dimanche 13 janvier 2019

Fétichisme


25 novembre. — « Par fétiche, on entend toute sorte de choses animées ou inanimées, que les prêtres de ces religions font regarder aux sauvages comme des êtres enchantés ou doués de quelque force magique et divine. Ces superstitions, les plus absurdes de toutes, règnent parmi les nations abruties de la côte de Guinée, et chez beaucoup d'autres sauvages. Elles se sont mêlées à toutes les croyances religieuses. Le bœuf Apis et le chien Anubis étaient peut-être des fétiches des Égyptiens ; la pierre noire adorée à la Mecque avant Mahomet, le dieu Phallus des Romains, l'étaient indubitablement. » (Conrad Malte-Brun, Précis de la géographie universelle, vol. 2, Paris, Buisson, 1810)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Une illusion tenace


La « réalité empirique » use d'innombrables stratagèmes pour faire croire au vulgum pecus qu'elle existe. Quoique dessillé autant qu'il est possible, l'homme du nihil continue d'éprouver le prestige d'un tel mirage et doute qu'on puisse échapper toujours à sa muette éloquence. Souvent, il y a succombé par entraînement naturel. Mais comment faire autrement, quand on subit les affres d'un panaris, qu'on est tyrannisé par une mégère difforme au faciès d'hippopotame, ou qu'un infernal pigeon dépose sur votre redingote ou votre gabardine sa fiente putride ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Pourquoi le suicide


L'incongruité d'être me semble un mobile suffisant.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Terribilité de Mummol


25 novembre. — « Les Lombards à peine établis en Italie, ayant fait une descente dans le Dauphiné, qui étoit du partage du roi Gontran, y remportèrent d'abord une victoire, bientôt expiée (en 569), par trois grandes défaites, qui leur apprirent à respecter le nom françois et à trembler au seul nom du patrice Mummol. » (Encyclopédie méthodique – Histoire, tome troisième, Paris, Panckoucke, 1788)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

samedi 12 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Ténébreuses investigations


Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis raconte qu'armé d'une lampe Mueseler 1, il a tenté, mais en vain, de percer l'obscurité qui enveloppe le « boyau culier », ce laboratoire secret où, dans le sommeil de la conscience, s'élaborent d'élémentaires et décisives fermentations. Cet échec ne l'a pas empêché de reconnaître au « Suisse » des vertus et des propriétés sur lesquelles étaient restés muets les plus enthousiastes de ses prophètes. Ainsi, il va jusqu'à affirmer qu'« il n'est rien de vigoureux ou de conquérant qui puisse prendre racine et prospérer sans son intercession ».

1. La lampe Mueseler, du nom de son inventeur, l'ingénieur belge Mathieu-Louis Mueseler, est une lampe de sûreté minière qui a, entre autres, l'avantage d'être mieux ventilée que la lampe Clanny.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

De la supériorité du jeu de dames


La complexité de la vie la fait passer pour profonde aux yeux de beaucoup. En vérité, cet enchevêtrement de phénomènes n'est que futile. Préférons donc le jeu de dames dont la simplicité des règles garantit l'opérateur des chausse-trapes de l'inattention.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Boissons fortes


24 novembre. — « Chez les Kalmouks, le lait fraisé s'appelle ussoun (en mongol su) ; le lait de vache aigri, airak ; la première eau-de-vie obtenue par la distillation du lait, arki ; la seconde, dang ; la troisième, arza (en mongol, ardjan) ; la quatrième khortsa ; la cinquième, chingtsa ; la sixième dingtsa. Tel est le goût des liqueurs fortes chez le "monstre bipède", qu'il soumet le lait jusqu'à six distillations successives ! » (Ferdinand Hoefer, Histoire de la chimie depuis les temps les plus reculés jusqu'à notre époque, tome deuxième, Paris, Hachette, 1843)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Le langage abscons du pachynihil


L'idée du Rien jaillit d'une source mystérieuse, qui paraît plus profonde et plus intérieure, plus sûre et plus vraie, que les travaux incertains de la raison pure. Elle parle en nous un langage dénué de sens, à moins qu'on ne le tienne pour la révélation des secrets les plus obscurs de l'univers, ceux qui restent interdits à notre lucidité et qui dominent notre destin.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Géométrie dans l'espace


La géométrie dans l'espace se réduit pour moi à cette simple et sobre figure : le cylindre-ogive qui inscrira son inexorable existence dans le néant convoluté de ma cervelle.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Énigmatiques Roxolans


23 novembre. — « Entre les Grecs, Strabon, Ptolémée et Dion-Cassius ; entre les Latins, Pline, Tacite, Spartien, Jules Capitolin, Trebellius Pollion, Vopisque, Ammien Marcellin, et Jornandès, ont parlé des Roxolans. Ce peuple n'est nommé par aucun autre ancien écrivain. Il est à remarquer surtout que Pomponius Mela, Solin, Étienne de Byzance n'en disent rien, quoique Solin donne une longue nomenclature des peuplades soit européennes, soit asiatiques, comprises sous les noms génériques ou de Scythes ou de Sarmates. On peut noter aussi que Virgile, Ovide, Martial, Claudien, qui nomment les Gélons, les Agathyrses, les Iazyges, les Alains, ne font aucune mention des Roxolans. » (Pierre-Louis Ginguené, Rapport sur les travaux de la classe d'histoire et de littérature ancienne, 1813)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 11 janvier 2019

Interlude

Jeune femme s'apprêtant à lire la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Kafka et le « Suisse »


Les circonvolutions de l'excrément rappellent assez les étranges labyrinthes du Procès et du Château. Comme les récits de Kafka, le « cas » apparaît déroutant et inexplicable : c'est suffisant pour le destiner à faire fonction d'oracle. Par son obscurité même, il se prête aisément à l'exégèse et l'on croit deviner en lui l'allégorie incertaine, polyvalente, de secrets insaisissables et odoriférants.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Poëme fongique


Hygrophore perroquet, pleurote en huître... Que faire !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Antiquité du poiré


22 novembre. — « L'histoire rapporte que Radegonde, reine de France, préférait le poiré à toute autre boisson. Ce qui prouve que le poiré était connu en France au sixième siècle. » (Ferdinand Mauduit, Semis, plantation et culture du poirier et du pommier dans les champs et les vergers, Paris, Auguste Gouin, 1870)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

L'exquise fluidité du nihil


S'escrimant à tâtons dans un univers résistant, aux propriétés immuables et exclusives, l'homme pense avec nostalgie à un monde fluide, aérien, sans obstacle ni contradiction : celui du Rien.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Crainte et tremblement


L'acerbité de l'excrément pétrifie le vulgaire profane.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Pêche à la morue


21 novembre. — L'article 15 des Dispositions spéciales à la pêche de la morue et à la pêche dite Hoekwant visschery, qui font partie des lois maritimes en vigueur en Belgique, dit que « le patron de tout bateau revenant de la pêche à la morue, après la déclaration faite par lui en douane de la quantité de chaque espèce de morue par lui importée, devra, au plus tard dans les vingt-quatre heures avant le débarquement du poisson, appeler les experts jurés qui vérifieront les espèces et les qualités de morue, et appliqueront, par le brûlement sur les tonnes, les marques distinctives, avec le millésime de l'année, les différentes espèces de pêche à déterminer par le réglement provincial à intervenir. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

jeudi 10 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Capitulation


L'acte défécatoire, où il est visible qu'une sorte rudimentaire d'hypnose joue le rôle principal, ne renseigne guère sur la minute ultime où soudain la conscience capitule et sombre. C'est plutôt dans l'homicide de soi-même qu'il faut chercher le témoignage de la puissance effroyable du pachynihil : au cœur d'une absence — celle que procure le taupicide —, il règne, fascination pure, sans obstacle ni partage.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Énervation


Sous les rois de la première race, l'énervation était un supplice qui consistait à brûler les tendons des jarrets et des genoux.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Revenir de Pontoise (et mourir)


24 août. — Neuf fois sur dix, c'est seulement à l'approche imminente du trépas que le sujet pensant prend conscience qu'il est mortel, et l'on dirait alors qu'il « revient de Pontoise ». Quitard, dans son Dictionnaire étymologique, nous éclaire sur l'origine de cette expression qui, dans la langue familière, signifie avoir l'air étonné, assez niais, et peu au courant de ce que l'on devrait savoir. « Dans le temps de la féodalité, dit-il, il y avait à Pontoise, ancienne capitale du Vexin français, un seigneur ombrageux et cruel qui se faisait amener les étrangers passant par cette ville, et les soumettait à un interrogatoire, après lequel il les renvoyait chez eux, ou les retenait prisonniers, selon qu'ils y avaient bien ou mal répondu. Comme ces pauvres voyageurs étaient toujours intimidés et déconcertés par les questions et les menaces d'un pareil tyranneau, l'on en prit occasion de dire par comparaison : Avoir l'air de revenir de Pontoise, ou conter une chose comme en revenant de Pontoise, en parlant des gens dont les idées sont un peu troublées et confuses, embrouillées, et même un peu niaises. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Paradoxe solipsistique


En rêve, l'homme du nihil vit un grave personnage qui ramassait des oiseaux sur le sol et les passait à sa ceinture. Un épervier de grande taille s'y trouvait déjà, qui les déchirait aussi souvent qu'il le pouvait. Plus tard, quand l'homme du nihil demanda au « monstre bipède » — le pénible « autrui » du philosophe Levinas — s'il avait vu lui aussi l'horrible chasse aux oiseaux, il ne put à aucune force le lui faire avouer. Stupéfaction de l'homme du nihil : « Ce dont se souvient mon imagination, comment cet olibrius peut-il l'ignorer, lui qui n'en est également qu'un scintillement éphémère ? »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Une image glaçante du vide néantique


La femme, sardonique sémaphore du Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Mulets de Chamouni


23 octobre. — « Le chemin ou plutôt le sentier, qui du Prieuré de Chamouni conduit au Montanvert, est rapide en quelques endroits, mais nulle part dangereux. On fait communément cette route à pied : en allant doucement et en reprenant haleine de temps à autre, on y met environ trois heures, mais on peut en faire au moins la moitié à mulet. J'ai même vu un gentilhomme anglais, qui s'était foulé le pied, la faire en entier sur une petite mule : il est vrai que cette mule était d'une force et d'une sûreté tout-à-fait extraordinaires ; mais quant à la première moitié de cette montée, on peut la faire, je le répète, sans aucun danger, sur les mulets de Chamouni. » (Horace-Bénédict de Saussure, Voyages dans les Alpes, Neuchâtel, Samuel Fauche, 1786)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)