mercredi 30 juin 2021

Temporalité encore

 

Dans sa Théorie du trop-plein, l'existentialiste puydômois Edmond Chassagnol affirme que « le temps, avec sa terrible progéniture de dents branlantes, d'alopécie et de viscères caducs, est plus cruel que le cruel Dèce, plus féroce que le féroce Maximin ». Toujours à propos du temps, il remarque que celui-ci « semble s'acharner particulièrement sur les personnes du sexe, peut-être pour leur faire expier leur vilenie ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 29 juin 2021

Temporalité

 

Sous des dehors débonnaires, le temps est un vrai salop. Vous vous promenez cueillant des mûres dans un chemin creux, vous êtes jeune, en bonne santé, insouciant, jouissant des gazouillis du bouvreuil et de la bergeronnette, vous voyez « la vie en beau », et soudain, en moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges, c'est la sénescence, la caducité, la décrépitude et finalement la mort. Avant que vous ayez eu le temps de dire ouf, vous êtes, comme on dit, « décédé ». Bon diousse de bon diousse !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 28 juin 2021

Inconvénient du taoïsme

 

Persécuté par une « mégère difforme au faciès d'hippopotame », l'homme du nihil rêve de lui infliger le supplice que Sapor Ier, roi des Perses, fit subir à l'empereur Valérien. Comme il aimerait, l'homme du nihil, écorcher vive cette bourrelle et suspendre sa peau teinte en rouge aux voûtes d'un temple ! Mais à l'instar du philosophe Jean Grenier, il s'est claquemuré depuis longtemps dans une « contemplation indifférente » proche du Wou-Wei 1, alors...

1. Non-agir ; l'un des préceptes essentiels du taoïsme. (NdE)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 24 juin 2021

Dictyosome


Pour combattre l'angoisse d'exister, le psychologue américain John Tussord recommande au sujet pensant de se plonger dans des manuels de biologie. En plus d'assommer le Moi, cela permet d'apprendre, par exemple, que « le dictyosome est un corpuscule en forme de bâtonnet, d'écaille ou de vésicule entrant dans la composition de l'appareil de Golgi » — ce qui, d'après Tussord, est « toujours bon à savoir ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 22 juin 2021

French Theory

 

Trop d'idéalisme allemand l'avait rendu morose. Mais déridé par Derrida, désopilé par les trouvailles phrastiques de Deleuze, ébaubi par les foucades poststructuralistes de Foucault, l'homme du nihil reprend goût à la philosophie. Lui aussi veut déconstruire ! Il veut dilacérer avec Althusser, faire du boucan comme Jacques Lacan et avoir une tronche d'ahuri comme Guattari !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un monde bénin

 

Contrairement à l'emphatique Cioran, l'homme du nihil ne rêve pas d'un monde « où l'on mourrait pour une virgule », mais d'un monde où les décors — la fameuse « réalité empirique » — seraient de Roger Harth, les costumes de Donald Cardwell, et où le rôle du terrible pachynihil serait tenu par Michel Roux.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 21 juin 2021

Rectification


Selon l'homme du nihil (propos de table rapporté par Gragerfis), « la vie n'est pas, comme l'a cru naïvement Shakespeare, une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien, mais tout simplement une grosse tourte de m... ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 20 juin 2021

Association d'idées


Chaque fois qu'il mange des haricots beurre, l'homme du nihil pense à M. Micawber (de David Copperfield).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 19 juin 2021

Un ectoplasme satanique

 

Tout le mal du monde — à l'exception peut-être de celui provoqué par un panaris — prend sa source dans la sinistre coquecigrue qu'on appelle le Moi. Arrière, le Moi ! Du balai ! Aux doubles-vécés !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 17 juin 2021

Métaphore fromagère

 


N'hésitant jamais devant les pensées inouïes — et s'inspirant sans doute de Lichtenberg —, l'homme du nihil définit sa vie « un gruère sans lame auquel manque le manche, où il ne reste que les trous » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 16 juin 2021

Irréalité

 

Conscient de l'irréalité du monde, l'homme du nihil tente, à l'aide du vocable reginglette, de produire une œuvre qui soit plus réelle que la prétendue « réalité empirique » et qui dénonce avec vigueur le caractère fictif de celle-ci. — Mais c'est un terrible fiasco.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 15 juin 2021

Guindé

 

« Je porte avec orgueil la honte d'avoir un Moi » répondit un jour l'homme du nihil à Gragerfis qui lui demandait pourquoi il était aussi guindé en société.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 14 juin 2021

Népenthès

 

Quand l'homme du nihil recherche l'oubli de soi-même — « Car mon âme frémit de regarder dans l'urne », confie-t-il un jour à Gragerfis —, c'est d'un « soi » qui se confond pour lui avec l'homme actuel, contradictoire et déchiré, avec ses déchéances mystérieuses (il souffre alors d'un cruel panaris) et ses amertumes dues notamment aux vilenies d'une « bourrelle ». L'urne, selon Gragerfis, contenait « un genre de minestrone à base de taupicide foudroyant Moulin ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 13 juin 2021

Adhérence impossible

 

Sauf à être une pierre dure rotacée ou un rutabaga, il est impossible de « faire corps » avec quelque existence que ce soit.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 12 juin 2021

Humilité de l'homme du nihil

 

L'homme du nihil dédaigne les biens de la terre et « est humble dans son genre » (Gragerfis). D'après Froissard, ce dédain et cette humilité le distinguent du comte Robert de Genève (futur pape Clément VII), connu pour s'entourer d'un « éclat ambitieux ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 11 juin 2021

Moment d'abattement

 

Alors qu'il venait de rendre ses derniers hommages à un proche inopinément « décédé », l'homme du nihil déclara à Gragerfis que « la vie n'est certes pas quelque chose d'amusant, mais la mort... cela n'a pas l'air fifou non plus ». Gragerfis dit dans son Journal qu'il en resta « comme deux ronds de flan ». Entendre parler ainsi le chantre infatigable de l'homicide de soi-même ? La mort, « pas fifou » ?!

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 10 juin 2021

Folle témérité du nihilique

 

« C'est une entreprise hardie, celle où s'est lancé le nihilique, qui consiste à aller dire aux hommes qu'ils ne sont que de grotesques "monstres bipèdes" et que, par-dessus le marché, "rien n'est". — Mais le moyen de réfuter ces assertions ? »
(Bossuet, Sermon sur la mort. Pour le vendredi de la IVe semaine de Carême 1662)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 9 juin 2021

Calamité

 

Selon Gragerfis, le seul moyen de supporter une relation de longue durée avec une personne du sexe est de voir en cette dernière une « calamité naturelle » — comme une inondation, une nuée de sauterelles, etc. — à laquelle il est impossible d'échapper. « Mais pour ça, précise-t-il, il faut être sacrément fataliste. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 8 juin 2021

Défense conceptuelle

 

« Par le concept de reginglette, nous nous défendons contre le monde. » (Otto Weininger, Sexe et caractère)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 7 juin 2021

Bouchon

 

L'oubli que procure le sommeil est la seule consolation qui s'offre à l'homme accablé par la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité — sans préjudice d'un éventuel panaris et des bassesses d'une « mégère difforme au faciès d'hippopotame ». Alors, quand le philosophe Blaise Pascal dit que « Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde », et qu'en conséquence, « il ne faut pas dormir pendant ce temps-là », l'homme du nihil trouve qu'il « pousse un peu le bouchon ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 6 juin 2021

Habitat naturel

 

Comme le chat — mais l'on pourrait citer aussi le mérou et la pipistrelle —, l'homme du nihil sait, de manière innée, habiter le silence.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 5 juin 2021

Permaculture et homicide de soi-même

 

Invité par un article de magazine à « transformer sa vision du monde grâce à la permaculture », l'homme du nihil préféra la conserver telle quelle, « sombre et définitive comme une forêt de conifères ». Le monde, pour lui, cela n'a jamais été autre chose que « l'élément obscur, froid, hostile et violent où s'abîment toute pensée et tout idéal ». Et puisque le mal est partie intégrante de la condition humaine, alors « aux chiottes la permaculture ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 4 juin 2021

Misanthropie

 

D'après Louyer-Villermay 1, « il n'existe aucun médicament propre à guérir la misanthropie » car « les affections de l'âme et les maladies de l'entendement sont très peu accessibles aux puissances pharmaceutiques ». — « Je t'en foutrai des maladies de l'entendement, moi, tuouaouar ! », réplique l'homme du nihil.

1. Dictionnaire des sciences médicales, Tome trente-troisième, Paris, Panckoucke, 1819.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 3 juin 2021

Tout s'explique

 

Ce n'est pas pour rien que les Anciens voyaient en la femme une créature satanique. Sa méchanceté, la joie qu'elle éprouve à faire le mal, son attirance pour les choses pernicieuses (les fameux « magazines féminins »), tout cela porte indubitablement la marque du « prince des ténèbres ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 1 juin 2021

Pain de tribulation

 

« Être à l'eau d'angoisse et au pain de tribulation » est une locution ancienne qui évoque la situation des moines que leurs supérieurs punissaient en les jetant dans un cachot et en les mettant au pain et à l'eau. Aujourd'hui, s'il faut en croire Gragerfis, elle décrit assez bien la condition de l'homme du nihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)