mercredi 21 décembre 2022

Vivre qu'ils disent

 

La vie est quelque chose de tellement bête, de tellement absurde et de tellement répugnant qu'il faut puiser dans ses dernières réserves d'ironie pour ne serait-ce que sortir de son lit (et ne parlons pas d'une tête de chien couché).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Pensée comme ça

 

On croise un quidam dans la rue et l'on se demande : « Est-il possible que ce quidam présente de l'intérêt pour quelqu'un ? Et même — disons le mot soit aimé par quelqu'un ? » Et l'on se répond : « Oui, c'est possible. Tant les gens sont bizarres. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dystopie

 

C'est triste à dire, et surtout à imaginer, mais si Anton Tchekhov, au lieu de naître à Taganrog (Russie), était né à Bezons (Val-d'Oise) ou à Chilly-Mazarin (Essonne), il n'aurait sans doute jamais écrit ce chef-d'œuvre immortel qu'est La Dame au petit chien.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Associations fantasques

 

L'esprit humain est ainsi fait. On peut susurrer des mots doux, malaxer des « biberons Robert », et en même temps, penser à la terrible description que fait Thomas Wolfe d'un mort dans le métro de New York.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 20 décembre 2022

Hôtes indésirables

 

On aimerait que son cerveau ne soit peuplé que d'êtres de qualité (Socrate, Shakespeare, peut-être le philosophe André Comte-Sponville), mais au lieu de ça, le premier venu s'y infiltre et y prend ses aises. Ô frères Grafouillères ! Et toi, Léon Dessertine, mandataire en viandes et ancien de l'Assistance ! Que faites-vous dans mon intérieur frit ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dangers du contrepoint

 

On court un grand risque, quand on se proclame le contrapuntiste du convulsif et du suave : le risque de passer pour un bredin. Prenez le peintre Van Gogh. Prenez le poëte Antonin Artaud dit le Mômo. Mais il y en a d'autres. — Il y en a bien d'autres...

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Brûlure existentielle

 

Plus longtemps on reste assis sur un poêle chauffé à blanc, plus on a mal au fondement de l'historialité du Dasein. Ceci, à propos des rapports du temps et de la douleur.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Rhizome

 

La femme est semblable à un rhizome qui végète sous terre, se dessèche presque, mais porte bon an mal an ses pousses vertes et ses fleurs (sauf que dans son cas ce ne sont ni des pousses vertes ni des fleurs mais bien plutôt d'infâmes vilenies).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 19 décembre 2022

Couchon

 

Depuis l'époque de l'ineffable homme des cavernes, les philosophes, les scientifiques, les écrivains, les « artistes », se sont efforcés de comprendre ce que c'est que l'être. Mais tout ce qu'ils ont réussi à faire, c'est embrouiller la question au point qu'un couchon n'y retrouverait pas ses petits.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Existence de la solitude

 

« Ça n'existe pas ? La solitude ? Comment ça, ça n'existe pas ? Pauvre con ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Intermède publicitaire

 

Si l'être vous fait suer, essayez le néant. C'est une solution JEUNE.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Récalcitrance de Crevel

 

« Malgré les exhortations de ses amis — au nombre desquels le peintre Salvador Dali —, Crevel n'était pas pressé de renaître. Le réel lui en avait trop fait voir. Il ne pouvait plus souffrir tout ce sacré bizeness (l'existence et tout ce qui s'ensuit). » (Ludovic Bourdin, Vie et mort de René Crevel, José Corti, Paris, 1965)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 18 décembre 2022

Psaume 91

 

L'abri du Très-Haut est sans doute apaisant, mais le mieux, pour ne pas craindre les terreurs de la nuit, la flèche qui vole au grand jour, la peste qui rôde dans le noir et le fléau qui frappe à midi, c'est encore d'être « décédé ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Plus de boudin

 

Pendant des années, on s'invente des raisons de vivre, des prétextes pour « perpétrer de coupables exsufflations ». Mais vient un moment où les raisons de vivre, c'est comme le boudin pour les Belges : il n'y en a plus.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Artichaut humain

 

Vous rencontrez quelqu'un, et comme de juste, vous avez l'impression d'avoir devant les yeux un artichaut. Alors vous enlevez les feuilles l'une après l'autre pour voir ce qui se cache derrière mais vous arrivez bientôt à la dernière feuille et vous tombez sur... le Rien ! Le néant ! Ça alors !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Que faire ?

 

Faut-il, comme paraît le suggérer Guégan (dans son livre Le Cuisinier français, Paris, 1934), couper en morceaux la langouste vivante et la faire revenir à rouge vif dans un poêlon de terre avec un quart de beurre très frais ? Ou faut-il plus simplement... se pendre ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 17 décembre 2022

Contre Proust

 

Les fastidieux développements proustiens sur le « temps perdu » et le « temps retrouvé » ont tout des divagations d'un maniaque. Cette madeleine ! Ce dallage inégal ! Qui peut croire à de telles billevesées ? Et puis, toute cette histoire traîne en longueur. L'intrigue aurait gagné à être resserrée. Deux mille quatre cents pages ! Sommes-nous des bêtes pour être traités ainsi ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Allons !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Exagération salomonienne

 

Dans le Livre de la Sagesse, Salomon dit du pachynihil que « ceux qui sont ses amis goûtent de pures délices » (VIII, 18). Mais n'y a-t-il pas là quelque exagération ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Capitons

 

Il n'y a pas que les calcéolaires et la pensée de l'homicide de soi-même qui constituent des capitons de la vie. Il y a aussi certains vocables, au premier rang desquels strapontin.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Activités propitiatoires

 

C'est souvent « en s'occupant de numismatique » que venaient à Rozanov les pensées les plus bizarres (sur la causa formalis d'Aristote, le positivisme comtien, les hésitations d'Abraham, les « demi-talents » de Marie Bashkirtseff, et cætera). Pour le nihilique, c'est un peu différent. La pensée d'ingurgiter du taupicide ou de se pendre avec ses bretelles lui vient ordinairement « en allant chercher les journaux le matin ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 16 décembre 2022

Don Carpaccio

 

Dilettante subtil, le nihilique répond aux impudents qui mettent en doute sa capacité à venir à bout de la réalité empirique : « Ne savez-vous pas que je suis Don Carpaccio ? »

(Samuel Slippensohn , Follicules palingénésiques)

Imitation d'Ivan Ilitch

 

On a beau dire, la mort, il y a de quoi avoir le traczir. Si nihilique soit-on, quand on la sent approcher, on a les jetons. Pour échapper au désespoir et provoquer une sorte de transfiguration, il n'y a pas trente-six solutions : il faut se réfugier dans son enfance, comme fit en son temps Ivan Ilitch. On éprouve alors un sentiment d'immense pardon, on se réconcilie avec soi-même, et on retrouve la sérénité. — Du moins s'il faut en croire Tolstoï.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Généalogie des madrépores

 

« Pachynihil ! Matrice des madrépores ! », s'exclame Philothée O'Neddy dans son fastidieux poëme Incantation — voulant sans doute dire par là que du Rien sont nées toutes choses (dont les madrépores).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un geignard

 

Si l'on était sensé, on devrait, par des actions de grâce et des hosannas, célébrer chaque instant où l'on ne souffre pas. Mais sensé, le nihilique ne l'est guère. Au lieu de célébrer, il geint. C'est plus fort que lui. Il faut dire aussi qu'il a toujours un « pet de travers » : l'existence, tout ça...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 15 décembre 2022

Canards

 

Jouer de la flûte sur sa propre colonne vertébrale est un tour de force que le poëte Vladimir Maïakovski se vantait de pouvoir réaliser, mais auquel il dut renoncer à cause d'une dépression aiguë qui lui faisait faire des « canards » (dégoûté de tout, il soufflait au hasard, sans faire la moindre attention à la mesure ni à la mélodie).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Big sooprize

 

De toutes les choses qui arrivent à l'homme, la plus inattendue n'est pas la vieillesse, comme le croyait Trotski, mais une tête de chien couché.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Bouffetance

 

Depuis qu'il a lu chez Walter Benjamin que « prendre ses repas seul tend à rendre un homme froid et dur », le nihilique ne mange pratiquement plus que des nouilles et de la purée. Par peur !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Fin du barouf

 

Devant le cadavre de son père exposé dans son cercueil, l'écrivain Ernst Jünger se demande ce que signifie le silence inouï qui plane sur les morts. Et il est de fait que le monstre bipède, une fois « décédé », cesse de faire du barouf. Il devient aussi silencieux qu'un lave-vaisselle encastrable. Mieux vaut tard que jamais !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 14 décembre 2022

Confirmation

 

Le héros de Crime et châtiment, Rodion Romanovitch Raskolnikov, considérait ses semblables comme de la vermine. Aussi, quand il rencontra Grégoire Samsa sur le rayonnage d'une bibliothèque, murmura-t-il pour soi-même : « Je le savais. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)