mardi 4 octobre 2022

Épuisement du réel

 

Bien que la réalité empirique soit assez vaste, on finit par en faire le tour. L'impression qu'on en retire est que rien ne tient le coup. On est dégoûté de ce bazar et on voudrait tout envoyer au diable : les divinités pisciformes, les intestins purulents et jusqu'aux fastidieuses paraboles de Kafka.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 3 octobre 2022

Car tout est vanité

 

« Les vivants, en effet, savent qu'ils mourront ; mais les Belges ne savent rien, et il n'y a pour eux plus de boudin, puisque leur mémoire est oubliée. » (Ecclésiaste, 9:5,6)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Bonite zélée

 

Fatigué de tout et du reste, on attend la mort mais elle ne vient pas. La drôlesse n'est pas une bonite zélée. S'il fallait la comparer à un animal, ce serait plutôt le vil dingo.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un bizeness mal payé

 

Un quidam que tout excède, auquel la réalité empirique « tape sur le système », un tel quidam ne peut exercer aucun métier. La seule carrière qu'il peut embrasser est celle qui consiste à passer ses journées ivre mort. Mais ce n'est guère rémunérateur, oh non.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cahin-caha

 

Quand on nourrit une passion pour la lenteur et qu'on adhère en sus à une morale de l'inconfort, on est comme qui dirait condamné à traverser l'existence à dos d'âne ou de mulet.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 2 octobre 2022

Sarcococca

 

À quoi comparer la femme, si ce n'est à un serpent vindicatif tapi dans un bouquet de sarcococcas ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Jurinea humilis

 

Ce qui fait le plus défaut à l'homme, c'est ce que la jurinée, cette plante vivace de la famille des astéracées, possède à profusion : l'humilité.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vie simple

 

L'homme n'a besoin que d'un peu de pichtegorne et de beaucoup de solitude pour atteindre à la sérénité.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Dendrocnides

 

Si la vie n'était qu'une singalette d'impondérables ! Mais elle est aussi une mangrove poisseuse pleine de bambous géants, de diptérocarpacées, et de ces dendrocnides urticants qui vous piquent le fiak.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 1 octobre 2022

Plaisirs périphériques

 

La vie a ses charmes, il serait stupide de le nier, mais ces charmes sont traîtres comme les vasières qui menacent le chasseur au pédalo sur la baie d'Arcachon. Attention aux stases des plaisirs périphériques !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une situation « malaisante »

 

Elle n'est pas enviable, la vie du nihilique. Il n'a pas de sol sous ses pieds et se promène, comme Pascal, un gouffre en bandoulière. La réalité empirique l'écrase comme ferait un quinze-tonnes phrastique. Il vit dans l'angoisse. Chacune de ses inspirations et de ses expirations est un appel au secours.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Singalette

 

On croit avoir tout prévu, s'être garé de tous les côtés, et voilà qu'un enfoiré de pigecaille défèque sur votre véhicule. La vie est une singalette d'impondérables.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Scabieuse géante

 

Pris dans les circonvolutions plastiques du temps, l'homme se sent un pétale superfétatoire accroché à la tige d'une scabieuse géante comme on en voit sur les terres patagones, du côté d'El Calafate.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 30 septembre 2022

Colin marmoréen

 

La vie, il ne faut pas trop compter dessus pour se réchauffer les boyaux. Ce n'est pas une vertigineuse soupe de cresson mais un colin froid comme le marbre, à la limite de l'immangeable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mieux qu'à Sommières

 

Pourquoi la mort est-elle si injustement dépréciée ? Nul doute que si Durrell pouvait encore parler, il dirait qu'il se sent dans le néant mille fois mieux qu'à Sommières.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Négation (presque) universelle

 

Un jour que Simone Boué avait préparé une tarte aux poireaux, Émile Cioran se permit de prendre du « rab » (s'il faut en croire le professeur Basile Munteanu).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Âme sœur

 

Hideux aspect ; orgueil ravalé ; mort douloureuse ; souhaiterait rencontrer célibataire, veuve ou divorcée, trente à quarante ans, situation en rapport.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 29 septembre 2022

Contemplation de la crevette jubilante

 

Pour se pénétrer de son propre néant — et plus généralement du néant de toute chose —, il n'est que de contempler pendant un quart d'heure la goutte d'eau ventripotente ou la crevette jubilante. Cette méthode, simple et peu onéreuse, est recommandée par le poëte Lucain (qui se suicida à vingt-cinq ans sur l'ordre de Néron).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Scrofuleux sépulcre

 

Au premier rang des calamités qui empoisonnent la créature, il y a l'être (le fait d'exister) — cet être que certains, avertis du mal à venir, décrivent comme un scrofuleux sépulcre.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Inquiétude pessoaïenne

 

Aussi obtus soit-il, l'homme conçoit vaguement qu'il va mourir, c'est probablement ce qui explique qu'il n'a pas la placidité joyeuse du chien.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un animal des plus discrets

 

L'émeu noir, quel modèle pour le nihilique ! Il n'a produit aucune œuvre, n'a peint nul tableau de peinture, n'a pas composé la moindre sonate. Il a disparu sans laisser de trace. Il n'en existe qu'un exemplaire naturalisé, conservé au Muséum national d'histoire naturelle de Paris.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 28 septembre 2022

Schicksal

 

La vie et la mort ne correspondent presque jamais à nos attentes. On forme le rêve kilométrique d'une mort rapide (comme Roger Nimier) et on se retrouve à exécuter un silencieux solo de hanneton (comme Émile Cioran).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Navigation en eaux troubles

 

Les ascètes hindous n'ont pas attendu Freud pour pratiquer la dissection et l'autopsie du Moi. Le tranquille fakir, astucieusement citronné tel un carpaccio de chou-rave, est un grand navigateur de l'inconscient.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vengeance phonématique

 

On ne devient poëte que pour se venger du réel, pour écraser sur sa truffe de karbau un pâté prosodique de vertes voyelles.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Jusqu'à Lancaster

 

Depuis que cette babache d'Adam a goûté au fruit de l'arbre de la connaissance, la déchéance de l'homme n'a fait qu'empirer. La déroute du « monstre bipède » est si complète, elle est d'une ampleur si majestueuse qu'on peine à se la figurer. D'après certains analystes, elle s'étend au moins jusqu'à Lancaster (Minnesota).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 27 septembre 2022

Prix du détachement

 

Comme l'a expérimenté à son corps défendant le « Grandiloque des Carpates », la démence sénile a quand même ceci de bon qu'elle transmue en un somptueux désert d'impassibilité l'écœurement d'avoir été.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vieillesse

 

Après le temps des rires et des chants vient le moment des grands monologues. Dans l'île aux « vieux jetons », ce n'est jamais le printemps.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Presbytie philosophique

 

Le nihilique n'a pas la benoîte berlue de prendre le néant pour l'être ni, comme font Maritain et d'autres amis de la sagesse, de confondre les steppes velues du Grand Tout avec « le réel ». 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rogatons

 

Fertile et opaline humanité, n'as-tu rien à offrir que ces quelques rogatons compassionnels ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)