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samedi 18 juillet 2020

L'illusion du viscère


L'homme qui va de médecin en médecin car il se sent malade oublie qu'il est lui-même son meilleur thérapeute — à condition d'avoir compris que rien n'est — et en particulier l'odieux viscère.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 12 juillet 2020

Conseil malvenu


Un jour, alors qu'il promenait son chien, l'homme du nihil apostropha un « jogger » en ces termes : « Arrête ! Où cours-tu donc — quand le Rien est en toi ? En le cherchant ailleurs, tu le manques à coup sûr. » — Mais tout ce qu'il récolta fut un regard noir et une « épithète disconvenable ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 2 juillet 2020

Didactisme nihilique


Le mérite de l'homme du nihil ne tient pas simplement en ce qu'il a placé aux propylées de son acropole l'effigie grandiose du pachynihil. Par un procédé toujours identique de scissiparité des images — margouillis exophtalmique, clafoutis de hasard, zérumbet zététique, etc. — et des concepts — taupicide, monstre bipède, reginglette, etc. —, il a réussi à imposer une représentation du Rien centrée essentiellement autour des notions énergétiques et dynamiques.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 27 juin 2020

Énergies ignées vs. pachynihil


Un jour que Gragerfis évoquait devant lui l'importance des « énergies ignées » dans ce qu'il est convenu d'appeler le « monde moderne », l'homme du nihil lui répliqua vertement : « Les énergies ignées peuvent bien englober le monde, le pachynihil le pénètre librement jusqu'en ses rouages les plus subtils. »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 19 juin 2020

Couteau de Lichtenberg


Un aphorisme fameux de Lichtenberg mentionne « un couteau sans lame auquel manque le manche ». Si on l'étudie avec attention, on constate que cette formule contient un paradoxe, car un couteau ne saurait se composer d'autre chose que d'une lame et d'un manche. Nous sommes donc en présence d'une métaphore du pachynihil.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

lundi 15 juin 2020

Circularité du Rien


« Le Rien est rond comme la roue d'une berouette » écrit l'homme du nihil à André Salmon. Et il ajoute : « Rien mieux que le cercle ne peut abriter cette polysémie énergétique qui caractérise le pachynihil. Enfin, n'est-il pas évident que le Rien forme un tout, à l'instar d'une roue ? D'une part, il enferme en lui-même, comme une circonférence, tout sans restriction ; il transcende tout, personne ne peut le fragmenter, ni le compléter. D'autre part, il tourne sur lui-même, comme une roue, car il opère sans cesse à l'intérieur de la sphère de sa propre révélation. »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 12 juin 2020

Genèse


« Or le pachynihil vit qu'il y avait, du côté de l'Aquilon, une place vide et qui ne servait à rien, et il voulut y installer le siège de sa puissance pour opérer une création plus abondante que celle de Dieu, sans connaître la volonté qu'avait celui-ci de créer toutes les autres créatures. Et c'est ainsi que du néant fut tiré le fameux "autrui" du philosophe Levinas, autrement dit le monstre bipède. »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 28 mai 2020

Paradoxe du crocodile


Un crocodile s'empare d'un bébé et dit à la mère : « Si tu devines ce que je vais faire, je te rends le bébé, sinon je le dévore. » En supposant que le reptile soit digne de confiance, que doit dire la mère pour qu'il lui rende l'enfant ? La réponse usuelle fournie par les individus de tendance « nihilique » est : « rien n'est ». Le crocodile se trouve alors dans l'impossibilité de dévorer quoi que ce soit — puisque lui-même n'est pas. Mais une réponse plus subtile est : « reginglette ». Le saurien, complètement dérouté, perd ses moyens et prend ses jambes à son cou.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 21 mai 2020

Vivant


L'homme se croit « vivant » parce qu'il parle, écrit, crée des concepts, manie la brouette, charroie des cailloux et fait des plates-bandes... Mais un tel mode d'existence est larvaire car terriblement limité. Ce n'est qu'après qu'il a vu le pachynihil que les énergies transfiguratrices qu'il porte en lui jaillissent et deviennent opérantes. De nouveaux sens se forment ainsi que des organes subtils. L'homme retrouve son unité primordiale et s'équilibre dans son corps, son âme et son esprit. Le voici, grâce à l'idée du Rien, affranchi de la morsure des événements provenant de la « réalité empirique », qui auparavant le rendaient comparable à une épave ballottée par les flots.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 20 mai 2020

Désert


Le désert est un symbole cher aux nihiliques : il représente le renoncement (au « fétide et rébarbatif réel ») et la pureté (du pachynihil). Le sol du désert résulte d'une usure. Ayant perdu en quelque sorte sa substance, il échappe à toute corruption. Situé à la cime du dépouillement, il peut être à la fois stérile ou fécond, tout comme l'idée du Rien.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 17 mai 2020

Sanctuaire


Il existe des « lieux saints » où l'on ne peut pénétrer sans préparation, et qui ne sont accessibles qu'à certaines personnes. A. J. Festugière cite le cas de Thoas qui, n'osant pénétrer dans l'adyton du temple de Tauride, appelle Iphigénie de l'extérieur en lui demandant de s'avancer vers la porte. Le pachynihil est l'un de ces lieux saints. Pour avoir le droit d'y entrer, il faut d'abord passer avec succès l'épreuve dite « du taupicide ». Quant à ceux qui échouent, on leur fait subir — pour leur apprendre à vivre ? — une deuxième épreuve dite « du lavage d'estomac ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 16 mai 2020

Surdité


Dans son De ædificio Dei, Gerhoch von Reichersberg écrit que « la structure de l'univers est ordonnée comme il convient » (tota universatis structura convenienter ornatur). Interrogé à ce sujet par Georges Charbonnier, l'homme du nihil lui répondit qu'il préférait « entendre ça que d'être sourd ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 15 mai 2020

Cogito


Son sens aigu du ridicule conduisit très tôt l'homme du nihil à mettre une certaine distance entre lui-même et ses « pensées ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 14 mai 2020

Comme tout


M. Bouboule : Alors, ça boume ?
L'homme du nihil : J'expérimente une solitude au sein de laquelle on ne peut plus qu'aller et venir à l'intérieur de son propre cerveau.
M. Bouboule : Ah ? Ça ne doit pas être drôle.
L'homme du nihil : Non, mais... c'est comme tout.
M. Bouboule : Eh oui... c'est comme tout...

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 13 mai 2020

Au théâtre ce soir


La vie de l'homme du nihil n'est pas un mélodrame à la Pixérécourt ; c'est une comédie larmoyante à la Nivelle de la Chaussée.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 12 mai 2020

Biguá


Quand l'homme du nihil aperçoit des cormorans perchés en haut des arbres, ça ne fait ni une ni deux, il pense à leur nom en tupi : biguá.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 10 mai 2020

À Amsterdam


De passage à Amsterdam et confronté au choix de visiter le musée Van Gogh, celui de la maison de Rembrandt, les deux, ou rien, l'homme du nihil choisit... — rien.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 9 mai 2020

Adieux à Gand


Dans un beau passage, Ménandre compare la vie à une foire : partout foule, bruits, voleurs, joueurs de dés, divertissements de toute sorte. Plus tôt on s'en va, mieux cela vaut. Si l'on tarde et s'obstine, on se condamne à subir les affres du vieillissement, et à passer d'ennuyeuses soirées auprès du feu, face à une « mégère difforme au faciès d'hippopotame ». Pour s'en aller, Ménandre préconise l'emploi du taupicide ou d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 8 mai 2020

Mousserons


« J'ai passé ma vie à faire le mort, déclara l'homme du nihil. Allongé sur mon matelas-tombeau, un torchon sur les yeux, les mains croisées sur la poitrine...
— Et les mousserons ? » demanda le père Théraponte.


(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 7 mai 2020

Paradoxe de Liem


Le paradoxe de Liem réside dans la divergence constatée entre le régime alimentaire de certains vertébrés et celui auquel leur denture paraît adaptée. Il a d'abord été observé par le biologiste américain Karel F. Liem chez un poisson d'eau douce mexicain, Herichthys minckleyi. L'une des variétés de ce poisson, un cichlidé endémique de Cuatro Ciénegas (nord du Mexique), a des dents pharyngiennes plates, qui semblent adaptées à l'écrasement d'objets durs tels que des coquilles. Pourtant, ces poissons négligent les escargots et consomment essentiellement des aliments tendres. Autre exemple : les gorilles de la forêt de Bai Hokou (réserve de Dzanga-Sangha, Centrafrique), qui ont des molaires aiguisées propres à broyer des végétaux durs (tiges, feuilles) et un système digestif capable d'assimiler la cellulose, mais recherchent pourtant les fruits tendres et sucrés. Enfin, les mangabeys à joues blanches du parc de Kibale (sud-ouest de l'Ouganda) ont des molaires plates et recouvertes d'un émail épais adaptées à la fracturation d'aliments durs et cassants comme des noix et des graines. Malgré cela, ils mangent surtout des fruits charnus et des feuilles jeunes.

Une explication possible de ce paradoxe, avancée par le biologiste « nihilique » Alvin J. Merriwether, met en jeu l'idée du Rien : la denture est en fait adaptée à des conditions difficiles, rares mais cruciales pour la survie de l'espèce, celles où la « réalité empirique » perd son sens. Et de fait, il a été observé que les gorilles et les mangabeys à joues blanches se rabattent sur des végétaux ou des graines durs quand les poigne la pensée que « rien n'est ».


(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)