samedi 3 novembre 2018

Ce qui s'appelle « avoir du pot »


Dans une lettre écrite en 1793, le philosophe Johann Gottlieb Fichte déclare qu'il a découvert « un nouveau fondement » sur lequel pourra s'édifier le système de la philosophie en sa totalité. 

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Une étonnante invention


Vers 1794, le philosophe Johann Gottlieb Fichte décide d'associer les propriétés élastiques de l'air aux principes de l'idéalisme transcendantal. Le Moi gonflable était né. Plus tard, l'existentialiste Martin Heidegger lui apporte une étonnante résistance aux chocs et aux secousses les plus violentes. Il greffe sous l'enveloppe du Moi une carcasse formée de concepts (avenance, conjointure, devancement, facticité, etc.) distribués en étoile, eux-mêmes recouverts par plusieurs nappes de fils rigides. Son invention, qu'il baptise Dasein, obtient un succès fulgurant qui ne devait jamais se démentir.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Page de journal


5 novembre. — Selon Théophraste, le temps est un accident du mouvement, lui-même conséquence nécessaire de toute activité. Par ailleurs, parlant du séneçon commun, il note que l'erigeron fleurit presque toute l'année et que c'est une plante potagère peu estimée.

(Théasar du Jin, Journal ontologique critique)

Traitement de choc


« Afin de faire perdre au philosophe sa fétidité, on a essayé divers agents : l'eau bouillante, l'alcool, l'éther, l'essence de térébenthine, l'acide acétique, une solution alcoolique de potasse... ; mais ces agents s'avèrent trop brutaux : ils réduisent quelquefois "l'ami de la sagesse" à une petite masse punctiforme dans laquelle on ne peut plus distinguer aucune trace de concept. J'en dirai autant de la cuisson, qui peut offrir des avantages pour les philosophes volumineux, mais qui doit être regardée comme un procédé en général très médiocre. » (Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, tome III, Masson et Fils, Paris, 1870, p. 544)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

vendredi 2 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Un fléau méconnu


« Cette fatale calamité de l'haeccéité, qui, de temps immémorial, est venue épouvanter les populations, ruiner les villes, ravager les campagnes, est très mal connue, dans ses faits généraux comme dans ses détails. » (Maurice Champion, L'haeccéité en France depuis le VI e siècle jusqu'à nos jours, Victor Dalmont, Paris, 1858)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Ouvre-boîte


10 novembre. — Quand on ouvre une boîte de conserve, il faut le faire avec la plus grande attention, car chaque jour il se produit des accidents, ce qui n'arriverait pas si l'on s'occupait sérieusement de fabriquer un ouvre-boîte plus adapté.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Un style monotone


La vie, déplore le suicidé philosophique, possède un style triste et maigre, fort au-dessous de la richesse de Tite-Live et de la véhémence de Salluste.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Plongée


À celui que taraude la pensée de se détruire, le philosophe Johann Gottlieb Fichte recommande de se figurer qu'enveloppé dans une cloche à plongeur, il descend au fond des eaux ; qu'il voit et touche les mollusques, les krakens, les poissons, les serpents, les baleines, les requins, etc., « qu'il erre dans un monde effrayant, peuplé de géants, d'êtres horribles, dégoûtants, frôlant des animaux dont les formes étranges choquent toutes nos idées, d'autres dont la voracité sans nom écœure et terrifie ». Fichte prétend que le désespéré, « ayant eu ainsi son imagination frappée dans un sens opposé aux impressions que produisent sur nous l'harmonie des proportions et de la beauté, sera à tout jamais guéri de son attirance morbide pour le Rien ». Hum...

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Page de journal


5 décembre. Envie de tout faire sauter.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Parallèle


Pour le suicidé philosophique, le Rien est au centre ou au principe de toute explication, comme l'était la raison dans la philosophie grecque. La parenté est évidente entre la quête du nihil et la recherche de la sagesse. Dans les deux catégories, l'homme se nie lui-même pour se sauver lui-même, dans l'absolu du vacuum ou dans l'absolu de la raison. Dans un cas comme dans l'autre, l'homme est ce qui doit être sacrifié.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Faciès grauwackeux


Dans son ouvrage intitulé La terre avant l'apparition de l'homme, M. Alfred-Edmund Brehm jette l'éclairage d'un radical quinquet sur ce qu'il nomme « l'étage coblentzien ». Celui-ci se présente sous plusieurs faciès, parmi lesquels le faciès grauwackeux qui, nous dit l'auteur, « a pour type la grauwacke développée en Allemagne aux environs d'Ems et de Coblentz, roche intermédiaire entre le grès et le schiste. » — Le faciès grauwackeux... pourquoi cette formule nous émeut-elle au suprême ? Qui dira ce qui justifie son extraordinaire puissance contondante et de quel fonds mal exploré elle tire sa fascination ?

(Thésar du Jin, Carnets du misanthrope)

Et Luc colporte trop l'occulte


Le labarum portait le chrisme.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Engrais idéal


De tous les fertilisants, l'idée du Rien est, peut-être à l'exception du guano du Pérou, le plus concentré, et en outre celui qui peut le mieux s'approprier à la plus grande variété de récoltes : betteraves molles du désespoir, gloméruleux navets du sarcasme, houblon du scepticisme radical, etc.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

jeudi 1 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Tribulations de du Jin


« Ils formèrent d'abord le dessein de l'empoisonner, ils le livrèrent ensuite aux magistrats pour le faire mourir ; enfin, ils le jetèrent dans une basse-fosse pleine de boue, afin qu'il y pérît de faim et de misère. Mais le Rien soutint son prophète dans tous ces maux ; ils n'affoiblirent ni son courage, ni son acerbité. Il continua d'annoncer la parole du Rien depuis la vingt-troisième année du règne de Josias jusqu'à son suicide par révolvérisation. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Page de journal


3 octobre. — Achat d'un plan de Zurich.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Illusions perdues


M. Jouffroy, dans un ouvrage posthume, raconte comment, né de parents pieux et habitué de bonne heure à considérer l'avenir de l'homme et le soin de son âme comme la grande affaire de la vie, il avait cependant perdu la foi en entendant prononcer par un sien camarade le vocable « reginglette ». Il ajoute ensuite ces remarquables paroles : « La divinité du christianisme une fois mise en doute à mes yeux, je sus alors qu'au fond de moi-même il n'y avait plus rien qui fût debout : que tout ce que j'avais cru sur moi-même, sur Dieu et sur ma destinée en cette vie et en l'autre, je ne le croyais plus. » Le malheureux devait plus tard, au paroxysme d'une crise de désespoir, sauter du viaduc de Garabit (122 mètres de hauteur).

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Caractère irascible de Leibniz


« Irrité de ce que Spinoza l'avoit saisi aux parties honteuses, au lieu de le prendre au baudrier, d'un coup de poing il lui fit sauter toutes les dents. La pudeur lui fit pardonner la vengeance, puisque le prince-électeur, qui étoit présent, loua publiquement le courage et la modestie de Leibniz ; il lui donna des bracelets et des colliers, ainsi qu'une pyxide à concepts richement ornée, et lui défendit d'en venir dans la suite aux mains avec des métaphysiciens hollandais, de peur qu'il n'arrivât quelque chose de plus sérieux que la lutte. » (Guillaume de Moulines, Vie de Leibniz, Imprimerie bibliographique, Paris, 1806)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Nouvelles investigations sur l'être (suite)


Les corps fluides se divisent en corps liquides et corps gazeux.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Nausées


Chez certaines personnes, la présence d'un simple lombric, d'un ténia, ou de tout autre helminthe, suffit à produire les vomissements les plus fréquents et les plus funestes. On imagine alors sans peine le torrent nauséeux que peut déclencher chez l'homme du nihil la vue de son lointain et exécré cousin, le « monstre bipède » !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Traitement de la mélancolie


« Les médicaments internes, les topiques, l'électricité, le galvanisme et même le magnétisme ont été employés tour à tour ou simultanément contre la mélancolie ; mais tous ces moyens réunis comptent à peine quelques rares succès. Quelquefois, on est parvenu à dissiper une mélancolie commençante en combattant les dispositions morbides qui l'avaient peut-être provoquée. Mais presque toujours cette maladie poursuit sa marche, et l'opération devient nécessaire : on la pratique au moyen, par exemple, d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe. » (Ange de Saint-Priest, Encyclopédie du dix-neuvième siècle, Paris, tome sixième, Paris, 1846, p. 646)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Écume


La « nécessité » n'est que l'écume visible de mon désir de macération.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Les quatre états du philosophe


Les quatre phases de la vie des philosophes, qui constituent la métamorphose, sont l'état d'œuf, l'état de larve ou de chenille, l'état de chrysalide ou de nymphe, et l'état d'insecte parfait.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)