avait pris pour Raskolnikov le peintre Eugène Boudin ! Il supprima donc subito presto cette fin par trop rocambolesque.

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Au restaurant syldave


« Monsieur voudrait ?... 
— Heu... donnez-moi... heu... un "szlaszeck" aux champignons... et un verre de "szprädj"... 
— Et avec ceci ? 
— Heu... eh bien... je prendrai... une grosse tranche de non-être. 
— C'est que... je suis désolé, Monsieur. Nous ne faisons pas cet article. »

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Sphères de Dandelin


Le théorème de Dandelin énonce que, si une ellipse ou une hyperbole est obtenue comme section conique d'un cône de révolution par un plan, alors : primo, il existe deux sphères à la fois tangentes au cône et au plan de la conique ; deuzio, les points de tangence des deux sphères au plan sont les foyers de la conique ; tertio, les directrices de la conique sont les intersections du plan de la conique avec les plans contenant les cercles de tangence des sphères avec le cône.

Ce théorème fut mis à profit d'une manière tragique par le le mathématicien italien Renato Caccioppoli. Le 8 mai 1959, après de longs mois de dépression et d'alcoolisme, il se suicide à son domicile de Naples, en sectionnant d'abord un cône — selon le rapport de police, il obtint une hyperbole —, en s'allongeant sur le plan de coupe, et en se laissant écrabouiller par les deux sphères de Dandelin qu'il avait mises en branle à l'aide d'un levier.


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Conceptualisme frénétique


« Lundi soir, vers 21 h 30, un homme est décédé après une chute depuis le balcon de son logement situé au 7e étage d'un immeuble rue François-Hennebique, dans le quartier de la Halvêque, au nord de Nantes.

Âgé de 31 ans, cet homme présentait des troubles psychologiques qui lui faisaient tenir les concepts pour de simples "fluctuations de voix" (flatus vocis) et affirmer que "seuls les individus existent". Il rejetait ainsi la "chevalinité", la circularité, ou la "parentité" et exigeait que l'on ne parlât que de tel cheval, de tel cercle ou de tel parent.

Aucune trace de lutte n'a été retrouvée à l'intérieur de son domicile, ni aucune autre trace de violences sur le corps de la victime. L'hypothèse privilégiée par les enquêteurs est celle d'un suicide philosophique. » (Presse Océan, 20 février 2018)


(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Quiproquo comique


Dès ses premières rencontres avec le Rien, le suicidé philosophique, qui se dissimulait alors sous le pseudonyme translucide de Georges Poulot, avait noté : « S'il me fallait donner une impression valable sur mes premiers rapports avec le Rien, que je vois tous les jours, longuement, je serais bien embarrassé. Créature secrète, difficilement approchable, qui semble avoir accepté de vivre comme tout le monde, sans pour autant laisser mourir la partie précieuse de son individu. » Ce n'est que quelques mois plus tard que le suicidé philosophique s'aperçut de sa terrible méprise : il avait pris pour le Rien l'écrivain Jean Grenier !

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Lipogramme fatal


Ce lundi matin vers 5 heures, une dame âgée de 80 ans est morte après être passée sous les roues d'un poids lourd, rue des Tulipes, à Hautmont. Comme la procédure le veut, le chauffeur a été placé en garde à vue. Il en est ressorti en milieu d'après-midi, sans faire l'objet de poursuites.

Le scénario commence à se dessiner. La victime, qui habite le quartier, a voulu mettre fin à ses jours. « Il n'y a pas de doute là-dessus, elle nous a laissé un mot où elle demande pardon. Elle était en dépression suite à la lecture d'un roman de Georges Perec », racontent ses proches. Le lit médicalisé sur lequel se trouvait la dame était situé en face d'une fenêtre d'où l'on pouvait voir le camion. Avec sa couverture, la victime est sortie pour se placer elle-même sous les roues du poids lourd. (La Voix du Nord, 19 septembre 2017)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

Tous les trous du cul de la terre et le mien (Bukowski)


Dans la salle d'attente de l'hôpital, une petite fille regardait nos visages gris, nos visages blancs, nos visages jaunes... « Y sont tous en train de mourir ! » elle a proclamé. Personne lui a répondu. J'ai tourné la page d'un vieux numéro du Time. Et puis ç'a été plus fort que moi. « Sale petite pisseuse, j'ai dit. Tu ne sais donc pas que la fin de l'être-au-monde est la mort ? Cette fin appartenant au pouvoir-être, c'est-à-dire à l'existence, délimite et détermine la totalité à chaque fois possible du Dasein. Cependant, l'être-en-fin du Dasein dans la mort — et, avec lui, l'être-tout de cet étant — ne pourra être inclus de manière phénoménalement adéquate dans l'élucidation de son être-tout possible que si est conquis un concept ontologiquement suffisant, c'est-à-dire existential, de la mort. Tu piges ? » Elle s'est mise à chialer.

(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

Tribulations du Dasein


La vie fournit à l'homme des occasions de déconvenue dont je passerai sous silence le nombre car il correspond à une évidente exagération hindoue. (Mais après tout, pourquoi ne pas le dire : elles seraient quatre-vingt-quatre mille.)

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)