samedi 30 juillet 2022

Vers le grain de sable

 

Érosion de l'esprit, érosion de la volonté, érosion des sentiments... Pas besoin d'avalanche, de jökulhlaup ou d'orage. Le temps y suffit amplement. Il arase toute chose, l'excave, la ravine et, dans une incoercible et infundibuliforme dynamique, l'entraîne vers sa destination finale : le grain de sable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nihilisme russe

 

Se lever au beau milieu d'un concert symphonique et s'exclamer : « Je préférerais un cornichon aigrelet ! » — Voilà ce qu'on appelle le « nihilisme russe ». Eh ben moïeux !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nostalgie du minéral

 

Qu'il serait bon de ne plus penser... D'être de consistance pierreuse... — Lapidification du cerveau ! Tout de suite ! Que ses bulbes pétrifiés scintillent dans la délicate lumière du Rien !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Logique des cupulifères

 

S'il faut en croire Angelus Silesius, « la rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit ». Mais ce n'est pas le cas des cupulifères, ces végétaux ligneux qui portent des cupules, autrement dit des organes écailleux en forme de petite coupe qui entourent leurs fruits (comme l'involucre lignifié qui enserre le gland dans le cas du chêne — mais on pourrait également citer le hêtre, le châtaignier et le noisetier). Ces cupulifères semblent obéir à des règles non écrites, ils ne font pas n'importe quoi et ne fleurissent pas n'importe comment. Tout laisse à penser au contraire qu'il existe une « logique des cupulifères » — dont la beauté ne le cède en rien à celle du pachynihil.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Quiddité du minestrone

 

L'absolue quiddité du minestrone (adjectival ou non), on ne peut la ruiner qu'en le mangeant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

No way out

 

La globalité asphyxiante du Tout inclut aussi la mort (ce qu'on peut voir comme un argument contre l'homicide de soi-même).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Agiosimandre

 

Quand il discute du Rien avec des imbéciles — ce qui lui arrive tout de même assez rarement —, le nihilique se fait volontiers dogmatique, aussi dogmatique qu'un agiosimandre, ce gong de bois ou de fer qui, en Grèce, faisait office de cloche et qu'on ne trouve plus que dans les dictionnaires.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une dangereuse rencontre

 

Un jour, nous rencontrons le Rien, par exemple sous la forme d'un arrosoir en zinc. Cette rencontre nous fait sortir illico presto du rêve que nous avions appelé jusqu'à ce moment « réalité empirique ». Et alors nous nous réveillons très seuls, effroyablement seuls.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)