jeudi 8 septembre 2022

Capucine amicale

 

La place du nihilique n'est pas parmi les hommes. Il n'appartient pas à ce monde. Il s'y sent comme une capucine amicale au milieu d'un champ de primevères.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Meurtre phantasmé de Perec

 

Parfois, pas très souvent, le nihilique rêve de noyer l'écrivain Georges Perec dans une bassine de matière plastique rose. Son côté hircin l'a toujours irrité (la petite barbiche). Et il fait un peu trop « monsieur le malin ». Oui, enfin... ça ou autre chose...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Entonnoir tenace

 

L'idée du Rien est comme un entonnoir tenace de citron : elle aspire...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une vraie marie-salope

 

La « réalité empirique » est d'une saleté repoussante et d'un désordre sans remède. Vous pouvez la nettoyer à fond, vous pouvez la parer de colliers opalins, elle grouillera bientôt à nouveau de scarabées gigoteux, de palmiers, de promontoires verdoyants, d'hexaèdres aux sécrétions réfléchies, et d'un tas d'autres choses plus ou moins dégoûtantes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 7 septembre 2022

Cave meublée

 

Dans une lettre au cardinal de Retz, le célèbre moraliste La Rochefoucauld appelle son crâne une « cave meublée ». Il dit que s'y trouvent des radicelles sécrétant un « liquide diastasique » et que ces radicelles s'agitent crescendo molto pour expulser le réel.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Poêle occulte

 

Dans le Livre de Mu, il est dit que celui qui, après avoir longuement pratiqué la méthode d'Urbantschitch, parvient à prononcer correctement la phrase « Mimi vit six perdrix », celui-là devient invisible à soi-même et à l'omnitude.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Impudence du pseudo-vibratile

 

Se prétendre vibratile alors qu'on est mortel, il n'y a pas, pensons-nous, de forme d'impudence plus ridicule.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Absence de spondias

 

Nos villes sérielles sont sillonnées de rues maussades qui toutes se caractérisent par une absence quasi totale de genévriers et de spondias (et ne parlons pas des ancolies).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 6 septembre 2022

Momordique

 

Certains disent que l'anachorétisme n'est qu'une pièce annexe de l'expérience humaine. Peut-être, mais c'est la seule de la fichue baraque où l'on sente le parfum léger des momordiques (quand les fenêtres sont ouvertes).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La ruse

 

Les gens font des choses (ils se trémoussent, ils voyagent, ils ont des aventures sentimentales, etc.) simplement parce qu'ils ne voudraient pas, au moment de clamecer, avoir à se dire qu'ils ont « gâché leur vie » (en ne voyageant pas, en n'ayant pas d'aventures sentimentales, etc.). Mais ces choses, ils n'ont qu'à imaginer les avoir faites, c'est moins fatigant et ça revient exactement au même.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Portulan-dédale

 

Pour naviguer dans l'existence, l'Ecclésiaste est un piètre portulan. Il vous convainc si bien de l'inanité de toute action qu'on ne se donne même plus la peine de prendre des ris. Alors on se laisse dériver, et résultat : on heurte un récif. Merci l'Ecclésiaste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Éloquence de la coloquinte

 

Qui, mieux que la coloquinte, dira la poignante beauté des plantes dicotylédones à vrilles caulinaires spiralées, dotées de tiges cannelées et de feuilles alternes à pétioles allongés mais sans stipules ? Et qui, mieux que cette cucurbitacée, fera sentir à l'homme qu'il vit dans un monde de néant ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 5 septembre 2022

Nudité du Rien

 

À la différence du poisson, qui est parfois servi dans une décoction de piment et un crépuscule de sang de mandrill, le Rien est toujours servi sans accompagnement et dans une lumière aveuglante. Une autre différence est qu'il n'y a pas moyen d'en laisser, il faut tout bouffer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Prudence de l'esthète

 

« Point de vin résiné, dit l'esthète. Ou alors, seulement une petite lichée. Je fais de l'hyperacidité gastrique alors je dois y aller mollo. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un modèle de discrétion

 

La discrétion quasi cénobitique des crossoptérygiens est remarquable, comme sont leurs nageoires au lobe basal charnu bordé d'une frange de lépidotriches. Le monstre bipède, au contraire, fait un barouf de tous les diables : c'est un « gueulard ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En cas de besoin

 

L'homme est une créature précaire et débile, le moindre souffle peut l'anéantir, mais il n'est pas complètement démuni : il dispose de multiples soies, de quarante fusils Remington, de cartouches Vetterli et d'un peu de poudre.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 4 septembre 2022

Encore pire que l'affaire Gordji

 

Que la vie soit une « expérience intéressante », les yeux dans les yeux, le nihilique le conteste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le cauchemar de l'ontologie

 

L'essence des choses n'est pas localisée au centre d'une place fort gaie entourée de palmiers ronds et juteux, elle se situe plutôt à un lugubre « carrefour à bascule » aux alentours duquel il ne fait pas bon s'attarder. On y perdrait le sommeil — et peut-être la raison — car en ce « carrefour à bascule », l'être et le non-être s'entremêlent d'une façon très-horrifique.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La « maladie des voyages »

 

À force d'être frappé par l'ourlet des vagues lointaines, le crâne devient spumeux et on est obligé de l'essuyer, ce qui peut se faire par exemple en utilisant une « lingette ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Résidus antinomiques

 

Le Moi fait penser à un moulin à café qui n'aurait pas été nettoyé depuis Mathusalem : il est plein de résidus antinomiques.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Disque proligère

 

Quand, se lançant sur les traces des philosophes grecs, on part à la recherche de la vérité, il arrive que l'on tombe sur un amas plus épais de la couche granuleuse, le disque proligère. On n'y est pas encore, il faut continuer à chercher.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 3 septembre 2022

Socialisme vs. nihilisme

 

L'ennemi du nihilique, ce n'est pas la finance, c'est l'être.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Térébratules

 

On dort, on se croit « peinard », quand tout à coup, on voit défiler à la queue leu leu des brachiopodes marins à coquille lisse légèrement ondulée. Recrudescence rectiligne des térébratules ! Même en rêve, il faut que le réel nous assaille avec ses satanées bestioles !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En forme d'auge

 

Pythagoricien protéiforme, le suicidé philosophique, en se faisant « sauter le caisson », exprime son rejet de l'ordre cosmique, mais il récuse aussi un ordre social qu'il voit « en forme d'auge ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 2 septembre 2022

Citernes éloquentes

 

Les citernes éloquentes du Rien, on aimerait s'y noyer mais il n'y a pas mèche vu qu'il ne s'y trouve pas bézef d'eau. À parler franchement, elles sont vides. Avec le Rien, c'est toujours la même chose.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Exquises mouvances

 

L'ignominie de l'homme, il suffit de lire Tacite pour le constater, est toujours égale à elle-même, et cette permanence fait contraste avec les exquises mouvances végétales, minérales et — après tout, pourquoi ne pas le dire — animales (que l'on pense aux poils toruleux du lycaon, de l'hyène et du lynx, qui dissimulent une eudémonologie aristocratique).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pommellement d'instinctif

 

Que l'âme est pommelée d'instinctif est une évidence polovtsienne de Borodine — et non, comme beaucoup semblent le croire, une évidence du feu de Manuel de Falla.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Coction de vocable

 

Réfléchir est toujours une affaire risquée, mais la pensée est particulièrement néfaste au littérateur, car elle l'affaiblit et lui ôte les forces nécessaires à la coction et à l'expectoration des vocables.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 1 septembre 2022

Gerboise damasquinée

 

Luc Pulflop a comparé le monde aux génitoires d'un âne. Mais on ne voit pas trop quelle est la logique sous-jacente à cette comparaison. Il aurait dû dire plutôt une gerboise damasquinée. Car comme la gerboise, le monde peut effectuer des bonds de deux mètres et courir à une vitesse avoisinant les vingt-cinq kilomètres par heure. Et il est enchâssé d'ornements en relief (il est damasquiné).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)