mercredi 30 novembre 2022

En lisant, en écrivant

 

Écrire n'a d'intérêt que si on le fait pour dire du mal de l'existence. Alors, c'est thérapeutique. Sinon ça ne sert à rien, c'est juste bon à ennuyer le populo. Lire, c'est pareil. On lit pour trouver confirmation que l'existence n'est qu'une grosse tourte de m... L'âme humaine, on la connaît assez, merci.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Supériorité du minéral

 

Il est peut-être vrai, comme le prétend le Grandiloque, que « celui qui n'a jamais envié le végétal est passé à côté du drame humain ». Mais se faire grignoter par des doryphores ou autres bestioles, merci bien ! Non, non, plutôt le minéral.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Abélard à Loches

 

Vers 1095, Pierre Abélard abandonne le foyer familial et l'oppidum du Pallet pour se consacrer aux lettres, « échangeant les armes de la guerre contre celles de la logique ». Il rencontre à Loches le chanoine Roscelin, philosophe du nominalisme. Othon de Frisingen, ancien élève d'Abélard dans les années 1130, le confirmera dans sa chronique : « Il eut d'abord pour précepteur un certain Roscelin qui, le premier dans notre siècle, introduisit dans la logique le système nominaliste. » Abélard rencontra-t-il à Loches la célèbre Madame Bellepaire, connue pour « avoir de la conversation » ? Othon de Frisingen ne le précise pas.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Trop grave la vie

 

Qu'il est difficile de vivre quand on souffre d'angoisse kierkegaardienne... Cette oppression... Et cette sensation de vertige à la simple pensée qu'on va devoir se livrer à une « action »... Pire que tout, une « action » impliquant un contact avec le « monstre bipède »... Non, parole, ce n'est pas marrant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 29 novembre 2022

Bartlebification de l'étant

 

Commettre l'homicide de soi-même n'implique pas nécessairement de faire gicler le sang sur les murs. On peut se suicider « à la papa ». On respire toujours, mais on ne participe plus à « tout ça ». On a rendu son tablier. C'est ce qu'on pourrait appeler la « bartlebification de l'étant existant ». Satisfaction guaranteed or your money back.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nostalgie du minéral

 

À côté d'un rotond caillou, tout paraît inopportun, mal venu.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Gage de tranquillité

 
Pour échapper aux complications de l'amour et de l'amitié, être une personne déplaisante, c'est encore ce qu'il y a de mieux. Sinon, il y a toujours la solution de puer des pieds (ou de la gueule) — mais ce n'est pas donné à tout le monde.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Poubelles de la littérature

 

Voici Hugo. Tout le monde l'adore parce qu'il a écrit les Misérables, Notre-Dame de Paris et tout un tas de conneries du même acabit. Et voici Antonin Artaud dit le Mômo. Lui a écrit l'Ombilic des limbes et personne ne peut le blairer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 28 novembre 2022

Portrait craché

 

« Être un homme corrosif, avoir en soi une volonté d'acier, une haine de diamant, une curiosité ardente de la catastrophe, et ne rien brûler, ne rien décapiter, ne rien exterminer ! » — Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas le « Grandiloque des Carpates » qui a écrit ces lignes, mais le pénible Hugo. Pour une fois : bien dit, Victor ! Tu nous as bien peint. Pas un mot à changer (sauf peut-être la volonté d'acier).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Friends

 
L'amitié. N'est-il pas étrange qu'un concept aussi contraire à la nature humaine jouisse d'un tel crédit ? Pour stupide que soit le monstre bipède, il ne peut pas ignorer qu'autrui est un faux jeton patenté. S'il s'évertue nonobstant à avoir des « amis », c'est parce qu'il cherche chez eux la confirmation de sa propre existence. IL A LA FROUSSE, LE SALOP !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cumulard

 

D'après La Rochefoucauld, un homme à qui personne ne plaît est bien plus « malheuleux » que celui qui ne plaît à personne. Que dire alors de celui qui cumule !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Désespoirs (métaphysique et autre)

 

Le « désespoir métaphysique » permet encore au « désespéré » d'agencer de belles phrases et de faire le malin. Mais le désespoir qui accompagne la mort d'un animal de compagnie tendrement aimé (par exemple une gerbille de Mongolie), ce désespoir-là vous ôte pour toujours le goût de faire des phrases (sur l'être, le néant, et tout ce qui s'ensuit).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 27 novembre 2022

La mort

 

Vu la façon dont les choses se goupillent dans ce « monde de néant », il serait peut-être sage de ne s'attacher à rien, quitte à trouver le temps long. En tout cas, à rien de vivant. Car n'importe la créature à laquelle vous vous attacherez — fût-ce un simple perroquet —, on vous la prendra tôt ou tard. La mort, la mort, la mort, la mort !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mousserons du doute

 

Quand, dans les Frères Karamazov, le père Théraponte demande : « Et les mousserons ? », ne croirait-on pas entendre Sextus Empiricus disserter sur le « ou mâllon » (Esquisses pyrrhoniennes, I, 188) qui signifie dans le vocabulaire du scepticisme « pas plus ceci que cela », ou « pourquoi ceci plutôt que cela » ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Espadrilles

 

Quand on a la conscience d'être un raté, un « homme de trop », on peut aussi bien porter des espadrilles (tant qu'à faire, autant y aller carrément).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Incroyable coïncidence

 

C'est un coup du sort étrange : tous les hommes dont on a ouvert le crâne avaient un cerveau, et non seulement ça, mais leur cerveau ressemblait à s'y méprendre à une tête de chien couché.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 26 novembre 2022

De la certitude

 

Ludwig Wittgenstein, à force de pratiquer le doute systématique, en était arrivé à se demander si cette chose qui pendait au bout de son bras était bien réellement sa main. Mais la maladie emporta le philosophe quelque temps après, et l'affaire fut ainsi réglée.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Orthodoxie

 

Ô starets Zosime ! Et toi, higoumène Paphnuce ! (interrompu)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Bourrelles

 

À qui se complaît dans le malheur, la femme offre des perspectives quasi illimitées.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Littérature comparée

 

Tolstoï est peut-être un meilleur styliste que Dostoïevski, mais son personnage d'Anna Karénine n'arrive pas à la cheville de Sonia Marmeladova quand il s'agit d'évoquer une purée de fruit sucrée et épaisse, par exemple une compote préparée avec de la pulpe de coing.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 25 novembre 2022

Fantôme

 

« Autrui lévinassien ! J'ai crié avec toi, j'ai pleuré avec toi. Que ne puis-je arriver à croire en ta vie ? » s'écrie le nihilique, s'inspirant peu ou prou de Benjamin Fondane.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fard rouge

 

Pour faire bonne figure au « bal masqué du néant », l'écrivain allemand Ernst Jünger préconise de s'appliquer du fard rouge, confirmant ainsi qu'il est un « bredin ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Conseil aux mutilés de cul

 

Mutilés de cul ! Ne vous assoyez pas sur les chaises d'Ionesco ! Le néant y est central et vous risqueriez de vous retrouver le cul (ou l'absence d'icelui) par terre ! Ces « chaises » sont un concentré de vide ontologique ! Alors attention, hein !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Derechef

 

La comtesse de Ségur est fatigante, avec ses derechef. Au bout d'un moment, cela vous porte sur les nerfs. Derechef par-ci, derechef par-là... Assez de derechef ! Du possible ! Du possible, sinon nous étouffons !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 24 novembre 2022

N'attendons pas Godot

 

Vladimir et Estragon sont des minables, mais leur intelligence limitée leur a tout de même permis de « piger la coupure » : dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort, la seule chose à faire est de se pendre. Quant à Godot, il peut bien aller se faire foutre, le salop.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

États d'âme

 

Comme ce serait bien, si le moral de l'homme n'était conditionné que par sa santé physique ! Mais tout l'affecte, les phases de la lune, le sec, l'humide, et jusqu'aux sordides manigances d'une mégère difforme au faciès d'hippopotame...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Infernale connaissance

 

À l'instar de saint François, le nihilique considère que la connaissance est l'œuvre du diable. Pour sa part, il préférerait ne rien connaître (sauf peut-être l'almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n'y en a point).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Col du fémur

 

Oh, ces gens qui veulent « se réaliser » !... Qui rêvent de « s'épanouir » !... Que ne se cassent-ils le col du fémur !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 23 novembre 2022

Aux chiottes les dons

 

Seul est respectable celui qui ne fait aucun usage de ses dons. Il ne se met pas en avant. Il a le sens du ridicule. Mais le mieux est encore de n'avoir aucun don. Les « dons » ! Je t'en foutrai des dons, moi, tuouaouar !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Présence du vide

 

Le pachynihil est surtout effrayant dans les rues, dans les endroits illuminés. Mais il se fait sentir dans les âmes aussi — et comment !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vérité de l'être

 

Il y a quelque chose de moral dans la vieillesse. Elle rappelle l'homme à sa véritable condition — qui est celle d'un perdant de la mondanisation (au sens du philosophe Karl Löwith).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Puisque tout pue...

 

Aimer quelque chose ou quelqu'un, c'est presque toujours faire preuve de mauvais goût.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 22 novembre 2022

Démon des vibrations

 

Au commencement était le Verbe, nous dit l'Évangile de Jean. Le Verbe c'est-à-dire... la vibration. Dieu peut donc être vu comme... le démon des vibrations ! Tout s'emboîte !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

À lurelure

 

Celui qui n'a pas de sol sous ses pieds parce qu'il pense — à tort ou à raison — que « rien n'est », celui-là est condamné à vivre et à mourir sans plan préétabli, comme ça vient — « à lurelure ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Alternative à la vie

 

À l'usage, la vie se révèle souvent décevante. Elle inclut des phénomènes tels que la maladie, la vieillesse et la mort, qui sont autant d'événements « souciants ». Du fait de la temporalité du temps, rien n'est stable, tout se délite, tout se désagrège, et ce délitement, cette désagrégation, font naître chez le sujet pensant un sentiment de mélancolie et même de l'horreur. C'est pour ça qu'il y en a qui préfèrent manger de la crème de marron. Ça colle au pain, c'est sans mystère, c'est certes plus commun (que la vie) mais ça tient bon.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Raseurs

 

Un homme qui s'obstine dans le Rien est presque aussi fatigant que celui qui s'obstine dans le quelque chose.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 21 novembre 2022

Aux chiottes James Joyce

 

À défaut de pouvoir être James Joyce, on dit qu'on aime James Joyce et le tour est joué, on est un « connoisseur », on est auréolé de la grandeur supposée de James Joyce. Mais aux chiottes, tout ça. James Joyce nous fait suer, il est suprêmement pénible en plus d'être borgne, nous ne prétendrons pas que nous l'aimons et comme dirait le Mômo : « Pensez de moi ce que vous voudrez ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Wou-Wei

 

Tous les chantres du non-agir (exempli gratia, Jean Grenier) ont été de fieffés hypocrites. Ils se livraient tous à des activités « en loucedé ». S'ils avaient été fidèles à leur doctrine, leurs noms ne nous seraient jamais parvenus. Scélérats ! Pots de pisse !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Impudence bipédique

 

Sauf peut-être en ce qui concerne le nombre de pattes, l'homme ne diffère en rien d'une fourmi. Eh bien. Imagine-t-on une fourmi, fût-elle de dix-huit mètres et portât-elle un chapeau sur la tête, exalter son Moi en écrivant des poëmes ? Non. Alors ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Maudire soulage

 

S'il n'y a pas de Dieu, alors tous les grands imprécateurs, les Lautréamont, les Artaud, ont perdu leur temps, pis encore, ils se sont ridiculisés. Mais ce n'est pas bien grave puisque vivre signifie de toute façon se ridiculiser. Et puis il y a des gens — ceux que « l'être » a poussés à bout — chez qui le besoin de maudire est incoercible. De fait, le psychologue américain John Tussord l'a montré, maudire soulage.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 20 novembre 2022

Attention au lumbago

 

L'art est une diversion puérile, risiblement inapte à faire oublier l'odiosité de l'existence. Alors que faire ? Comment se distraire du cauchemar d'avoir un Moi ? Finalement, c'est sans doute le gars Voltaire qui avait raison : il faut cultiver son jardin. Mais attention : « ça fait mal aux rintintins » car « la terre est basse ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La lune en plein soleil

 

Commettre l'homicide de soi-même, cela revient à montrer son « boule » au Grand Tout et à lui dire : « Je t'emmerde, pauvre con. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aux chiottes la poésie

 

Lire ou écrire de la poésie n'a jamais sauvé personne du désespoir. Les poëmes ne servent qu'à faire chier tout le monde (comme les romans, les sonates et les tableaux de peinture). Je t'en foutrai des poëmes, moi, tuouaouar !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aimez-moi

 

Selon son propre aveu, le poëte hongrois Attila József n'avait pas un seul ami (cf. son poëme Ni père ni mère). Fort marri de cette situation, il se suicida en se jetant sous un train à l'âge de trente-deux ans. Maintenant bien sûr, tout le monde l'aime, mais c'est trop tard. Oui : trop tard.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 19 novembre 2022

Vivre, c'est trop la honte

 

La « mère Nature » nous oblige à faire des choses indignes d'un être pensant : ingurgiter des « nutriments », expulser les résidus de ces « nutriments » sous la forme de cigares japonais ou de tourtes, faire la « bête à deux dos » avec des personnes du sexe, et cetera, et cetera. Pour se sentir moins minable, l'homme a imaginé de donner à ces choses une tournure « élevée » — « gastronomie » pour l'ingurgitation, « amour » pour la bête à deux dos — ou de les faire « en loucedé » (expulsion des résidus). Mais NOUS NE SOMMES PAS DUPES !!! Tout ça est RIDICULE et HUMILIANT !!! VENGEANCE !!!

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Histoire drôle

 

C'est Jésus qui dit à Simon dit Pierre : « Hé, mec ! T'as une banane dans l'oreille. » Et Simon dit Pierre répond : « Quoi ? » Alors Jésus répète : « Mec, t'as une banane dans l'oreille. » Et Simon dit Pierre dit à Jésus : « Parle plus fort, j'ai une banane dans l'oreille. » — Voilà. C'est tout — plus ou moins.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une lugubre cantilène

 

Sombre Dimanche (Szomorú Vasárnap) est un morceau de jazz écrit en 1933 par le compositeur hongrois Rezső Seress. D'une tristesse et d'une mélancolie à tout casser, il fut interdit dans la plupart des établissements de Budapest qui craignaient qu'il ne poussât leurs clients à se pendre.
En janvier 1968, Rezső Seress lui-même tenta de se suicider en se jetant par la fenêtre de son appartement. Il survécut mais n'avait pas dit son dernier mot. À l’hôpital où il avait été conduit, il parvint à se donner la mort en s’étranglant à l’aide d’un câble.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Comme même

 

Certains, tout en reconnaissant que la vie est pleine de désagréments, affirment qu'elle vaut « comme même » d'être vécue. Mais ils se trompent, et doublement. Primo, elle ne vaut pas d'être vécue. Deuzio, ce n'est pas « comme même » mais « quand même ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 18 novembre 2022

Barbara et le Dasein

 

Rappelle-toi, Barbara : parmi tous les étants, un seul, l'homme, a la possibilité de s'interroger sur l'être. C'est cette interrogation (ou sa possibilité) qui constitue l'être même de cet étant. Verstanden ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon, d'après Jacques Prévert)

Dans le métro

 

« Quand le haut-parleur tonitrua “Bonne nouvelle”, je crus que l'humanité avait été anéantie, mais ce n'était que l'annonce de la prochaine station. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)