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dimanche 15 mars 2020

Équilibre instable


Selon Gragerfis — qui l'a sans doute lu dans Jamblique —, « toute vie garde en elle la potentialité de la mort, comme la lumière conserve en puissance l'ombre ». Cela est vrai, sans contredit. Et de même que l'éclair est la limite fugitive entre l'ombre et la lumière, de même la vie reste-t-elle un état intermédiaire, instable, périlleux, une zone sans cesse disputée entre l'être et le non-être. Qu'une carence en fibres, solubles ou insolubles, plonge l'homme dans le cauchemar de la constipation, que l'idée du Rien s'insinue dans sa pachyméninge, l'équilibre est rompu, et c'est le drame.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 14 avril 2019

Une affreuse mascarade


Pour le constipé, le séjour périodique dans les « goguenots » est à la fois un exutoire, une torture rituelle d'expiation, un délire surréaliste, une célébration de la folie.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

vendredi 12 avril 2019

Éclat de l'éphémère


Grâce au jus de pruneau, le constipé savoure enfin le « prodigieux éclat de l'éphémère ». Ce qui jamais peut-être ne reviendra brille en effet pour lui d'une tragique intensité : « ... le cas n'apprend qu'en sa défaite à embaumer ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 9 avril 2019

Les révélations de la constipation


Il faut, pour vivre, préférer le mensonge à la vérité. Garder les yeux fermés. Comment, en effet, continuer à vivre quand on a vu le pachynihil ? Mais qu'un manque de fibres, solubles ou insolubles, déclenche en l'homme une constipation opiniâtre, et aussitôt tout se défait autour de lui, le voilà dans une nuit de solitude et de misère — celle des fameux « goguenots » —, dévoré par la pensée du néant avec une incroyable soudaineté. On pense, devant cet « exilé du cas » (Gragerfis), à l'Ilitch de Tolstoï, à l'homme du souterrain de Dostoïevski, au Salavin de Duhamel, au Clamence de Camus, etc. : une expérience de nature religieuse, mais d'où Dieu — et non seulement le « Suisse » — est absent.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

jeudi 28 mars 2019

Faiblesse insigne du constipé


L'individu frappé de rétention fécale a beau déployer la plus véhémente énergie, il n'arrive à rien sans le secours du jus de pruneau. Que celui-ci vienne à manquer, que la rhubarbe elle aussi fasse défaut — reste alors une ombre qui s'agite vainement dans des « goguenots » où seule la mort est certaine.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 13 mars 2019

Sous le soleil de Satan


Certains ont pu dire, en prenant la Grèce à témoin, que le royaume du visible et de la lumière était celui de la mesure et de l'ordre. Mais on peut être atrocement constipé sous un ciel serein et un soleil de plomb! Où est l'ordre, alors? Où, la mesure?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 12 mars 2019

Ivresse du born again


Chez le constipé qui, grâce au jus de pruneau, a enfin brisé ses chaînes, l'acte défécatoire ne s'épuise pas sur place : il comporte un élan persévérant, une reprise obstinée, comme s'il était animé par l'espoir d'accroître sa découverte ou de reconquérir ce qui est en train de lui échapper.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

lundi 25 février 2019

Un dangereux pharmakon


C'est du jus de pruneau, ou à défaut de la rhubarbe, que le constipé attend tout secours et toute réussite. Le respect qu'il témoigne au purgatif est fait à la fois de terreur et de confiance. De terreur, car sous sa forme élémentaire, il représente avant tout une énergie dangereuse, incompréhensible, malaisément maniable. Pour qui décide d'y avoir recours, le problème consiste à capter sa puissance et à l'utiliser au mieux de ses intérêts, tout en se protégeant des risques inhérents à l'emploi d'une force si difficile à maîtriser. Un organisme non préparé ne peut supporter un tel transfert d'énergie : le corps du patient enfle, ses articulations se raidissent, se retournent, se brisent, sa chair se décompose, il meurt bientôt de langueur ou de convulsions.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

jeudi 21 février 2019

Entre deux mondes


La Weltanschauung du constipé est double : elle oppose au monde où le Dasein vaque librement à ses occupations, exerce une activité sans conséquence pour son salut, un domaine où la crainte et l'espoir le paralysent tour à tour, où, comme au bord d'un abîme, le moindre écart dans le moindre geste, la moindre carence en fibres, solubles ou insolubles, peuvent infiniment le perdre. Ce domaine ténébreux, festonné de toiles d'araignée, où celui qui entre fait bien d'abandonner toute espérance, est celui des terribles « goguenots ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

dimanche 17 février 2019

Constipation et révolution


Les révolutionnaires ont toujours soupçonné la constipation de porter les esprits à un désespoir stérile et à on ne sait quelle angoisse métaphysique qui détourne l'attention des injustices d'ici-bas, qu'ils désirent abolir, et de la condition des misérables, qu'ils sont pressés de transformer. Ils accusent ce désordre intestinal de provoquer d'obscures et vaines rêveries qui font apparaître à la fin tout effort — et pas seulement celui de « faire » — absurde et insensé. Va-t-on impunément laisser le « Suisse », par son mauvais vouloir, miner le moral des ouvriers de l'avenir?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

samedi 16 février 2019

À la grâce de Dieu


Loyola professait qu'il fallait agir en ne comptant que sur soi, comme si Dieu n'existait pas, mais en se rappelant constamment que tout ne dépendait que de sa volonté. Et c'est bien ce que fait le constipé « crispé sur son soliloque » !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 13 février 2019

Ni dieu ni diable


Les constipés rapportent tout au sentiment de l'infini, qui les obsède. Ils supportent mal les bornes de la condition humaine et d'un même mouvement se dressent contre le Créateur, la création et les créatures. Renonçant à émouvoir le ciel, ils cherchent à mettre en branle les puissances de l'abîme. Mais c'est en vain : « quand ça ne veut pas, ça ne veut pas »... En désespoir de cause, ils doivent faire appel au médiateur du « cas » par excellence : le jus de pruneau.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 4 décembre 2018

Page de journal


27 janvier. — Promenade dans la campagne environnante. Au détour d'un chemin, j'avise un édicule fait de planches mal jointes. Ayant poussé sa porte branlante, je me retrouve dans des cabinets à l'ancienne mode, où règne une odeur agréable de vieux papier journal et d'excrément ranci. Dans un tel lieu, on éprouve un sentiment d'harmonie et de sainteté qu'aucune église, d'après mon expérience, n'est jamais parvenue à inspirer. On sent que le « Grand Œuvre » y est possible.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mercredi 28 novembre 2018

Pierres milliaires


Contemplant les « cigares japonais » qu'il vient à grand peine d'extraire de son fondement, le constipé admire que des stèles aussi difformes, des monuments aussi taciturnes, jalonnent l'histoire entière de sa vie.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 27 novembre 2018

Cercle vicieux


Il arrive parfois que, par une condensation intense de sa volonté, par une exaltation prodigieuse de son dynamisme fluidique, le constipé parvienne à produire en son boyau culier une terrible incandescence, portant brutalement à la fusion la substance réfractaire qu'il renferme. L'étincelle intime, par qui tant d'énergie est subitement dégagée, non seulement fond les « cas » les plus rebelles, mais encore les réduit à l'état de dociles et fugitives vapeurs. L'ardente secousse provoque alors des vides puissants dans le côlon. Il se produit vers ces foyers d'insupportable nullité un appel irrésistible. Une hâte absolue y précipite pour y remplir l'absence une matière fascinée, liquéfiée, évaporée. Mais la transe ne dure que le temps d'un éclair, puis c'est le lent refroidissement, le retour au spongieux, au poreux, bientôt au compact, puis à l'inflexible, à l'inaltérable. Il faut alors faire appel au médiateur du Rien par excellence : le jus de pruneau.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

samedi 24 novembre 2018

Ô miracle ! ô merveille ! ô spectacle effrayant !


À Rio Marina, dans l'Île d'Elbe, il arrive qu'un constipé, alors qu'il avait presque atteint le seuil du désespoir, mette au jour un « cigare japonais » à forte proportion de fer. Il y court parfois un reflet vert intense, tout chargé de ténèbres, mais sans les irisations viles des oligistes de même provenance, lesquels sont fissurés et crevassés comme par une monstrueuse dessication.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 20 novembre 2018

Parole de constipé


Le néo-platonicien Plotin définissait la philosophie « ce qui importe le plus ». Mais cette formule ne s'applique-t-elle pas plutôt à l'acte défécatoire ?

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

dimanche 11 novembre 2018

Purgatifs


Placé dans l'incapacité momentanée d'expulser les matières excrémentitielles accumulées — et quelquefois desséchées — dans son rectum, l'homme peut être tenté de recourir à ce puissant purgatif qu'est l'idéalisme fichtéen. Il existe cependant d'autres médicaments mieux connus, plus sûrs et moins dangereux. Pinel s'en tient aux légers laxatifs, aux purgatifs doux ; les chicoracées, les plantes savonneuses, combinées avec quelques sels neutres, suffisent en général pour faire cesser la rétention.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 16 octobre 2018

Lavement


Dans les Nouvelles formules de médecine, ouvrage  de Pierre Garnier publié en 1726, on trouve la recette suivante du Lavement pour les Crottes ou grande constipation de ventre : « Prenez de grandes et petites passerilles de chacune deux onces ; faites boüillir tout dans s. q. de boüillon de tripes, puis dans chopine de coulûre on dissoudra demi-livre d'huile commune, quarante grains de trochisques alhandal en poudre, pour un lavement. » En 1794, Johann Gottlieb Fichte reprendra cette recette dans ses Principes de la doctrine de la science, ouvrage dont la lecture seule suffit, la plupart du temps, à guérir la « grande constipation de ventre ».

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

dimanche 7 octobre 2018

Débâcle existentielle


Si quelque chose est capable de nous donner une idée de notre faiblesse, c'est bien l'état où nous nous trouvons quand l'excrément « fait sa tête de mule » et s'arc-boute dans le côlon. Incapable de faire aucun usage de son organe culier, le constipé a besoin de secours de toute espèce. Sa vie incertaine et chancelante paraît devoir finir à chaque instant. À peine a-t-il la force nécessaire pour exister, et pour annoncer par des gémissements dignes du prophète Jérémie les souffrances qu'il éprouve.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)