lundi 7 juin 2021

Bouchon

 

L'oubli que procure le sommeil est la seule consolation qui s'offre à l'homme accablé par la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité — sans préjudice d'un éventuel panaris et des bassesses d'une « mégère difforme au faciès d'hippopotame ». Alors, quand le philosophe Blaise Pascal dit que « Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde », et qu'en conséquence, « il ne faut pas dormir pendant ce temps-là », l'homme du nihil trouve qu'il « pousse un peu le bouchon ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 6 juin 2021

Habitat naturel

 

Comme le chat — mais l'on pourrait citer aussi le mérou et la pipistrelle —, l'homme du nihil sait, de manière innée, habiter le silence.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 5 juin 2021

Permaculture et homicide de soi-même

 

Invité par un article de magazine à « transformer sa vision du monde grâce à la permaculture », l'homme du nihil préféra la conserver telle quelle, « sombre et définitive comme une forêt de conifères ». Le monde, pour lui, cela n'a jamais été autre chose que « l'élément obscur, froid, hostile et violent où s'abîment toute pensée et tout idéal ». Et puisque le mal est partie intégrante de la condition humaine, alors « aux chiottes la permaculture ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 4 juin 2021

Misanthropie

 

D'après Louyer-Villermay 1, « il n'existe aucun médicament propre à guérir la misanthropie » car « les affections de l'âme et les maladies de l'entendement sont très peu accessibles aux puissances pharmaceutiques ». — « Je t'en foutrai des maladies de l'entendement, moi, tuouaouar ! », réplique l'homme du nihil.

1. Dictionnaire des sciences médicales, Tome trente-troisième, Paris, Panckoucke, 1819.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 3 juin 2021

Tout s'explique

 

Ce n'est pas pour rien que les Anciens voyaient en la femme une créature satanique. Sa méchanceté, la joie qu'elle éprouve à faire le mal, son attirance pour les choses pernicieuses (les fameux « magazines féminins »), tout cela porte indubitablement la marque du « prince des ténèbres ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 1 juin 2021

Pain de tribulation

 

« Être à l'eau d'angoisse et au pain de tribulation » est une locution ancienne qui évoque la situation des moines que leurs supérieurs punissaient en les jetant dans un cachot et en les mettant au pain et à l'eau. Aujourd'hui, s'il faut en croire Gragerfis, elle décrit assez bien la condition de l'homme du nihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 29 mai 2021

Pis-aller

 

Il y a dans l'homicide de soi-même quelque chose de radical qui peut effrayer le commençant. Heureusement, il existe une solution alternative qui est de « faire le mort, comme un cloporte ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 28 mai 2021

Brimades

 

Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis, après avoir évoqué les brimades qu'il subit d'un certain « Valéry Réel », lance ce cri poignant : « L'idée du Rien nous protégera-t-elle de nos ennemis électriciens, magistes noirs et théosophes ? Nous préservera-t-elle des angoisses, des serrements de poitrine, des battements de cœur et, tant qu'à faire, des panaris ? » — Mais il se répond aussitôt à soi-même : « Tu rêves ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 27 mai 2021

Jérémie, XXV

 

« Depuis la treizième année de Josias, fils d'Amon, roi de Juda, il y a vingt-trois ans que la parole de l'Éternel m'a été adressée ; je vous ai parlé, je vous ai parlé dès le matin, et vous n'avez pas écouté. J'ai prononcé devant vous le vocable reginglette et vous avez fait comme si de rien n'était. Puisque c'est ainsi, tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 26 mai 2021

Sur le mal radical

 

Dans sa Lettre ouverte à une bourrelle, l'homme du nihil interroge les conditions de possibilité de l'action moralement mauvaise. Il ne s'agit plus pour lui d'établir le principe objectif de la moralité — il a dépassé ce stade ! —, mais de mettre au jour les principes subjectifs pouvant conduire une « mégère difforme au faciès d'hippopotame » à adopter des maximes particulières et non universalisables c'est-à-dire non conformes à la loi morale.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 25 mai 2021

Ridicule

 

Il n'est que de se promener dans les rues ou de prendre les « transports en commun » pour constater — par contraposition ! — que chaque individu se fait sa propre notion du ridicule. Mais personne, à l'exception de l'homme du nihil — et peut-être de quelques bouddhistes : Talé-Lama, Guison-Tamba, Pandchan-Remboutchi, etc — ne semble ressentir le ridicule pourtant le plus cuisant : celui d'avoir un Moi. Voilà qui est tout de même « un peu fort de café » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 22 mai 2021

Machine anatomique

 

La femme est-elle susceptible de se poser des « questions existentielles » ? A-t-elle seulement conscience de son existence ou n'est-elle qu'un protozoaire de grande taille pourvu de cils vibratiles (un peu à la manière de la paramécie), autrement dit une « machine anatomique » ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 20 mai 2021

Raoul

 

Certains auteurs (Lautréamont, Antonin Artaud « le Mômo », Robert Férillet) semblent n'avoir pris la plume que pour « conchier le réel ». Mais ce dernier se vengea cruellement en leur envoyant, au moment où ils s'y attendaient le moins, une légion d'entrepreneurs charcutiers — mouches bleues de la viande (Calliphora vomitoria Lin.), mouches grises (Sarcophaga carnaria Lin.) —, qui « fit rentrer dans les trésors de la vie leur matière animale défunte ». Lautréamont, Artaud, Férillet « ne connaissaient pas Raoul » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 19 mai 2021

Interlude

 

Le mathématicien Henri Poincaré plongé dans la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur et se disant qu'il n'a jamais lu « un tel ramassis de conneries ».

lundi 17 mai 2021

Automate

 

Il suffit d'observer le « monstre bipède » dans la rue ou dans un coquetèle pour s'apercevoir qu'il possède toutes les caractéristiques d'un automate. Ses actes, ses paroles même sont désespérément prévisibles — ce qui fit dire à Gragerfis qu'« il diffère peu d'un cochon d'inde ». Et contrairement à celui de Spinoza, cet automate n'est pas même spirituel !!!

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 16 mai 2021

Insoutenable légèreté

 

Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre palléale de mollusque (en compagnie des branchies et du tube digestif).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 15 mai 2021

Solipsisme

 

« Si la prétendue réalité empirique n'est en fait que la projection de mon conscient intérieur, alors je devrais d'urgence consulter un psychiatre pour masochisme exacerbé », déclare Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain. — Mais ce psychiatre ne serait-il pas, lui aussi, une projection du « conscient intérieur » gragerfissien ? On n'en sort pas. C'est à se taper la tête contre les murs !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 13 mai 2021

Idiosyncrasie du nihilique

 

L'homme du nihil diffère essentiellement du vulgum pecus par sa Weltanschauung — d'une noirceur et d'une amertume extrêmes —, ses capsules glabres, ses pédoncules rameux et multiflores, enfin par ses feuilles constamment alternes, au moins au sommet. Autre trait remarquable : son inflorescence générale est centripète, comme en témoigne l'emploi qu'il fait à tout propos des vocables reginglette, gloméruleux, zingibéracé, etc.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 12 mai 2021

Un être fouisseur

 

À l'instar du phacochère, l'homme du nihil se nourrit surtout d'herbes, de racines et de fruits sauvages. Il mange souvent dans la position agenouillée. C'est un ennemi des philosophes, car il bouleverse les champs de concepts des « amis de la sagesse » et autres « hommes de la Nature et de la Vérité » avec ses défenses recourbées.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 11 mai 2021

Racines

 

Il faut surtout attribuer la force prodigieuse de l'idée du Rien au libre développement de ses racines pivotantes, qui semblent pénétrer jusque dans les profondeurs de la pachyméninge, à tel point qu'il n'a jamais été possible d'en atteindre les extrémités (tandis que l'idée du quelque chose n'a que des racines superficielles, dirigées horizontalement). De là, nul doute, la manière dont l'homme du nihil résiste à la tempête, lorsque l'homme de la Nature et de la Vérité, moins fort, moins élevé, s'incline souvent vers l'est, par l'effet du vent.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 4 mai 2021

Interlude

 

Le « Grandiloque des Carpates » lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor et tentant de comprendre la notion de « sinapisation du réel » qui s'y trouve développée.

mercredi 21 avril 2021

Antidote


Selon l'homme du nihil, « le vocable reginglette est, avec le taupicide, le seul antidote possible à l'angoisse métaphysique qui mine le sujet pensant, et à cette misère existentielle où les philosophes Kant et Hegel, avec leurs terribles "concepts", ont plongé l'humanité. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 14 avril 2021

Un réprouvé

 

Lorsqu'il se voit frappé d'un panaris, le nihilique, au lieu de trouver son soutien dans la soumission à la providence, blasphème contre le ciel, trouve tout odieux, se désespère et, dans son désespoir, goûte toute l'amertume de la douleur. Ne manque que la pénible Sonia Marmeladova pour faire de lui un complet « héros dostoïevskien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 12 avril 2021

Sourcils sévères du nihilique


 
« On appelle nihiliques les individus dont toute la philosophie se borne à affirmer que rien n'est. Leurs caractéristiques les plus marquantes sont : un regard féroce, une grande sévérité sur les sourcils, un grand silence, une profonde méditation, un désir de la solitude, un amour et une haine opiniâtres, des présages funestes et des songes tristes. » (Pierre-Joseph Buc'hoz, Mémoire sur la manière de guérir la mélancolie par l'homicide de soi-même, Paris, 1806)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 2 avril 2021

Cachot

 

Ferrière a défini le cachot « un sépulcre funeste où l'on enferme des hommes vivants, où l'on ne gît que sur la paille ». Mais cette définition ne convient-elle pas, plus généralement, pour caractériser le « fétide et rébarbatif réel », ce que les philosophes appellent la « réalité empirique » ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 31 mars 2021

Acédie

 

Sujet à des attaques d'acédie monastique, l'homme du nihil, pour y faire face, suit le conseil d'Évagre le Pontique et cultive la vertu de persévérance. Ce terme, que les stoïciens associaient à l'endurance et au courage, exprime en effet la résistance qu'oppose le nihilique à toutes les pensées qui tendent à le décourager (par exemple celle d'ingurgiter du taupicide), et surtout la persistance — dans l'idée que « rien n'est ». Évagre recommande également le travail manuel, mais l'homme du nihil estime (au dire de Gragerfis) qu'« il ne faut quand même pas pousser grand-mère dans les orties ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 29 mars 2021

Abstention

 

Selon le père Bourdaloue, « la pensée du purgatoire, en nous donnant une idée de la sévérité de la justice divine, porte notre cœur à la pratique de toutes les vertus chrétiennes ». Cela est vrai en général, sans doute, mais la crainte de la justice divine n'empêche pas le nihilique de mettre vices et vertus dans le même sac et de ne pratiquer ni les uns ni les autres, convaincu qu'il est que « tout pue ». Sa règle de conduite est « d'attendre que ça se passe » (l'univers, le soir, lui paraît lourd de non-promesses).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 22 mars 2021

Objet de propriété

 

L'homme du nihil ne pense pas sans frémir qu'il n'est qu'un objet de propriété : comme une chaise, un presse-purée ou — si l'on veut aller par là — le mot ours. Mais il doit se rendre à l'évidence : il ne s'appartient plus, il est l'esclave de cette « cré bon diousse d'idée du Rien » qui le bourrelle incessamment.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 19 mars 2021

Précipice

 

« Que penseriez-vous, mes chers enfants, d'un homme qui ne se plairait que sur le bord des précipices, qui y établirait sa demeure et y dormirait paisiblement ? Vous diriez que cet homme est un imprudent, un insensé ; qu'à force de tourner autour de l'abîme, il finira par y tomber, et qu'il sera victime de sa témérité. Voilà l'état de l'homme du nihil : il marche, il s'assoit, il s'endort sur le bord d'un précipice ; et ce précipice, c'est... l'idée du Rien. Mais oui ! » (Jean-Baptiste Martin, Recueil d'instructions pour la première communion, Bourg, Bottier, 1841)

(Fernand Delaunay, Glomérules)