mercredi 14 septembre 2022

Pseudotropheus interruptus

 

« Pétulante tel un hippogriffe, contondante tel un poêle chamanique, l'idée du Rien...
— Oui ?
— Euh... Non, rien. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Asthénie benthique

 

Est-ce parce qu'ils ont lu certain livre de Georges Perec ? Toujours est-il que les pleuronectiformes (plies, soles, flets, flétans, cardeaux, limandes, turbots, carlottins, barbues, cardines) cessent très jeunes de nager et se couchent sur le fond marin. La face tournée vers le fond se décolore, l'œil qu'elle portait émigre sur la face supérieure, qui se pigmente, le « poiscaille » se laisse envahir par la torpeur et fait l'expérience de l'indifférence absolue.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pourquoi écrire

 

Invectiver la réalité empirique en l'appelant une grosse vache, tel est le luxe suprême du prosateur.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Phlegmon mortel

 

Nonobstant son sourire amical, la vie est un phlegmon mortel. Seul point en sa faveur, elle est sans collection (à la différence du panaris qui lui est collecté).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 13 septembre 2022

Dessicativité du réel

 

Selon Protagoras, tout ce qu'on a le droit de dire du réel, c'est qu'il n'est « pas même ainsi ». Mais le nihilique s'en moque et le clame haut et fort : le réel est dessicatif.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Espéronade charnue

 

Tous les moyens sont bons au nihilique pour rejoindre le Rien : il ira en diligence, en voiturin, en traîneau, en espéronade, à cheval ou en patache. Mais s'il doit y aller en espéronade, il aimerait du moins qu'elle soit charnue !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Gnomes jacassiers

 

Selon Jacques Bouveresse, le philosophe Wittgenstein, après avoir publié son fameux Tractatus, fut poursuivi par une horde de gnomes jacassiers qui répétaient sans cesse comme pour se moquer de lui : « le monde est tout ce qui a lieu » et « ce qu'on ne peut dire, il faut le taire ». D'après Bouveresse, Wittgenstein en avait « ras la casquette ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Perroquet bigarré

 

Emprunter le plumage d'un perroquet bigarré pour pouvoir s'approcher du Grand Tout et l'éventrer ? Après tout, pourquoi pas... Quand on veut en finir avec l'être, il ne faut pas craindre le ridicule.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 12 septembre 2022

Salmigondis spinescent

 

Un salmigondis couvert d'épines, comme l'est la réalité empirique, est dit spinescent.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

One thousand reasons why

 

Pourquoi, un jour, décide-t-on de prendre une dose mortelle de taupicide ? Peut-être la fatigue ? Peut-être le dégoût du concept-marteau qui concasse peu à peu nos âmes sensibles ? Peut-être, cadavre vivant, est-on curieux de voir ce que ça fait d'être mort « pour de bon » ? Il y a mille raisons et le plus fort est qu'elles sont toutes également bonnes !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vol baroque

 

Le poulpe de la mer Égée a une façon bien à lui de se déplacer. Il agite ses tentacules en tous sens, paraissant effectuer une espèce de vol baroque. Cela inspire à l'étant existant des sentiments mélancoliques et même de l'horreur.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pickles existentiels

 

Le maelström végétal où s'embouque le nihilique est surtout fait de cornichons aigres-doux. Il les a obtenus en faisant macérer des cornichons pendant douze heures dans de la saumure, après quoi il les a lavés à l'eau froide pour les dessaler un peu, les a égouttés, les a essuyés avec un linge propre, et les a déposés dans des bocaux en les tassant et en les saupoudrant de considérations vaguement hypnagogiques (sur l'être et le néant, la vie et la mort, etc.).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 11 septembre 2022

D'originales convulsions

 

Pour se convulser dans une entaille, il faut se lever de bonne heure. Surtout quand l'entaille en question est ineffable (comme l'était en son temps l'homme des cavernes). Et pourtant...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Définir fatigue

 

Si l'on devait décrire en quelques mots ce qu'est la philosophie à quelqu'un qui n'en a jamais entendu parler, on hésiterait entre « un précipité momifié d'idées » et « un vin blanc claquemuré ». On opterait sans doute pour le vin blanc mais seulement après s'être longuement « tâté le pouls ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Arbustification du Moi

 

S'il faut vivre, que ce soit à la manière discrète du pittosporum, quitte à n'être qu'ornemental.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Tentative de description

 

Le Rien ? Un truc rouge, énorme, quasi électrique.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 10 septembre 2022

Pastèque cinabarine

 

On peut choisir, par goût de l'exotisme, d'écrire une œuvre en forme de pastèque. Tout n'est-il pas louable, en un sens ? Mais il y a le problème des pépins. Ceux-ci, riches en fibres, contribuent au bon fonctionnement du tube digestif, aident à réguler la flore intestinale et, pris en grande quantité, ont un effet laxatif, mais ils nuisent en général à la fluidité de l'ouvrage.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Promenade automnale

 

Si le nihilique ne pavoise pas, s'il ne mange pas de pain d'épice ni de kouglof, s'il ne pousse pas de cris de liesse pour célébrer son passage dans le Disney World de l'existence, c'est parce qu'il n'est pas aveugle et qu'il voit bien que sa vie, malgré tous ses efforts pour être « festif », n'aura été qu'une longue et ennuyeuse « promenade automnale de l'inexploité ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Folie des grandeurs

 

Le temps, l'espace, la vie, qui sommes-nous pour oser en user de la sorte ? Dirait-on pas que le monstre bipède se prend pour la reine d'Angleterre ? Un peu de modestie, monstre bipède !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Géométrie nihilique

 

Oui, le prisme est un polyèdre à deux bases parallèles et dont les faces sont des parallélogrammes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 9 septembre 2022

Décence des hippocastanacées

 

Les hippocastanacées (marronniers d'Inde, paviers, etc.) ont une dignité que l'homme ne possède pas. Ils ne produisent pas de concepts ni de « pensées profondes », et échappent ainsi au ridicule.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rumeur et contre-rumeur

 

Récemment, une rumeur a couru selon laquelle le réel serait tératogène. Puis une contre-rumeur a prétendu le contraire. La vérité est qu'il l'est bel et bien — et il suffit de sortir dans la rue pour s'en convaincre. Les monstres pullulent. Ils sont là. Ils sont dans les campagnes. Ils sont dans les villes. Comme Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, ils sont partout !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Membrane pyrophorique

 

On a longtemps cru que les choses (c'est-à-dire les réalités concrètes ou abstraites perçues ou concevables comme des objets uniques) étaient recouvertes d'une membrane pyrophorique, du fait qu'elles paraissaient s'enflammer spontanément à l'air ou donner des étincelles par léger frottement. Mais les savants d'aujourd'hui estiment plutôt que c'est le crépuscule aux paupières flavescentes (comme celles d'un brasier) qui produit cet effet trompeur.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pour en finir avec le monde

 

Avec une bonne hache et un peu d'entraînement, on pourrait peut-être trancher le monde en deux coupoles visqueuses d'où s'échapperait une sorte de gélatine rouge ? Et peut-être, mue par la force de gravité, cette gélatine coulerait-elle jusqu'aux pierres froides du couvent ? — Non, tout cela n'a pas de sens, il n'y a pas de couvent, et puis il faudrait se procurer une hache, il vaut mieux laisser tomber et réfléchir à un autre plan.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 8 septembre 2022

Capucine amicale

 

La place du nihilique n'est pas parmi les hommes. Il n'appartient pas à ce monde. Il s'y sent comme une capucine amicale au milieu d'un champ de primevères.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Meurtre phantasmé de Perec

 

Parfois, pas très souvent, le nihilique rêve de noyer l'écrivain Georges Perec dans une bassine de matière plastique rose. Son côté hircin l'a toujours irrité (la petite barbiche). Et il fait un peu trop « monsieur le malin ». Oui, enfin... ça ou autre chose...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Entonnoir tenace

 

L'idée du Rien est comme un entonnoir tenace de citron : elle aspire...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une vraie marie-salope

 

La « réalité empirique » est d'une saleté repoussante et d'un désordre sans remède. Vous pouvez la nettoyer à fond, vous pouvez la parer de colliers opalins, elle grouillera bientôt à nouveau de scarabées gigoteux, de palmiers, de promontoires verdoyants, d'hexaèdres aux sécrétions réfléchies, et d'un tas d'autres choses plus ou moins dégoûtantes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 7 septembre 2022

Cave meublée

 

Dans une lettre au cardinal de Retz, le célèbre moraliste La Rochefoucauld appelle son crâne une « cave meublée ». Il dit que s'y trouvent des radicelles sécrétant un « liquide diastasique » et que ces radicelles s'agitent crescendo molto pour expulser le réel.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)