lundi 10 avril 2023

L'hypothèse des petits bruits

 

D'où vient qu'une chose vivante — par exemple un chat — nous captive plus qu'une chose morte — par exemple une pièce de charpente ? C'est peut-être que la chose vivante fait des petits bruits ? Mais une pièce de charpente aussi fait des petits bruits, quand la pensée de l'homicide de soi-même siffle et souffle dans la mâture. Alors ? Alors nous ne savons pas. Il s'agit certainement d'un horrible malentendu.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 9 avril 2023

Ainséité

 

Le nihilique n'en revient pas que les gens soient comme ci et comme ça. Ils sont prisonniers d'eux-mêmes — de leur « ainséité » — et le plus fort est que ça n'a pas l'air de les déranger. Lui aussi est prisonnier de lui-même, mais lui-même, ce n'est pas grand chose, presque rien, une collection de phonèmes — ba, be, bi, bo, bu —, alors ça va encore (plus ou moins).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Penser automne

 

Malgré l'exhortation du philosophe Alain, le nihilique ne peut s'en empêcher : il « pense automne ». Ce que c'est que d'être un « vieux jeton »... Qui plus est mélancolique...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sanctuaire siliceux

 

Pour être à l'abri des manigances de la femme, une solution simple consiste à prendre la forme et l'esprit d'un grain de sable, et à se recroqueviller dans l'obscurité. La femme, avec sa « mijole » et ses « biberons Robert », ne s'aventure jamais dans les somptueux déserts de l'impassibilité.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un mystérieux glouglou

 

Le paterne babil de ses viscères déconcerte le nihilique comme ferait quelque antique langue impénétrable — par exemple l'étrusque.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 8 avril 2023

Pertinacité du Grandiloque

 

Le « négateur universel » Émile Cioran n'en faisait pas mystère : il voulait, par ses écrits, discréditer la vie. Mais quand il se lança dans l'exécution de ce plan diabolique, il dut faire face à l'opposition de son « amie » Simone Boué. « Fais pas le méchant », lui disait-elle. Cette fois cependant, le négateur tint bon.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

La tentation du panthéisme

 

Quand, dans la même journée, on rencontre Dieu successivement dans un morceau de reblochon, dans des pédicelles de cerise et dans le vocable strapontin, la tentation est grande de devenir panthéiste. Mais qu'est-ce que ça changerait ? Sans doute rien. Alors... autant s'accrocher au Rien... Peut-être.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Abricotier-guitoune

 

Pour le pauvre Mômo, la vie se résumait à un abricotier-guitoune, c'est-à-dire à une station pérenne dans un cabanon aux fragrances sucrées (dirigé par le docteur Gaston Ferdière).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Asticots de soupente

 

L'idée du Rien nous offre de très fortes ankyloses. Pourquoi ? Parce qu'elle nous force à regarder en face ce que nous sommes : des asticots de soupente.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 7 avril 2023

Que pour les Pipils

 

« Ol sonuf vaorsag goho iad, balt lonsh calz vonhpo. Sobra zol ror i ta nazps. » S'il faut en croire l'ethnologue Malinowski, les Pipils croient dur comme fer que cette formule permet de se rendre invisible et insensible aux artifices du Grand Tout. Nous n'y voyons aucune objection — mais nous craignons que ça ne marche que pour les Pipils.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sur les traces de « Dédé »

 

Il y a chez le nihilique une dimension malrucienne qui ne laisse pas d'inquiéter. Ira-t-il jusqu'à dévaliser des temples khmers pour assouvir sa folle passion du Rien ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Démonstration muette

 

Il ne suffit pas de dire que l'expérience qui nous conduit à nous étonner de l'existence du monde est indicible, comme le fait Wittgenstein ; il faut encore ajouter qu'elle est inconcevable. Et c'est précisément ce que déclare — muettement — le nihilique en restant dans son lit, où il « fait le mort, comme un cloporte ».
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Monade

 

« Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard. Elle descendait dans le Midi, le Midi. » On voit que chez Michel Fugain comme chez Husserl, la monade caractérise le rapport intersubjectif — ici entre un homme qui remonte vers le brouillard et une femme qui descend dans le Midi (le Midi). Plus précisément, Fugain et Husserl désignent tous deux par le terme monade la conscience individuelle, l'individualité en tant qu'elle représente à la fois un point de vue unique, original sur le monde et une totalité close, impénétrable aux autres consciences individuelles ou individualités. Ce n'est pas du tout comme chez Leibniz !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 6 avril 2023

Commedia dell'arte

 

C'était déjà dur de devoir vieillir, mais voilà-t-il pas qu'il va falloir être mort ! Il ne faut quand même pas pousser ! À quoi ça rime, tout ça ? C'est une farce ? C'est de la commedia dell'arte ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Non-aidance de Mauriac et de Claudel

 

Un quidam qui, sans avoir rien demandé à personne, s'est vu précipiter dans les eaux torrentueuses et glacées de l'être, on peut comprendre qu'il montre quelque impétuosité à regagner les rives empierrées du Rien. Mais c'est pas le mec Mauriac qui va l'aider ! Ni le gars Claudel ! Merde, alors !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un « connoisseur »

 

Pour faire « jore » qu'il s'y connaît, le nihilique dit qu'il ne sait pas de plus belles sculptures que les lunaires et silencieuses sculptures précolombiennes.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Agilité presque incroyable de l'idée du Rien

 

L'idée du Rien est pareille à un gibbon qui, sans avoir l'air de prendre son élan, glisse d'une branche à l'autre. En moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges, elle s'infiltre partout, flétrit tout, contamine tout. Le Dasein perd ses illusions quant à la solidité du monde extérieur et se retrouve, comme qui dirait, « en slip ».
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 5 avril 2023

Un spectacle qui vaut le coup

 

Il n'y a rien de plus comique à observer que ces gens qui se démènent pour être « connus ». C'est comique, et pourtant, cela nous emplit d'une immense tristesse de Chopin. Tous ces pots de pisse... Qui veulent être « célèbres »... N'est-ce pas désespérant ? Quant à la nature humaine ? — Très bien, n'en parlons plus.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dans le même sac

 

Le nihilique ne prétend pas qu'il a souffert sous Ponce Pilate, qu'il a été crucifié, qu'il est mort et a été enseveli. Il ne va pas jusque là. Mais il a quand même bien « douillé » à cause d'une mégère difforme au faciès d'hippopotame. Et pour lui désormais, toutes les femmes ont le visage du traître Ferdonnet.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Méthode apophatique

 

S'inspirant des grands mystiques apophatiques — Maître Eckhart, Jakob Böhme, Angelus Silesius, Nicolas de Flüe —, le nihilique est intarissable quand il s'agit de dire ce que la « réalité empirique » n'est pas. — Rassurante, par exemple.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Barouf de l'existence

 

Vivre, ça fait trop de bruit. Il faudrait faire comme la mort et opérer dans un tragique silence. Ou mieux encore, ne pas opérer du tout.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 4 avril 2023

La gênance de penser

 

S'exprimer est toujours une combine risquée. Surtout, il y a une chose à laquelle il faut faire bien attention : dans tout ce qu'on dit, dans tout ce qu'on écrit, rien, jamais, ne doit ressembler à une « pensée ». La gênance, sinon !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Incipit sans suite

 

« Jean-Edern se fichait du tiers comme du quart. Peu lui en chalait que François eût écrit dans Je suis partout. »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Plus stricte intimité

 

Quand on pense aux humains qu'on a véritablement aimés durant sa vie et qu'on s'aperçoit que leur nombre est égal à zéro, on se dit que notre enterrement ne va pas être encombré, même s'ils viennent tous. Heureusement, il n'y a pas que les humains, il y a aussi les chats. Les chats, c'est autre chose, il y en a qu'on a véritablement aimés. Mais les chats ne fréquentent pas les enterrements, ils trouvent ça trop « malaisant ». Sales bêtes, va !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un arbitrage indiscutable

 

Dans le conflit qui l'oppose au Grand Tout, le nihilique a demandé l'arbitrage des mythiques Gennaro Olivieri et Guido Pancaldi. Ainsi, pas de discussion. S'ils disent qu'il faut se pendre, on se pendra.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 3 avril 2023

Bric-à-brac spagirique

 

Le gazugre divin. Le cénotaphe scatozigreste. La vibropondeuse rhéographique. Les matrices dématérialisantes d'Argillaceus de Kelt.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

De quoi je me mêle

 

L'écrivain Paul Léautaud vivait environné de poils de chat, et quand le chanteur Léo Ferré lui demandait si c'est ainsi que les hommes vivent, il répondait : « Me casse pas les couilles, je fais ce que je veux. »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

De mal en pis

 

Plus la plaisanterie de « l'être » se prolonge, plus notre déplaisir d'exister se dilate (comme des gaz dans le ventre d'un noyé).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Paradoxe du mérinos

 

On peut être nihilique donc penser que « rien n'est » — et pourtant, lors de la visite d'une bergerie, s'intéresser particulièrement à la tonte des mérinos. Tant l'esprit humain est complexe ! Tant l'homme est une créature pétrie de contradictions !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)