jeudi 10 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Capitulation


L'acte défécatoire, où il est visible qu'une sorte rudimentaire d'hypnose joue le rôle principal, ne renseigne guère sur la minute ultime où soudain la conscience capitule et sombre. C'est plutôt dans l'homicide de soi-même qu'il faut chercher le témoignage de la puissance effroyable du pachynihil : au cœur d'une absence — celle que procure le taupicide —, il règne, fascination pure, sans obstacle ni partage.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Énervation


Sous les rois de la première race, l'énervation était un supplice qui consistait à brûler les tendons des jarrets et des genoux.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Revenir de Pontoise (et mourir)


24 août. — Neuf fois sur dix, c'est seulement à l'approche imminente du trépas que le sujet pensant prend conscience qu'il est mortel, et l'on dirait alors qu'il « revient de Pontoise ». Quitard, dans son Dictionnaire étymologique, nous éclaire sur l'origine de cette expression qui, dans la langue familière, signifie avoir l'air étonné, assez niais, et peu au courant de ce que l'on devrait savoir. « Dans le temps de la féodalité, dit-il, il y avait à Pontoise, ancienne capitale du Vexin français, un seigneur ombrageux et cruel qui se faisait amener les étrangers passant par cette ville, et les soumettait à un interrogatoire, après lequel il les renvoyait chez eux, ou les retenait prisonniers, selon qu'ils y avaient bien ou mal répondu. Comme ces pauvres voyageurs étaient toujours intimidés et déconcertés par les questions et les menaces d'un pareil tyranneau, l'on en prit occasion de dire par comparaison : Avoir l'air de revenir de Pontoise, ou conter une chose comme en revenant de Pontoise, en parlant des gens dont les idées sont un peu troublées et confuses, embrouillées, et même un peu niaises. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Paradoxe solipsistique


En rêve, l'homme du nihil vit un grave personnage qui ramassait des oiseaux sur le sol et les passait à sa ceinture. Un épervier de grande taille s'y trouvait déjà, qui les déchirait aussi souvent qu'il le pouvait. Plus tard, quand l'homme du nihil demanda au « monstre bipède » — le pénible « autrui » du philosophe Levinas — s'il avait vu lui aussi l'horrible chasse aux oiseaux, il ne put à aucune force le lui faire avouer. Stupéfaction de l'homme du nihil : « Ce dont se souvient mon imagination, comment cet olibrius peut-il l'ignorer, lui qui n'en est également qu'un scintillement éphémère ? »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Une image glaçante du vide néantique


La femme, sardonique sémaphore du Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Mulets de Chamouni


23 octobre. — « Le chemin ou plutôt le sentier, qui du Prieuré de Chamouni conduit au Montanvert, est rapide en quelques endroits, mais nulle part dangereux. On fait communément cette route à pied : en allant doucement et en reprenant haleine de temps à autre, on y met environ trois heures, mais on peut en faire au moins la moitié à mulet. J'ai même vu un gentilhomme anglais, qui s'était foulé le pied, la faire en entier sur une petite mule : il est vrai que cette mule était d'une force et d'une sûreté tout-à-fait extraordinaires ; mais quant à la première moitié de cette montée, on peut la faire, je le répète, sans aucun danger, sur les mulets de Chamouni. » (Horace-Bénédict de Saussure, Voyages dans les Alpes, Neuchâtel, Samuel Fauche, 1786)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)