lundi 27 décembre 2021

Les cruelles affres de la sénescence

 

Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis dit que la vieillesse est « le summum du caguant ». Il estime que vieillir est, au bas mot, cent fois plus caguant que mourir.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 26 décembre 2021

Moments de doute

 

Quand il n'est pas dans son assiette, l'homme du nihil en viendrait presque à douter si le concept de reginglette est véritablement capable de rendre compte de l'essence et des structures du réel (ou s'il ne faudrait pas lui préférer celui de zérumbet zététique).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 23 décembre 2021

Interview

 

« Homme du nihil, que faites-vous actuellement ?
— Après avoir, en quelque sorte, fait le tour du néant, je me suis donné pour mission de penser l'être. Prenant comme point de départ le concept de reginglette, je vais tenter une déduction logique et systématique du réel.
— Eh bien, il ne nous reste qu'à vous souhaiter bonne chance. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Littérature

 

Pourquoi écrit-on ? Pour faire l'intéressant, neuf fois sur dix. Mais si l'homme du nihil prenait la plume, ce serait pour une autre raison (il le jure à mortel) : ce serait pour dire qu'il n'est PAS CONTENT ; pour dire que TOUT ÇA (la vie, la temporalité du temps, l'haeccéité, les mégères difformes au faciès d'hippopotame) est UN PEU FORT DE CAFÉ. Ça le soulagerait peut-être ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Justice nulle part

 

D'après Gragerfis, l'homme du nihil envisagea un temps de porter plainte contre le Grand Tout pour « violences morales » (n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours). Mais la perspective de devoir expliquer tout ça aux « bourres » le découragea.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 22 décembre 2021

Un monde zingibéracé

 

Si l'on veut aller par là, tout, dans la vie, est « relatif au gingembre » : le binôme de Newton, les maladies des yeux, les manufactures de gants en tissu, les îles Féroé et le Groenland, tout — jusqu'aux questions métaphysiques et aux objets de la théologie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vers l'essentiel

 

À mesure qu'il avance en âge, l'homme, pour peu qu'il ne soit pas l'équivalent moral d'un babiroussa, se dépouille de ses illusions, se détourne de la « réalité empirique » et se pénètre de cette vérité que tout est vain (sauf peut-être certains vocables tels que lagéniforme et zingibéracé).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Substratum

 

Pour Maine de Biran, il y a sous le Moi une autre réalité qui sert de substratum à la réalité consciente. Par opposition au Moi, il nomme cette autre réalité « substance ». Robert Férillet croit également qu'il y a en dehors du Moi quelque chose qui échappe à la conscience et dont le raisonnement seul indique l'existence : le « pachynihil ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Digestion du réel

 

Comment « digérer » la réalité empirique ? Pour éviter que l'air ne s'accumule en masse dans l'estomac, il convient de bien mastiquer chaque bouchée avant de l'avaler. Gragerfis conseille de prendre une tisane à base de fenouil pour faciliter la digestion et préconise de boire beaucoup pour éviter que les selles ne durcissent.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'intérieur d'un philosophe

 

Un jour qu'il se sentait « gonflé à bloc », le philosophe Victor Cousin se mit en tête d'examiner son Moi. De son propre aveu, il n'y trouva « absolument rien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 21 décembre 2021

Un pionnier de la prophylaxie

 

Alain Barrière, l'inoubliable interprète (avec Noëlle Cordier) du tube « Tu t'en vas », et l'inventeur des fameux « gestes ».

Il faut se pincer

 

« Agir ? — Ah bien oui, vraiment ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 20 décembre 2021

De mieux en mieux

 

Est-ce parce qu'il a lu Bergson ? Voilà en tout cas que l'homme du nihil perçoit des « ondulations du réel » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 19 décembre 2021

Géométrie différentielle et homicide de soi-même

 

« Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi. Je ramais. Tout à coup, foudroyé par une réminiscence de vocabulaire : “Le fibré cotangent d'une variété différentielle se distingue de son fibré tangent en ce qu'il est naturellement muni d'une forme différentielle tautologique, dite forme de Liouville.” Si j'avais été seul, je me serais jeté instantanément à l'eau. Jamais je n'ai ressenti avec une telle violence le besoin de mettre un terme à tout ça. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 18 décembre 2021

Négligence de style

 

La vie de l'homme du nihil peut être décrite — c'est lui-même qui l'affirme — comme « une tautologie à point de départ arbitraire ». En cela, elle ressemble assez à la « technique de pensée » de Heidegger.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 17 décembre 2021

Agence générale de la misanthropie

 

À quelques exceptions près (Charles Baudelaire, Thomas Bernhard, Théasar du Jin), les misanthropes sont aussi détestables que le reste de l'humanité. Exécrer le monstre bipède est, il est vrai, à la portée du premier venu. La notion de « club des misanthropes » est donc aussi inepte que celle de « club des suicidés philosophiques ». De tels conglomérats ne pourraient être que des nids de bisbilles.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 16 décembre 2021

Scrupule phénoménologique

 

« La chaise n'est pas dans la conscience », dit le pénible Jean-Paul Sartre au début de L'Imaginaire. Et lorsque le nihilique regarde une chaise, c'est effectivement la chaise qu'il vise et non son image dans la conscience. Mais quand il s'agit de s'asseoir, c'est autre chose : il n'oublie pas que « rien n'est » et préfère rester debout pour ne pas courir le risque de s'esquinter le fondement (de l'historialité du Dasein).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 15 décembre 2021

Aux chiottes, le temps !

 

Pour empêcher la survenue d'un événement planifié de longue date mais redouté (par exemple une visite chez le dentiste), l'homme du nihil fait le mort. Il espère ainsi figer le temps, mais va te faire fiche : le jour fatal finit toujours par arriver. Salop de temps ! Dégueulâsse ! Je t'en foutrai d'être inexorable, moi, tuouaouar ! Salop !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 14 décembre 2021

Petits joueurs

 

Dans un passage de ses Historiæ, Salluste dit que les peuples de Mauritanie et de Dalmatie sont vains et cruels, « beaucoup moins toutefois que certaine mégère difforme au faciès d'hippopotame qui s'acharne insensément sur le pauvre Férillet ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 13 décembre 2021

Lettre d'adieu

 

Français ! C'est le cœur serré que l'homme du nihil a décidé de cesser le combat. Il s'est d'abord adressé à l'adversaire pour lui demander s'il était prêt à rechercher avec lui, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Mais le « fétide et rébarbatif réel » n'a rien voulu savoir. Alors...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 12 décembre 2021

Un amer constat

 

Contrairement à la terre, la femme ment. Elle ment sans cesse, elle ment comme elle respire, avec autant d'impudence qu'un « médecin de plateau ». Cela inspire à l'étant existant des sentiments mélancoliques et même de l'horreur.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Épuisement

 

On passe sa vie à faire semblant, à faire comme si l'on trouvait un sens, même minime, à ce que l'on fait ; un intérêt, même infinitésimal, aux gens que l'on fréquente. Mais arrive un moment où faire semblant devient trop exténuant. On est mûr. Pour quoi ? Dites-le moi.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 11 décembre 2021

Façons de partir

 

La plupart des gens, quand sonne l'heure fatidique, ne se résignent à « décéder » qu'en enrageant, en grinçant des dents et en gémissant — « frendens gemensque », tel Hannibal obligé de quitter l'Italie. Le nihilique, au contraire, ne se tient pas de joie, impatient qu'il est de rejoindre le Grand Indéfini d'Anaximandre ou — s'il est de tendance néoplatonicienne — de réintégrer l'Un plotinien. — Et son exultation est aussi un pied de nez à tous les « vaccinés de l'existence ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 10 décembre 2021

Auto-dénigrement

 

L'homme du nihil ne hait rien tant que la comédie, l'escroquerie et le bluff, ces ingrédients essentiels du grand vaudeville de l'existence. Cette haine des faux-semblants, couplée à son besoin compulsif de déplaire, l'incite à se montrer toujours sous son plus mauvais jour, au risque d'effaroucher le pusillanime « monstre bipède ». Résultat : ce dernier n'est que trop enclin à le prendre au mot quand il se proclame un « jusqu'au-boutiste de l'infamie » — voulant simplement dire par là qu'il « persévère dans l'être ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 9 décembre 2021

Une infernale troïka

 

L'être humain est la proie de trois maladies chroniques et inguérissables : le besoin de nourriture, le besoin de sommeil et — des trois le plus facile à satisfaire pour peu qu'on ait accès à une droguerie ou à une jardinerie — le besoin de se détruire en ingérant du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 8 décembre 2021

Tromperie patronymique

 

À une époque de sa pondéreuse existence, l'homme du nihil fit la connaissance d'un nommé Portejoie. Mais quelque chose dut aller de travers — il dut y avoir un « binz » — car cette rencontre n'y fit rien et il resta morose comme devant.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 7 décembre 2021

Descartes inutile et incertain

 

La raison — pure ou impure, n'importe — n'est d'aucune utilité à l'homme qui sent que la terre se dérobe sous ses pieds et qu'il tombe dans un gouffre sans fond. Seul peut le sauver, s'il a la foi suffisante, le vocable reginglette — mais ce procédé d'inspiration kierkegaardienne est « sans garantie du gouvernement ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 6 décembre 2021

Traumdeutung

 

« Cette nuit, j'ai rêvé que je précipitais la chroniqueuse Laurence Sailliet dans le Bosphore, enfermée dans un sac de cuir plein de vipères. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? »
 
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

Haine du Moi

 

 
Un jour qu'il était « gonflé à bloc », le philosophe Blaise Pascal aurait affirmé que « le Moi est haïssable ». Dans ses Pensées, il dit aussi que « la vraie et unique vertu est de se haïr » et il appelle le Moi « un monstre gélatineux ». Comment expliquer cette haine du Moi ? Dans son Journal, Gragerfis évoque un « problème de cohabitation avec une belle-mère envahissante » — mais il ne nous apprend rien de plus.

(Fernand Delaunay, Glomérules)