vendredi 22 avril 2022

Quiddité

 

De même que les scolastiques pensaient que le Sec, l'Humide, le Chaud, le Froid étaient des propriétés appartenant à l'essence de certains corps, de même le nihilique est persuadé que le Rien forme le fond de l'existence humaine (et de l'univers tout entier).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Déchaînement

 

« Se disputer avec un commerçant à propos d'une bouteille de butane ; le menacer ; entrer dans une telle fureur qu'on ne peut plus parler ; hurler ; trembler... Ah, quel délice ! » (Les trente-trois délices de Fernand Delaunay, Trad. de Simon Leys)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Admiration stérile

 

Le nihilique qui s'abstient de commettre l'homicide de soi-même « n'aura été du Rien qu'un stérile admirateur » (pour parler comme Jean Racine). Certes, le nihilique et l'action, ça fait deux. Mais tout de même. Tout de même !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 21 avril 2022

Illumination

 

« Après avoir passé plus de deux heures à répéter à voix haute le vocable reginglette, je sentis soudain que je n'appartenais pas à ce monde-ci, que ma place n'était pas parmi les hommes. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 20 avril 2022

Caractère atrabilaire du cogito

 

Toute idée ressortit à l'exaspération (d'exister). Penser, c'est être courroucé.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Cet autre

 

Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour dire « je » en parlant de l'enfant qu'un jour on a été. Qu'avons-nous de commun avec ce petit galopin en culottes courtes ? Et lui avec nous ? S'il pouvait nous voir, il se boucherait le nez et partirait en courant. Un « nihilique » ! Et frappé d'alopécie, encore ! Misère !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Anthriscus cerefolium

 

« C'est Lamennais, je crois, qui définit le cerfeuil comme “une plante aromatique faisant partie de la famille des ombellifères”. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'homme au panaris

 

Quand on souffre d'un panaris, le plus douloureux est-il le panaris lui-même ou le fait de se trouver associé, dans l'esprit du vulgum pecus, à un mal dont le nom est aussi risible ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 19 avril 2022

Sommet d'une vie

 

Malgré sa répugnance à se remémorer les « événements de la vie », l'homme du nihil reste marqué par le jour exceptionnel où il a découpé lui-même les dindonneaux.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Repli

 

Quand le « réel » lui est par trop contraire, l'homme du nihil se recroqueville, il prend la position dite « du fétusse » [sic] et tire les couvertures par-dessus sa tête. Adieu réalité empirique ! Adieu gravelle et rhumatismes ! Adieu philosophie marcellienne ! Adieu Bourboule aimée, dont la tête hardie défie les hauteurs des cieux !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Chemins vers le dégoût de soi

 

Nul besoin d'avoir voulu devenir un saint pour finir dans la tristesse, le dégoût et l'horreur (comme ce fut le cas de Tolstoï, au dire de Gragerfis). L'alopécie y suffit largement.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 18 avril 2022

Le monde comme volonté etc.

 

Tout le monde « veut », autant dire que tout le monde est dérangé. La seule chose qu'on peut légitimement « vouloir », c'est que tout ça s'arrête — et le plus tôt sera le mieux.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'importance de vivre

 

« Ce matin (4 juin), vu à la devanture d'une librairie un livre dont le titre, L'Importance de vivre, m'a donné instantanément des boutons. L'importance de vivre !!! Je t'en foutrai de l'importance de vivre, moi ! Espèce de petit salopiot ! Hernie discale ! Mégalithe ! Euh... Haroun Tazieff ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'art difficile de la concision

 

Cette phrase gâche tout.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un fervent de la forme

 

L'homme du nihil est d'accord pour « décéder », ça ne lui fait ni chaud ni froid, mais seulement après avoir écrit la phrase parfaite. Il sait que ça ne sert à rien, et que cette ambition extravagante risque de le faire suspecter de quelque blessure secrète, mais c'est comme ça.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'amour et toutes ces conneries

 

Puisque l'amour est toujours fondé sur le mensonge, oublions-le et progressons plutôt dans l'art de n'être rien (ça vaudra mieux pour notre santé).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 17 avril 2022

Règles de conduite

 

L'homme du nihil attribue sa réussite (dans quel domaine, il ne le dit pas) au respect des trois règles suivantes : détester les hommes ; parler peu ; ne pardonner à personne. Last but not least, il a toujours aimé se promener dans des forêts épaisses et sombres.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Titre d'honneur

 

S'il n'est pas réconfortant, il est en tout cas flatteur de penser que l'on mourra sans avoir jamais, en aucune occasion, prononcé le vocable gabardine.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Nastassia Philippovna

 

Il y a des héroïnes dostoïevskiennes dont on a du mal à se persuader que ce sont des « caisses vides », mais elles font tant d'efforts pour vous en convaincre qu'à la fin il faut se rendre à l'évidence.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Une enquête rondement menée

 

Une supposition qu'on découvrirait non loin du domicile de l'homme du nihil une valise contenant le cadavre de la réalité empirique découpé en morceaux, les enquêteurs pourraient sans risque privilégier la piste du règlement de comptes.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un faiseur de malheur (en puissance)

 

Il faut que quelqu'un retienne l'homme du nihil car il est sur le point de faire quelque chose de terrible (mais il ne sait pas quoi).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 16 avril 2022

Découragement

 

Au début, l'homme du nihil a essayé de vivre (pour ne pas se faire remarquer). Mais ça l'a tout de suite fatigué et il a laissé tomber.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Présence de l'âme

 

Nous ne sentons vraiment que nous avons une âme que lorsque nous écoutons de la musique ou que nous nous comparons à une personne du sexe.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Rétroaction

 

Quand l'homme du nihil se sent bien, il trouve cela extrêmement louche. Il se dit que quelque chose ne tourne pas rond, qu'il y a une « couille dans le pâté » 1. Cette inquiétude ne tarde pas à dégénérer en angoisse et... vous avez compris.

1. Dans le Bade-Wurtemberg, la couille ou touille désigne une grande cuillère en bois qui sert à cuisiner.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 15 avril 2022

Green

 

« Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches. Et puis voici du taupicide, au cas où les fruits, les fleurs, et cetera (le réel, quoi) vous donnerait des courbatures. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 14 avril 2022

Une trop fragrante solitude

 

L'homme du nihil a toujours jalousé la solitude du « pue des pieds » — encore plus extrême selon lui que celle du « pue de la gueule ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Caillou sur le chemin de la sagesse

 

Pour parvenir à la sagesse et trouver ainsi le repos, l'homme du nihil s'efforce de n'avoir aucune opinion sur rien. Mais comment faire quand une « mégère difforme au faciès d'hippopotame » vous poursuit de sa vilenie ? On est bien forcé d'avoir une opinion sur cette grosse vache, non ? N'est pas Pyrrhon qui veut !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Généalogie du nihilisme (hors nihilisme russe)

 

En dépit des fanfreluches métaphysiques dont il se pare, le « nihilisme » n'est peut-être que le produit d'un certain ressentiment envers les personnes du sexe (ressentiment né d'un manque de confiance en soi, d'un problème de cohabitation avec une belle-mère envahissante ou de tout autre cause). Deux observations étaient cette hypothèse. Primo, on ne trouve pas de « nihiliques » chez les personnes du sexe. Deuzio, un homme heureux en ménage, un homme tendrement aimé, qu'on appelle « mon petit lapin », « mon roudoudou en sucre », etc, ne dit jamais — ou presque jamais — que « rien n'est ». — Autre hypothèse : le « nihilique » a été nourri avec du lait en poudre quand il était un nouveau-né.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 13 avril 2022

Miracle de la « mijole »

 

« Hier, dimanche 3 juin, dans le train qui me ramenait de Compiègne à Paris. En face de moi, une jeune fille (dix-neuf ans ?) et un jeune homme. J'essaie de combattre l'intérêt que je prends à la jeune fille, à son charme, et pour y arriver, je m'efforce de me convaincre que c'est une cruche. Je l'imagine lisant du Daniel Pennac, du Christian Bobin ou — horresco referens — du Philippe Delerm. Rien n'y fit. Le charme qu'elle dégageait s'exerçait toujours sur moi. Tel est le miracle de la “mijole”, des “biberons Robert” et du fondement (de l'historialité du Dasein). » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)