mardi 19 avril 2022

Chemins vers le dégoût de soi

 

Nul besoin d'avoir voulu devenir un saint pour finir dans la tristesse, le dégoût et l'horreur (comme ce fut le cas de Tolstoï, au dire de Gragerfis). L'alopécie y suffit largement.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 18 avril 2022

Le monde comme volonté etc.

 

Tout le monde « veut », autant dire que tout le monde est dérangé. La seule chose qu'on peut légitimement « vouloir », c'est que tout ça s'arrête — et le plus tôt sera le mieux.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'importance de vivre

 

« Ce matin (4 juin), vu à la devanture d'une librairie un livre dont le titre, L'Importance de vivre, m'a donné instantanément des boutons. L'importance de vivre !!! Je t'en foutrai de l'importance de vivre, moi ! Espèce de petit salopiot ! Hernie discale ! Mégalithe ! Euh... Haroun Tazieff ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'art difficile de la concision

 

Cette phrase gâche tout.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un fervent de la forme

 

L'homme du nihil est d'accord pour « décéder », ça ne lui fait ni chaud ni froid, mais seulement après avoir écrit la phrase parfaite. Il sait que ça ne sert à rien, et que cette ambition extravagante risque de le faire suspecter de quelque blessure secrète, mais c'est comme ça.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'amour et toutes ces conneries

 

Puisque l'amour est toujours fondé sur le mensonge, oublions-le et progressons plutôt dans l'art de n'être rien (ça vaudra mieux pour notre santé).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 17 avril 2022

Règles de conduite

 

L'homme du nihil attribue sa réussite (dans quel domaine, il ne le dit pas) au respect des trois règles suivantes : détester les hommes ; parler peu ; ne pardonner à personne. Last but not least, il a toujours aimé se promener dans des forêts épaisses et sombres.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Titre d'honneur

 

S'il n'est pas réconfortant, il est en tout cas flatteur de penser que l'on mourra sans avoir jamais, en aucune occasion, prononcé le vocable gabardine.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Nastassia Philippovna

 

Il y a des héroïnes dostoïevskiennes dont on a du mal à se persuader que ce sont des « caisses vides », mais elles font tant d'efforts pour vous en convaincre qu'à la fin il faut se rendre à l'évidence.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Une enquête rondement menée

 

Une supposition qu'on découvrirait non loin du domicile de l'homme du nihil une valise contenant le cadavre de la réalité empirique découpé en morceaux, les enquêteurs pourraient sans risque privilégier la piste du règlement de comptes.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un faiseur de malheur (en puissance)

 

Il faut que quelqu'un retienne l'homme du nihil car il est sur le point de faire quelque chose de terrible (mais il ne sait pas quoi).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 16 avril 2022

Découragement

 

Au début, l'homme du nihil a essayé de vivre (pour ne pas se faire remarquer). Mais ça l'a tout de suite fatigué et il a laissé tomber.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Présence de l'âme

 

Nous ne sentons vraiment que nous avons une âme que lorsque nous écoutons de la musique ou que nous nous comparons à une personne du sexe.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Rétroaction

 

Quand l'homme du nihil se sent bien, il trouve cela extrêmement louche. Il se dit que quelque chose ne tourne pas rond, qu'il y a une « couille dans le pâté » 1. Cette inquiétude ne tarde pas à dégénérer en angoisse et... vous avez compris.

1. Dans le Bade-Wurtemberg, la couille ou touille désigne une grande cuillère en bois qui sert à cuisiner.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 15 avril 2022

Green

 

« Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches. Et puis voici du taupicide, au cas où les fruits, les fleurs, et cetera (le réel, quoi) vous donnerait des courbatures. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 14 avril 2022

Une trop fragrante solitude

 

L'homme du nihil a toujours jalousé la solitude du « pue des pieds » — encore plus extrême selon lui que celle du « pue de la gueule ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Caillou sur le chemin de la sagesse

 

Pour parvenir à la sagesse et trouver ainsi le repos, l'homme du nihil s'efforce de n'avoir aucune opinion sur rien. Mais comment faire quand une « mégère difforme au faciès d'hippopotame » vous poursuit de sa vilenie ? On est bien forcé d'avoir une opinion sur cette grosse vache, non ? N'est pas Pyrrhon qui veut !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Généalogie du nihilisme (hors nihilisme russe)

 

En dépit des fanfreluches métaphysiques dont il se pare, le « nihilisme » n'est peut-être que le produit d'un certain ressentiment envers les personnes du sexe (ressentiment né d'un manque de confiance en soi, d'un problème de cohabitation avec une belle-mère envahissante ou de tout autre cause). Deux observations étaient cette hypothèse. Primo, on ne trouve pas de « nihiliques » chez les personnes du sexe. Deuzio, un homme heureux en ménage, un homme tendrement aimé, qu'on appelle « mon petit lapin », « mon roudoudou en sucre », etc, ne dit jamais — ou presque jamais — que « rien n'est ». — Autre hypothèse : le « nihilique » a été nourri avec du lait en poudre quand il était un nouveau-né.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 13 avril 2022

Miracle de la « mijole »

 

« Hier, dimanche 3 juin, dans le train qui me ramenait de Compiègne à Paris. En face de moi, une jeune fille (dix-neuf ans ?) et un jeune homme. J'essaie de combattre l'intérêt que je prends à la jeune fille, à son charme, et pour y arriver, je m'efforce de me convaincre que c'est une cruche. Je l'imagine lisant du Daniel Pennac, du Christian Bobin ou — horresco referens — du Philippe Delerm. Rien n'y fit. Le charme qu'elle dégageait s'exerçait toujours sur moi. Tel est le miracle de la “mijole”, des “biberons Robert” et du fondement (de l'historialité du Dasein). » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 12 avril 2022

Irréalité

 

Le penseur roumain Émile Cioran se vantait de savoir que tout est irréel, mais admettait ne savoir comment le prouver. Pourtant, une solution simple existe : enfermer un philosophe dans une vessie pour observer s'il va « produire du concept » — que l'on verrait alors suinter à travers la membrane. S'il n'en produit pas, c'est que l'univers est effectivement irréel — et le philosophe aussi, donc.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Indifférence au climat

 

Les convictions de l'homme du nihil ne sont pas à la merci de l'humide et du sec car il porte une « petite laine » ainsi qu'une grosse casquette (qui lui tient chaud à la tête) et cet équipement lui permet d'être uniformément négatif en toute saison.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Corridor

 

Les dernières paroles du poëte Félix Arvers : « On ne dit pas colidor, on dit corridor ». — Et de fait, on dit corridor — du moins quand on veut parler d'un passage couvert mettant en communication plusieurs pièces d'un même étage.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Symptôme

 

Quelqu'un qui agit — un « agisseur » — montre par là qu'il n'a pas toute sa tête.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 11 avril 2022

Éplorement bovin

 

Comme une vache cantabrienne rassasiée de silence et de ciel, se laisser submerger par la tristesse d'être.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Divertissement

 

L'homme fait « jore » qu'il s'intéresse aux tableaux de peinture, aux pièces de théâtre ou aux courses de bourrineaux, mais en réalité il veut juste oublier qu'il est en train de clamecer car « ça fout trop les jetons ». Ceci est une pensée renouvelée de Blaise Pascal.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Couvre-chef

 

Peut-on penser à la mort quand on porte une casquette à carreaux ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, la réponse est oui (cas du satiriste roumain Émile Cioran).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Définition de la tristesse

 

Quelqu'un — Luc Pulflop ? — a défini très justement la tristesse comme « une sorte de babiroussa ». On pourrait préciser : « une sorte de babiroussa qui suit la douleur ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

All is of no avail

 

Puisque (selon Pindare), « l'homme est le rêve d'une ombre », pourquoi se fatiguer à se laver les pieds ? Bien sûr, en ne le faisant pas, on s'expose à être traité de « grand saligaud », mais quand on est « le rêve d'une ombre », quelle importance ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Obstacle à l'avancement métaphysique

 

Émile Cioran a raison de dire que si l'on veut éviter le surplace métaphysique, il faut fuir les bonnes femmes comme la peste (il ne l'exprime pas exactement ainsi mais c'est bien le fond de sa pensée).

(Fernand Delaunay, Glomérules)