mardi 19 octobre 2021

Par qui ?

 

Dans sa Théorie du trop-plein, l'existentialiste puydômois Edmond Chassagnol définit la vie « une aventure malplaisante destinée à donner à l'homme la nostalgie du non-être ». Mais une aventure infligée par qui ? Quel démiurge pervers peut-il bien s'amuser de la sorte ? Voilà ce qu'il faudrait savoir et que Chassagnol ne nous dit pas !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 18 octobre 2021

Chaussettes

 

Jeune, on rêve d'une vie héroïco-tragique, imbue d'une poésie sublime, ornée de danses et de chants. Puis l'on s'aperçoit que la vie réelle n'est faite que de détails sordides et de trivialités misérables (par exemple les chaussettes). La déception « fait alors trembler la voix du sens, selon un grondement d'apocalypse qui semble s'éteindre dans la clameur de sa propre fin » (Gragerfis).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 17 octobre 2021

Preuves vivantes

 

Ce que dit Gabriel Marcel à propos du Christ, on peut également le dire — de façon au moins aussi convaincante — à propos du Rien : il y a des êtres chez lesquels on sent la réalité du pachynihil tellement vivante qu'il n'est pas permis de douter.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 15 octobre 2021

Moments merveilleux

 

D'après Gragerfis, l'écrivain Roger Martin du Gard, un jour qu'il était « gonflé à bloc », aurait déclaré que « la vie est un amalgame saugrenu de moments merveilleux et d'emmerdements ». Et l'hypocondriaque Gragerfis de se demander, dans son Journal, à quels « moments merveilleux » Martin du Gard pouvait bien faire allusion, vu que selon lui (Gragerfis), « des moments merveilleux, dans la vie, il n'y en a pas plus que de beurre au prose ». Il conclut en traitant l'auteur des Thibault de « bougre » et de « couille molle ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 14 octobre 2021

Nuance

 

Quoique désespéré autant qu'on peut l'être, l'homme du nihil refuse de se dire malheureux. Il est, selon ses propres termes, « malheuleux » (c'est pire).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 13 octobre 2021

Plus beau des arts

 

« Homicide de soi-même ! Le plus beau des arts ! Dix grammes de taupicide (en une seule prise), et nous voilà tout proches de la divinité. » (Guillaume Apollinaire, La Femme assise)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 12 octobre 2021

Imposture nihilique

 

Quand on ne peut à aucun prix acquérir certaine chose — par exemple l'« être » mais il peut aussi bien s'agir d'un presse-purée —, le plus simple n'est-il pas de prétendre que cette chose n'existe pas ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 11 octobre 2021

In illo tempore

 

Le pithécanthrope était sans doute aussi affreux que l'actuel « monstre bipède » mais il faisait à coup sûr moins de simagrées. Contrairement à son descendant, il assumait son affreuseté et ne cherchait pas à s'en faire accroire en niant son appartenance au règne animal. Mais surtout, SURTOUT : il ne créait pas de concepts !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 10 octobre 2021

Interlude

 

Le chanteur Serge Lama, pour ne pas rester « seul avec son désespoir », se plonge dans l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor.

samedi 9 octobre 2021

Lunatisme gidien du nihilique

 

Une immense pitié et un immense dégoût : voilà les sentiments qu'inspire le « monstre bipède » à l'homme du nihil. Un jour c'est la pitié qui l'emporte, un autre jour le dégoût — selon qu'il y a de la lune ou qu'il n'y en a pas.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 6 octobre 2021

Consolation par le vocable

 

Rien ne nous console de la misère d'exister, si ce n'est la beauté de vocables tels que reginglette et forcipressure dont la folle poignance nous fait « entrevoir l'essentiel » (comme dirait Cioran).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 5 octobre 2021

Puanteur

 

Le nihilique transporte partout avec soi le cadavre de la réalité empirique, et comme ce dernier finit par sentir, on ne l'invite plus dans les coquetèles — mais le nihilique, qui s'est habitué à l'odeur, ne comprend pas pourquoi. 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 4 octobre 2021

Chimie organique et homicide de soi-même

 

Le chimiste Kekulé von Stradonitz, connu pour avoir découvert la formule développée du benzène, nécessite une solide enquête.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 3 octobre 2021

Interprétations divergentes


Lao Tseu prétend que la solitude est une prison. Mais Gragerfis dit qu'il se trompe et que c'est plutôt une tête de chien couché.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 2 octobre 2021

Comparaison culinaire

 

Comme le gaspacho andalou, l'homicide de soi-même est un plat qui se mange froid.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 1 octobre 2021

La nausée

 

« Alors, mon vieux Mimile, ça boume  ?
‒ Ah, Dédé ! Si tu savais ce qui m'arrive ! J'étais assis sur le banc devant ma maison, je regardais les racines du marronnier, et tout à coup, voilà que j'accouche d'une drôle d'idée... l'idée qu'il y aurait comme qui dirait... nib.
‒ Comment ça, “nib‟ ? Mais... et la réalité empirique ?
‒ Nib, je te dis. Peau de balle. Queutchi.
‒ Eh bien... mais... Ça alors !
‒ Asteure, cette sacrée idée m'est entrée dans le ciboulot, j'enfonce dans la bouillasse, et y a rien qui tienne. Non, je te jure, je me sens pas bien, je crois que je vais rendre.
‒ Saperlipopette ! Accroche-toi, mon vieux Mimile ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 30 septembre 2021

Un vocable pernicieux

 

« Ah ! Monsieur, on ne se méfiera jamais assez du vocable zingibéracé. Il prépare immanquablement le règne de la confusion, de l'anarchie, et de toutes les déviations mentales et sentimentales. » (Marcel Aymé, Le Confort intellectuel, 1949)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 29 septembre 2021

Un démiurge sarcastique

 

Dieu créa l'homme du nihil et, ne le trouvant pas assez seul, il créa le « monstre bipède » pour lui faire mieux sentir sa solitude.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 28 septembre 2021

Lucidité et homicide de soi-même

 

Il est sans doute vrai, comme le soutenait l'écrivain antiphysique Jouhandeau, que « beaucoup de suicides ne sont dus qu'à une minute de lucidité ». Mais que dire de ce long suicide dilué qu'est la vie de l'homme du nihil ? Quand la minute de lucidité se prolonge, on est paralysé. — Terrible !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 27 septembre 2021

Existentialisme ichtyologique

 

L'anchois n'a pas à être sa propre potentialité sur le mode du pas-encore. Ni le pilchard, d'ailleurs.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 26 septembre 2021

Misère de l'en soi

 

Le philosophe Jean-Paul Sartre était, comme on le sait, un scélérat doublé d'un « mange-merde » (Gragerfis), mais il a tout de même exprimé une pensée juste : « L'en soi n'a pas à être sa propre potentialité sur le mode du pas-encore ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 25 septembre 2021

Genèse

 

Au commencement était le verbe acerchier (qui signifie parcourir, fouiller, chercher). Puis vinrent quelques adjectifs : gloméruleux, exophtalmique, zingibéracé... Enfin parut le vocable reginglette : les jeux étaient faits, rien n'allait plus.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 24 septembre 2021

Déchéance

 

On a trente ans, puis quarante, puis cinquante, etc., et on se transforme insensiblement en « vieux jeton ». C'est intolérable, il y a de quoi devenir maboul, mais personne ne dit rien. Tout le monde fait « jore ». Oh, bon Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 23 septembre 2021

Bon à rien

 

Pour agir, il faut une forte dose de fatuité. Un homme sans prétention un homme « à la bonne franquette », qui ne brigue pas le titre glorieux de « Dasein », un homme dans le genre de celui dit « du nihil » — n'est bon à rien. Ou plutôt, il n'est bon à presque rien — car il peut toujours ratiociner sur l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, et cetera, et ça, ce n'est pas exactement « rien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 22 septembre 2021

What the world needs now

 

L'homme n'est pas fait pour vivre longtemps : il est vite corrompu par la « réalité empirique » et son hideux cortège de « phénomènes ». Le monde n'a besoin que de jeunesse et de suicidés philosophiques.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 21 septembre 2021

La paix maintenant

 

Avez-vous jamais essayé de convaincre une bourrelle de sa vilenie ? Impossible, direz-vous. Et ça l'est en effet. Ce que l'on peut faire, en revanche, c'est mettre un terme définitif à la vilenie de ladite bourrelle en l'amenant à avaler du taupicide. Pour y parvenir, la technique consiste à lui tirer l'oreille pour l'obliger à desserrer la mâchoire. La bourrelle ne récrimine guère, c'est tout juste si elle maugrée vaguement, heureuse de s'en tirer à si bon compte. Son éloquence ravalée avec le pharmakon, elle n'émet que des borborygmes avant de se taire à jamais.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 20 septembre 2021

Contamination langagière

 

D'après Gragerfis (Journal d'un cénobite mondain), l'homme du nihil, de retour d'un bref séjour à Bondy (Seine-Saint-Denis), montrait un comportement des plus bizarres. Il accusait le réel de le « mal regarder », il lui intimait l'ordre de « baisser les yeux », et quand le réel s'exécutait, il s'écriait : « Voilà ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 19 septembre 2021

Quiproquo

 

Jean Giono se trompe : ce n'est pas dans la « sensualité » qu'il y a « une sorte d'allégresse cosmique » mais dans l'homicide de soi-même. Dans la sensualité, l'allégresse — si tant est qu'elle existe — n'est que comique.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 18 septembre 2021

Impudence

 

Non seulement le monstre bipède, à l'instar de la plus infime paramécie, veut être, mais en plus, comble d'impudence, il veut « être quelqu'un » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)