samedi 30 avril 2022

Syllogisme de l'amertume

 

Il est notoire que tout ce qui grouille provoque le dégoût ; or la vie est pratiquement synonyme de grouillement (le cytoplasme, les mitochondries, les colonies de souriceaux) ; il est donc logique que la vie, en tout lieu et à toute heure, suscite une intense envie de vomir.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un « monde de ouf »

 

S'il est vrai, comme le prétend Gragerfis, que pour construire sa coquille, une huître doit faire passer dans son corps environ cinquante mille fois son poids d'eau de mer, alors il est évident qu'il n'y a rien à attendre d'un tel monde, qu'il ne reste plus qu'à se pendre.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un art difficile

 

Il faut beaucoup de doigté et d'humilité pour être malade correctement. Des qualités dont est dépourvu l'homme du nihil, hélas — qui doit donc se résigner à être malade incorrectement.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Fessons les artistes

 

Il est sacrilège de se manifester puisque c'est, dans tous les cas, une forme d'impudence à l'égard du pachynihil. Mais ceux — par exemple les « artistes » — qui se manifestent afin d'attirer l'attention de l'« autrui » du philosophe Levinas... ceux-là sont vraiment pitoyables et mériteraient d'être fessés.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Weltanschauung

 

Le véritable nihilique n'agit jamais en fonction d'une « vision du monde ». Il sait trop d'où procèdent les « visions du monde » : des niveaux d'iode, de fer, de cuivre, de zinc, de sélénium, de chrome et de molybdène dans l'organisme. S'il doit absolument agir — mais il s'en dispense autant que possible —, son seul guide est l'ironie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Indécence

 

L'homme du nihil trouve qu'il est obscène de s'adonner à la lecture en public. Selon lui, quelqu'un qui se montre lisant est presque aussi impudique que quelqu'un qui s'affiche mangeant.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Morbidité philosophique

 

De nombreux indices — qu'il serait fastidieux d'énumérer ici — montrent que la « production de concept » n'est rien autre chose qu'une maladie de l'esprit. Wittgenstein semblait d'ailleurs penser de même. Il ne le dit pas de façon aussi explicite, mais on sent bien qu'il ne faudrait pas le pousser beaucoup.

(Fernand Delaunay, Glomérules)