vendredi 12 octobre 2018

Sur les cimes du désespoir


L'humeur sans espoir du suicidé philosophique perce dans cette note laissée par un étudiant japonais qui commit l'homicide de soi-même en ingérant du taupicide : « Depuis le 24 décembre, j'ai bu chaque jour. Quand je bois, une fois sur deux je suis ivre mort et ne me souviens de rien. Je ne pense à rien, je n'écris rien. Mes dettes ne cessent de s'accumuler. (8 janvier 1939) »

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Dangers du moment dialectique


« Lorsque des circonstances favorables accompagnent l'intoxication par l'idéalisme allemand, l'organisme parvient souvent, soit à éliminer le venin de cette doctrine, soit à l'assimiler et à en neutraliser l'action destructive. Quelquefois cependant, le malade demeure hanté par la dissolution des concepts abstraits, traîne encore pendant quelques années une existence languissante, et finit par périr d'une hydropisie générale, qui marche rapidement. » (Johann Rengger, Sur les effets de l'idéalisme allemand, in Journal complémentaire des sciences médicales, vol. 37, Panckoucke, Paris, 1830)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Horreur existentielle


Penser que le Dasein est irréductiblement pris par l'angoisse comme Grundstimmung de l'exister en propre, et par l'Unheimlichkeit, tout à la fois du soi et du monde, cela fait peur, cela inspire à l'étant existant des sentiments mélancoliques et même de l'horreur.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Fanfaronnade


Vieillir est un crucifiement que j'évite par une continuelle désagrégation du Moi. Éternellement jeune !...

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Différence notable


L'homicide de soi-même est un procédé qui, correctement appliqué, produit le ramolissement du Moi et, à terme, du patient dans son ensemble. Ceci le distingue de l'ostéomalacie, qui ne ramollit jamais que les seuls os.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Licence poétique


On sait que Luc Pulflop, non content de comparer le monde aux génitoires d'un âne, assimile volontiers l'existence à un éléphant. Sans entrer dans des détails scabreux, nous croyons que c'est uniquement la rotondité de la trompe, et les élévations frontales du puissant animal, qui ont pu prêter à ce poëte une comparaison aussi fantastique.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Nostalgie du minéral


En nous laissant envahir par l'idée du Rien qui nous transforme subito presto en une masse inerte, schisto-grauwackeuse, ne trahissons-nous pas notre secret désir de rallier le minéral ? En 1784, les Etudes de la Nature de Bernardin de Saint-Pierre insistaient déjà sur ce trait de l'homme, « seul être qui montre, jusque dans la misère, le caractère de l'infini et l'inquiétude de trouver l'immortalité, fût-ce sous la forme non-risible d'une pierre dure rotacée ».

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Acrimonie


Le passage de l'un au multiple m'insupporte terriblement.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Frères humains


Selon Aristote, la « communauté » (Koinonia) témoigne de l'élan (hormé) des hommes à vivre ensemble « pour pratiquer des choses bonnes et belles ». Mais à coup sûr, le Stagirite n'eut jamais à parcourir les magasins Dufayel par un samedi après-midi d'octobre afin d'y faire l'achat d'un poêle.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz