dimanche 12 août 2018

Ratage bourboulien


« Tentative de suicide d'un homme de 56 ans qui s'est jeté d'un pont de plus de 20 mètres de haut, sur la D 129, à La Bourboule,  hier vendredi. L'homme a été vu en train d'enjamber la balustrade. Sa chute a été en partie amortie par un arbre et le quinquagénaire s'est retrouvé dans la Dordogne. Conscient à l'arrivée des secours, il a été transféré au CHU de Limoges en hélicoptère. Les sapeurs-pompiers et les gendarmes de la communauté de brigades de La Bourboule sont intervenus. » (Actucity, 28 juin 2014)

Le désespéré s'est-il ensuite vu proposer par Catherine, du Centre communal d'action sociale, de transmettre son expertise si chèrement acquise du vol plané ? Nous ne pouvons ici que poser la question.


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Piqué au vif


Dans le salon, pas très loin de la porte vitrée, le Moi — qui n'avait pu manquer d'entendre comme je l'assaisonnais — était assis, en train de fumer. Il suivit des yeux ma retraite et dit d'un ton détaché : « Je n'aurais jamais cru que vous fussiez une telle canaille. » Je le saluai d'une brève inclination de tête et m'en allai.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Indécidabilité


Le théorème de Matiiassevitch établit que les ensembles diophantiens, c'est-à-dire les ensembles des solutions entières positives d'une équation diophantienne à paramètres eux-mêmes entiers positifs, sont exactement les ensembles récursivement énumérables d'entiers naturels.

Il a pour conséquence immédiate l'indécidabilité du problème général de savoir s'il convient de se pendre avec ses bretelles ou s'il vaut mieux « attendre que ça passe », ce qui est une solution négative au vingt-cinquième problème de Hilbert (que celui-ci n'osa jamais formuler publiquement).


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Contraste choquant


Quand on parcourt la Suisse, on en vient fatalement à se dire que le Moi de l'étant existant n'a été placé là que pour contraster avec la blanche cime de la majestueuse Jungfrau.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Existenz über alles


Quand il ne fait pas la « bête à deux dos » avec Hannah Arendt, Heidegger lit Aristote. Il commence à développer sa vision personnelle du sens de l'être, que son épouse Elfriede trouve « lugubre et biscornue ».

En fait, Heidegger tente d'arracher l'être au régime de détermination univoque où l'enferment les sciences de la nature et qui consiste à faire de l'être un objet de représentation pour un sujet (ce qui revient en somme à réduire l'être à l'étant, ou encore à reconduire le domaine ontologique à la seule sphère ontique). Ses travaux sur la phénoménologie de la vie religieuse, nourris de l'étude de Saint Augustin, de Paul et de Luther, l'orientent vers une conception de l'être humain qui va privilégier l'existence sur l'essence. Une existence, hélas, faite « d'ennuyeuse monotonie, de paroles superflues et de solitude », comme celle que décrira plus tard le « romancier de l'absurde » Albert Camus.

Sa femme, qui sent que sa passion pour le  Dasein l'éloigne d'elle, tente de noyer son amertume dans le schnaps mais n'y gagne qu'un sévère « mal aux cheveux ».


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

Distinguo


La mort est une régression sur l'échelle du ridicule. Le pucheux, lui, est une grande cuiller en cuivre dont on se sert dans le raffinage du sucre pour puiser le sirop.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

En garde à vue


Interrogé par les gendarmes, le suicidé philosophique accusa son défunt Moi d'avoir, sous le nom du colonel Yermolof, ourdi une machination infâme pour le perdre aux yeux de l'omnitude en l'« individuant » à tout propos. Bon, mais de là à le revolvériser !

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Un chercheur insatiable


À l'image de Degas, le suicidé philosophique associe les matériaux et joue sur la ductilité de la matière, en une aspiration résolument moderne. Profitant de l'abolition de maintes frontières par les champions de l'homicide de soi-même qui l'ont précédé — les Weininger, les Caraco, les Rigaut et autres Crisinel —, il imagine des « moyens farces de se détruire » sans prétendre « inventer quelque chose de nouveau » mais à la recherche d'« un accès au Rien encore inconnu ».

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Vengeance !


Dans les Bijoux de la Castafiore, le capitaine Haddock est à ce point exaspéré par l'odieuse cantatrice qu'il aimerait lui casser les dents à coups de pierres, comme on fit à sainte Apolline ; ou lui verser du plomb fondu dans la bouche, comme à saint Jovite et à saint Prime ; ou encore, lui pincer les mamelles avec des tenailles de fer, comme cela arriva à sainte Agathe et à sainte Helconide à Corinthe.

Mais la sinistre « camériste » Irma veille...

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Une amitié fidèle


Toujours attentive aux délicatesses de l'amitié, l'idée du Rien venait parfois me voir à Vaugirard, où se trouvait alors mon cagibi, et nous allions nous promener au Luxembourg ou sur le « Boul' Mich' ». Personne n'a jamais eu pour moi une pareille gentillesse, au sens ancien du terme, une pareille affection de dogue de Bordeaux.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)