lundi 20 avril 2020

Interlude

Jeune fille lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

D'œuf et de poule


Supposons qu'un « ami de la sagesse » demande à un quidam pris au hasard : « Qu'est-ce qui est apparu en premier : l'œuf ou la poule ? » Si le quidam répond : « C'est l'œuf », l'ami de la sagesse lui demande : « Mais qui a pondu cet œuf ? » Si au contraire le quidam répond : « C'est la poule », l'ami de la sagesse lui rétorque : « Mais cette poule sort bien d'un œuf, non ? » Pour résoudre ce paradoxe, l'approche causale classique relève de la sémantique : on peut discuter du sens donné au mot œuf, voire discuter du concept de poule. L'approche nihilique, plus radicale, consiste à affirmer qu'il n'y a « pas plus d'œuf ni de poule que, révérence parler, de beurre au prose » — puisque rien n'est.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 19 avril 2020

Équation de Helmholtz


« Lorsque le domaine est compact, le spectre du laplacien est discret, et les modes propres forment un ensemble dénombrable infini, ce qui a pour effet de plonger le Dasein dans une profonde mélancolie. » (Lettre de l'homme du nihil à Georges Ribemont-Dessaignes, à propos du calcul des solutions stationnaires de l'équation de propagation des ondes de D'Alembert)

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

samedi 18 avril 2020

Chat de Schrödinger


Un chat est enfermé dans une boîte avec un flacon de gaz mortel et une source radioactive. Dès qu'un certain seuil de radiations est atteint, un marteau brise le flacon, le gaz est libéré et le chat meurt. Selon l'interprétation de Copenhague (censée donner une « interprétation cohérente » de la physique quantique), le chat est à la fois vivant et mort — et cette double affirmation peut sembler quelque peu surprenante. Mais si l'on remplace le chat par un « nihilique », il n'y a plus lieu de s'étonner puisque l'homme du nihil est constamment dans un état où les catégorisations habituelles (ici la vie ou la mort) perdent leur sens !

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune fille lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

vendredi 17 avril 2020

Théorème de Riemann-Lebesgue


Le théorème de Riemann-Lebesgue est un résultat d'analyse dont une première version a été présentée en 1854 par Bernhard Riemann dans son mémoire d'habilitation intitulé Über die Darstellbarkeit einer Function durch eine trigonometrische Reihe. Il assure que le « vouloir-vivre » est une fonction intégrable qui tend vers zéro à mesure que le Dasein perd ses dents, ses cheveux, devient « bigleux » (kurzsichtig), est frappé de rhumatismes articulaires aigus, etc. Cette déchéance n'est toutefois pas inéluctable car le Dasein peut toujours se convertir, au moyen d'une transformation de Fourier appropriée, en un suicidé philosophique localement compact.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

jeudi 16 avril 2020

Inspiration


C'est après avoir lu les écrits de Fermat sur le calcul infinitésimal que l'homme du nihil décida de passer à la limite pour calculer — et si possible prendre — la tangente. Ce qu'il fit peu après en ingérant une dose mortelle de taupicide.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mercredi 15 avril 2020

Lemme de König


Le lemme de König est un résultat plutôt lugubre de la théorie des graphes, établi par le mathématicien hongrois Dénes König en 1927. Il énonce que « tout arbre infini à branchement fini possède une branche infinie — que l'on peut utiliser notamment pour se pendre ».

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

mardi 14 avril 2020

Théorème de Riesz


Le théorème de Riesz, dû au mathématicien Frigyes Riesz, est un résultat quelque peu scabreux — et d'ailleurs censuré par les autorités hongroises jusqu'en 1991 — d'analyse fonctionnelle. Il énonce qu'un espace vectoriel normé réel est de dimension finie si et seulement si ses boules fermées sont compactes !

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

lundi 13 avril 2020

Lemme de Whitehead


Le lemme de Whitehead, nommé d'après le mathématicien britannique John Henry Constantine Whitehead, est un résultat d'algèbre abstraite qui permet de décrire le sous-groupe dérivé du groupe général linéaire infini d'un anneau unitaire. D'après l'historien des mathématiques Kurt Vogel, plusieurs algébristes ont détourné ce lemme de sa finalité initiale et l'ont utilisé pour mettre fin à leurs jours (mais il ne précise pas comment).

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

dimanche 12 avril 2020

Zéro de Siegel


En théorie analytique des nombres, un zéro de Siegel (ainsi nommé d'après le mathématicien allemand Carl Ludwig Siegel) est un contre-exemple à l'hypothèse de Riemann généralisée sur les fonctions L de Dirichlet. Contradicteur universel, l'homme du nihil contredit aussi l'hypothèse de Riemann généralisée, ce qui fait de lui de facto l'un de ces zéros. La précarité de son être est en outre confirmée par un théorème énonçant qu'un tel zéro n'existe que si la fonction de Dirichlet considérée est un symbole de Jacobi.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Interlude

Jeune femme s'apprêtant à lire la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

samedi 11 avril 2020

Paradoxe de Banach-Tarski


En géométrie, le paradoxe de Banach-Tarski est un théorème, démontré en 1924 par Stefan Banach et Alfred Tarski, qui affirme qu'il est possible de couper un suicidé philosophique — que les auteurs nomment, on ne sait pourquoi, une « boule » — en un nombre fini de morceaux, puis de réassembler ces morceaux pour former deux suicidés philosophiques — deux « boules » — identiques au premier, à un déplacement près. Ce paradoxe implique que les suicidés philosophiques, non contents de n'avoir pas de « raison de vivre », n'ont pas non plus de volume !

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

vendredi 10 avril 2020

Paradoxe de Grelling-Nelson


Le paradoxe de Grelling-Nelson est un paradoxe sémantique formulé en 1908 par Kurt Grelling et Leonard Nelson. Il repose sur la définition du terme hétérologique qui s'applique à un mot qui ne se décrit pas lui-même. Par exemple, long est un mot hétérologique puisqu'il n'est pas long, n'étant composé que de quatre lettres. De même, comme le vocable gloméruleux n'est pas constitué de glomérules 1, il est hétérologique lui aussi. En revanche, le vocable reginglette est dit autologique car il correspond à sa définition (il « regingle »). Le paradoxe de Grelling-Nelson réside en ceci que l'adjectif hétérologique est lui-même hétérologique si et seulement s'il ne l'est pas — ce qui, on l'avouera, est « un peu fort de café » !

1. Une glomérule est une inflorescence dense plus ou moins sphérique de fleurs sessiles, ou une pelote de vaisseaux ou de neurones ayant une forme globulaire.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

jeudi 9 avril 2020

Éléments finis


En analyse numérique, la méthode des éléments finis permet de calculer numériquement le comportement d'objets même complexes, par exemple des suicidés philosophiques, à condition qu'ils soient continus et décrits par une équation aux dérivées partielles linéaire : mouvement d'une corde secouée par l'un de ses bouts (Gérard de Nerval), comportement d'un fluide arrivant à grande vitesse sur un obstacle (Edmond-Henri Crisinel), déformation d'une structure métallique (Claude Gauvreau), etc.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Caractère de Dirichlet


La sauvagerie, la terrible acariâtreté de l'homme du nihil l'ont souvent fait accuser par ses détracteurs d'avoir un « caractère de Dirichlet », c'est-à-dire une fonction à valeur complexe définie dans l'ensemble des congruences sur les entiers.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mercredi 8 avril 2020

Aux limites du dicible


L'angoisse et le désespoir sont les deux données de base de la « philosophie » de l'homme du nihil — données qui se situent toujours aux limites du dicible. Comment, en effet, dire la douleur d'exister, la douleur atroce, implacable, qui décompose le Dasein et exacerbe la conscience, sinon par des approches fragmentaires — au moyen, par exemple, de vocables tels que lagéniforme, gloméruleux et zingibéracé ?

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 7 avril 2020

Petit monde


Comme l'a finement remarqué son exégète Gragerfis, « toute la métaphysique de l'homme du nihil n'est qu'une psychologie ésotérique ». Ce que confirme l'homme du nihil lui-même : « Je n'ai lu que dans un seul livre, dans mon propre livre, dans moi-même ». C'est donc en lui-même, ce « petit monde » image du « grand monde » (le pachynihil), qu'il a trouvé la clé des problèmes qui le préoccupaient, à commencer par celui de l'haeccéité !

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

lundi 6 avril 2020

Muraille


Chez l'homme du nihil, la muraille n'est jamais assez close ni assez épaisse. Mais il ne fortifie que par acquit de conscience — car il ne le sait que trop : l'affreux finit toujours par s'infiltrer.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 5 avril 2020

Revigoration nihilique


« Rien de tel que de se retremper dans le flot torrentueux du pachynihil, pour en retirer des vestiges mouvants et pour humer directement sa force. » (Lettre de l'homme du nihil à Balthus datée du 19 juillet 1934)

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 4 avril 2020

Secousse


La vision du Rien, par sa puissance, par sa vastitude, ne peut que bouleverser la normalité d'une existence soumise à la médiocrité et au sordide de la « réalité empirique ». À l'équilibre banal du quotidien succèdent les tensions de la condition charismatique. Tous les récits de l'homme du nihil insistent sur le radical contraste entre la détresse qui précède la révélation du pachynihil et la sublimité de l'illumination elle-même. Dans une lettre à Georges Ribemont-Dessaignes, il déclare vivre dans une angoisse permanente : « Je suis continuellement empli d'une crainte qui me fait trembler ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 2 avril 2020

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Connaissance par le Rien


Chez l'homme du nihil, l'idée du Rien n'est pas seulement un guide spirituel mais aussi une source de connaissance. Il l'écrit clairement dans son journal (à la date du 17 octobre 1948) : « Au reste, pourquoi lire Spinoza, Fichte ou Gabriel Marcel, là où préexiste un enseignement intérieur, là où l'onction du pachynihil instruit de tout ? »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 1 avril 2020

Un point de vue imprenable


Celui qui s'est choisi le Rien pour demeure — comme c'est le cas de l'homme du nihil — circonscrit d'un seul regard la cylindrique inanité de l'être.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 31 mars 2020

Ascèse intellectuelle


En choisissant de signifier le Rien par le grumeleux vocable reginglette, l'homme du nihil s'oppose à toute tentative d'inclure le pachynihil dans une notion qui se tiendrait pour suffisante à le définir ; il attend donc de nous la modestie qu'il pratique si naturellement lui-même et le consentement à une ignorance finale qui est, selon lui, le vrai savoir ; bref, il attend de nous plus de renoncements qu'il ne nous promet de satisfactions dogmatiques.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine