« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 18 septembre 2018
Entre-deux
L'excrément est simultanément dans le temps et hors du temps, engagé dans ce monde mais dans un autre monde : contradiction essentielle dont le sujet déféquant ne peut sortir que par un coup de force, un effort presque désespéré de ses muscles abdominaux.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Les adieux à Gand
Avant de commettre l'homicide de soi-même, le poète flamand Jacob van Zevecote (1604‒1646) coucha sur le papier ce déchirant poème d'adieu : « En avant, il faut partir : adieu, douce patrie, qui si souvent éveillais ma veine. Adieu, champs d'Oostacker ; quand les soins et les peines me tourmentaient, votre herbe vive, votre inépuisable verdure dissipaient mes angoisses. Gand, je ne te verrai plus ! Ma nacelle ne me portera plus jusqu'à Tronchiennes, le long des vertes prairies où s'engraissent et pâturent les bœufs que le Danemark nous envoie. Adieu, adieu ! il faut partir ; je dois escalader l'étroit sentier des rochers dont la tête hardie, toujours couverte de neige, défie les hauteurs des cieux. » — On ne fait pas plus poignant.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Vermineuse haeccéité
« Seigneur, hélas ! quel genre cruel de mort j'endure ! Si j'étais livré au bourreau, les tourments enfin m'auraient ôté bientôt la vie ; et si les bêtes féroces me rencontraient dans le désert, elles auraient en peu de temps fait curée de mon corps, mais hélas ! je suis rongé tout vif par cette vermine, et je ne saurais mourir. »
Ainsi parle le désespéré que vrille incessamment la carnassière haeccéité.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Une existence stérile
Quand l'homme du nihil se retourne sur sa vie, tout ce qu'il voit, c'est un monceau de matière excrémentitielle. Et tandis que dans la commune de Bron (Rhône), l'emploi de la matière fécale « permet aux terrains de porter chaque année les récoltes les plus épuisantes telles que du blé, du chanvre, de l'orge, des pommes de terre » 1, dans son cas, nul blé, nulle orge, nulle pomme de terre, rien n'a germé. Il en est si abattu que c'est à peine s'il trouve la force nécessaire pour continuer d'exister, et pour annoncer par des gémissements dignes du prophète Jérémie les souffrances qu'il éprouve d'un tel fiasco.
1. Bulletin agronomique et industriel, J.-B. Gaudelet, Le Puy, 1840.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Poire
Le lendemain, le Bohémien, qu'une décoction d'herbes préparée par le cabaliste avait remis sur pied, put reprendre son histoire en ces termes :
« La poire est un fruit des plus savoureux, comme le nihil. On en fait des compotes et des confitures. Il existe d'innombrables variétés de poires que l'on classe d'après leur destination et l'époque de leur maturité. Il y a le doyenné, le beurré, la crassane, la bergamote, la duchesse, la louise-bonne, le bon-chrétien, la fondante, etc. »
Mais il ne put aller plus loin, car une affaire urgente réclamait sa présence parmi les gens de sa horde.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Cercle vicieux
Toute l'histoire du constipé est celle d'une issue impossible, toute son existence tend vers une libération que cette tension même empêche.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Distractions variées
Il existe plusieurs façons de dissiper l'ennui, cette complication de la funeste maladie qu'on nomme l'existence. Tandis qu'un ciel azuré, des sites pittoresques et des campagnes verdoyantes suffisent à la plupart des individus, d'autres ont besoin d'un flacon de taupicide ou d'une corde de violoncelle pour se soustraire aux tristes préoccupations qui les poursuivent.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Définitions du Moi
En psychanalyse freudienne et kleinienne, le Moi est « une instance qui aménage les conditions de satisfaction des pulsions en tenant compte des exigences du réel ». Son rôle initial est, toujours dans l'interprétation freudienne et kleinienne, d'établir un système défensif à la Vauban entre la réalité externe et les « exigences pulsionnelles ».
L'homme du nihil, lui, décrit plus simplement le Moi comme son fléau, un « sinistre polichinelle » qui l'accable de ses singeries et tente incessamment de le ridiculiser. Mais... rira bien qui rira le dernier, grommelle-t-il en fourbissant son revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
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