mardi 11 avril 2023

Cheminement nocturne du Dasein

 

Tout se passe comme si l'étant existant — le fameux « Dasein » des existentialistes — cheminait de nuit le long d'une interminable haie de tamaris.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Justification biscornue

 

Pour justifier sa non-participation à l'existence et aux réunions festives qui la ponctuent, le nihilique dit que le goût qu'il prenait aux êtres « a probablement été égaré parmi des papiers de famille » et il ajoute — mais on ne voit pas bien le rapport — que « la lucidité a fait de lui un martyr ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

 

Émiettement existentiel

 

Quitte à être, on voudrait rester « groupir » ; garder une certaine unité existentielle. Mais la vie vous émiette, elle vous émiette comme si vous étiez un vulgaire plant de haricot dans un champ en jachère.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Roland, Jack et les autres

 

Quand l'existence l'accable, quand il a, comme cela s'appelle, la mort dans l'âme, le nihilique, pour retrouver le sourire — si l'on peut appeler ainsi la grimace qui chez lui signale la gaieté — pense à une bande de couillons escaladant la Roche de Solutré.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 10 avril 2023

Comment peut-on être Valéry

 

Dans sa préface aux Lettres persanes, Paul Valéry répond à la question : « Comment peut-on être persan ? » par une question plus générale : « Comment peut-on être ce que l'on est ? » Et il reconnaît qu'à peine celle-ci venue à l'esprit, ce qui s'impose, c'est « le ridicule de toute figure et existence particulière ». Fort bien, mais Valéry lui-même en tira-t-il les conséquences ? Se cacha-t-il dans un trou de souris ? Se précipita-t-il dans un puits busé ? Pas du tout ! Il continua à écrire des « poëmes » et à être un « héros intellectuel national » ! Ni vu ni connu je t'embrouille !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un reniement du Grandiloque

 

« Le devoir d'un homme seul est d'être encore plus seul », écrivait Émile Cioran à vingt-cinq ans. Mais le négateur ne pouvait prévoir qu'il rencontrerait bientôt l'envoûtante Simone Boué... Et qu'alors sa solitude ne serait plus que « pour la galerie »... Sacristi !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

L'escroc du gouffre

 

Avec force précautions, le « négateur universel » Émile Cioran rôdait autour des profondeurs, leur soutirait quelques vertiges, et se débinait prestement pour retourner se blottir dans les jupes de son « amie » Simone Boué, comme un escroc du gouffre. À la décharge du négateur, il faut avouer que la tarte aux poireaux de cette dernière était irrésistible, en tout cas plus attirante qu'un gouffre pascalien.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

L'hypothèse des petits bruits

 

D'où vient qu'une chose vivante — par exemple un chat — nous captive plus qu'une chose morte — par exemple une pièce de charpente ? C'est peut-être que la chose vivante fait des petits bruits ? Mais une pièce de charpente aussi fait des petits bruits, quand la pensée de l'homicide de soi-même siffle et souffle dans la mâture. Alors ? Alors nous ne savons pas. Il s'agit certainement d'un horrible malentendu.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 9 avril 2023

Ainséité

 

Le nihilique n'en revient pas que les gens soient comme ci et comme ça. Ils sont prisonniers d'eux-mêmes — de leur « ainséité » — et le plus fort est que ça n'a pas l'air de les déranger. Lui aussi est prisonnier de lui-même, mais lui-même, ce n'est pas grand chose, presque rien, une collection de phonèmes — ba, be, bi, bo, bu —, alors ça va encore (plus ou moins).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Penser automne

 

Malgré l'exhortation du philosophe Alain, le nihilique ne peut s'en empêcher : il « pense automne ». Ce que c'est que d'être un « vieux jeton »... Qui plus est mélancolique...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sanctuaire siliceux

 

Pour être à l'abri des manigances de la femme, une solution simple consiste à prendre la forme et l'esprit d'un grain de sable, et à se recroqueviller dans l'obscurité. La femme, avec sa « mijole » et ses « biberons Robert », ne s'aventure jamais dans les somptueux déserts de l'impassibilité.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un mystérieux glouglou

 

Le paterne babil de ses viscères déconcerte le nihilique comme ferait quelque antique langue impénétrable — par exemple l'étrusque.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 8 avril 2023

Pertinacité du Grandiloque

 

Le « négateur universel » Émile Cioran n'en faisait pas mystère : il voulait, par ses écrits, discréditer la vie. Mais quand il se lança dans l'exécution de ce plan diabolique, il dut faire face à l'opposition de son « amie » Simone Boué. « Fais pas le méchant », lui disait-elle. Cette fois cependant, le négateur tint bon.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

La tentation du panthéisme

 

Quand, dans la même journée, on rencontre Dieu successivement dans un morceau de reblochon, dans des pédicelles de cerise et dans le vocable strapontin, la tentation est grande de devenir panthéiste. Mais qu'est-ce que ça changerait ? Sans doute rien. Alors... autant s'accrocher au Rien... Peut-être.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Abricotier-guitoune

 

Pour le pauvre Mômo, la vie se résumait à un abricotier-guitoune, c'est-à-dire à une station pérenne dans un cabanon aux fragrances sucrées (dirigé par le docteur Gaston Ferdière).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Asticots de soupente

 

L'idée du Rien nous offre de très fortes ankyloses. Pourquoi ? Parce qu'elle nous force à regarder en face ce que nous sommes : des asticots de soupente.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 7 avril 2023

Que pour les Pipils

 

« Ol sonuf vaorsag goho iad, balt lonsh calz vonhpo. Sobra zol ror i ta nazps. » S'il faut en croire l'ethnologue Malinowski, les Pipils croient dur comme fer que cette formule permet de se rendre invisible et insensible aux artifices du Grand Tout. Nous n'y voyons aucune objection — mais nous craignons que ça ne marche que pour les Pipils.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sur les traces de « Dédé »

 

Il y a chez le nihilique une dimension malrucienne qui ne laisse pas d'inquiéter. Ira-t-il jusqu'à dévaliser des temples khmers pour assouvir sa folle passion du Rien ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Démonstration muette

 

Il ne suffit pas de dire que l'expérience qui nous conduit à nous étonner de l'existence du monde est indicible, comme le fait Wittgenstein ; il faut encore ajouter qu'elle est inconcevable. Et c'est précisément ce que déclare — muettement — le nihilique en restant dans son lit, où il « fait le mort, comme un cloporte ».
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Monade

 

« Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard. Elle descendait dans le Midi, le Midi. » On voit que chez Michel Fugain comme chez Husserl, la monade caractérise le rapport intersubjectif — ici entre un homme qui remonte vers le brouillard et une femme qui descend dans le Midi (le Midi). Plus précisément, Fugain et Husserl désignent tous deux par le terme monade la conscience individuelle, l'individualité en tant qu'elle représente à la fois un point de vue unique, original sur le monde et une totalité close, impénétrable aux autres consciences individuelles ou individualités. Ce n'est pas du tout comme chez Leibniz !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 6 avril 2023

Commedia dell'arte

 

C'était déjà dur de devoir vieillir, mais voilà-t-il pas qu'il va falloir être mort ! Il ne faut quand même pas pousser ! À quoi ça rime, tout ça ? C'est une farce ? C'est de la commedia dell'arte ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Non-aidance de Mauriac et de Claudel

 

Un quidam qui, sans avoir rien demandé à personne, s'est vu précipiter dans les eaux torrentueuses et glacées de l'être, on peut comprendre qu'il montre quelque impétuosité à regagner les rives empierrées du Rien. Mais c'est pas le mec Mauriac qui va l'aider ! Ni le gars Claudel ! Merde, alors !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un « connoisseur »

 

Pour faire « jore » qu'il s'y connaît, le nihilique dit qu'il ne sait pas de plus belles sculptures que les lunaires et silencieuses sculptures précolombiennes.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Agilité presque incroyable de l'idée du Rien

 

L'idée du Rien est pareille à un gibbon qui, sans avoir l'air de prendre son élan, glisse d'une branche à l'autre. En moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges, elle s'infiltre partout, flétrit tout, contamine tout. Le Dasein perd ses illusions quant à la solidité du monde extérieur et se retrouve, comme qui dirait, « en slip ».
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 5 avril 2023

Un spectacle qui vaut le coup

 

Il n'y a rien de plus comique à observer que ces gens qui se démènent pour être « connus ». C'est comique, et pourtant, cela nous emplit d'une immense tristesse de Chopin. Tous ces pots de pisse... Qui veulent être « célèbres »... N'est-ce pas désespérant ? Quant à la nature humaine ? — Très bien, n'en parlons plus.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dans le même sac

 

Le nihilique ne prétend pas qu'il a souffert sous Ponce Pilate, qu'il a été crucifié, qu'il est mort et a été enseveli. Il ne va pas jusque là. Mais il a quand même bien « douillé » à cause d'une mégère difforme au faciès d'hippopotame. Et pour lui désormais, toutes les femmes ont le visage du traître Ferdonnet.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Méthode apophatique

 

S'inspirant des grands mystiques apophatiques — Maître Eckhart, Jakob Böhme, Angelus Silesius, Nicolas de Flüe —, le nihilique est intarissable quand il s'agit de dire ce que la « réalité empirique » n'est pas. — Rassurante, par exemple.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Barouf de l'existence

 

Vivre, ça fait trop de bruit. Il faudrait faire comme la mort et opérer dans un tragique silence. Ou mieux encore, ne pas opérer du tout.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 4 avril 2023

La gênance de penser

 

S'exprimer est toujours une combine risquée. Surtout, il y a une chose à laquelle il faut faire bien attention : dans tout ce qu'on dit, dans tout ce qu'on écrit, rien, jamais, ne doit ressembler à une « pensée ». La gênance, sinon !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)