dimanche 4 juin 2023

Surplace du monstre bipède

 

Le monstre bipède est exclusivement bipède depuis l'époque d'homo ergaster, il y a environ deux millions d'années. Quant à homo sapiens, il existe depuis au moins trois cent mille ans et il est toujours aussi exécrable. Il fait toujours autant de bruit en mangeant, si ce n'est plus. The times, they are not a-changin' — en tout cas pas tant que ça.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

samedi 3 juin 2023

Gare aux gaffes du gars gonflé

 

Marcel Proust était spécialiste des gaffes. Un jour qu'il était en visite chez la comtesse Greffulhe, il poussa par erreur la porte d'une salle de bain et découvrit une dame absolument nue. Il la reconnut au premier coup d'œil, c'était Fabienne Tabard, la femme du marchand de chaussures ! Il recula aussitôt, referma la porte et dit : « Pardon monsieur. » Il était peut-être gaffeur mais il avait du tact !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Bouffées d'aigreur du Grandiloque

 

Le « négateur universel » Émile Cioran avait remarqué qu'il ne devenait méchant que lorsqu'il était profondément mécontent de lui-même. Malheureusement, cela lui arrivait souvent car — il ne le savait que trop — il n'était à la hauteur dans aucun domaine (sauf peut-être la négation universelle, et encore).
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Un vrai de vrai

 

Il est difficile de faire plus humaniste de la Renaissance que Marsile Ficin. Son petit bonnet en pilou ; son accointance avec Gémiste Pléthon ; ses études auprès de Jean Argyropoulos ; sa tentative de synthétiser le christianisme et le platonisme... Tout le dénonce. Tout l'accuse. Un humaniste ! De la Renaissance !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Et toi, la matelas

 

Dans l'Épopée de Gilgamesh, la déesse Ishtar demande à Enkidu — le compère de Gilgamesh — comment il va yau de poêle. C'est le premier exemple connu d'humour dans la littérature mésopotamienne.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

vendredi 2 juin 2023

Bardo Thödol

 

Le Livre des morts thibétain dit que quand on est mort, ce n'est pas forcément pour l'éternité. À la différence de Crevel, on peut « renaître ». Il paraît qu'il y en a pour qui c'est une consolation.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Aaaah

 

Blaise Pascal a raison : les gens qui poussent des « Aaaah » de bien-être (dans un jacuzzi ou ailleurs) méritent de subir le supplice du pal jusqu'à la fin des temps. Le bien-être ! Je t'en foutrai du bien-être, moi, tuouaouar ! Le mal-être, plutôt, oui !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

À la pharmacie

 

« Bonjour Madame.
— Bonjour, Monsieur Cioran. Ça boume ? Qu'est-ce que vous prendrez aujourd'hui, Monsieur Cioran ?
— Une barquette de triazolobenzodiazépines, s'il vous plaît. Pour voir la vie en beau, comme disait Baudelaire.
— Catherine ! Une barquette de triazolobenzodiazépines pour Monsieur Cioran ! Et que ça saute ! »
 
Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Vanité des vanités

 

L'Ecclésiaste disait que tout est vain, pourtant il mangeait et il allait aux doubles-vécés. Non seulement il mangeait, mais si ça se trouve, il connaissait des « routiers sympas ».
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

jeudi 1 juin 2023

Le cossu secret

 

Les choses ont-elles conscience, fût-ce obscurément, d'être faites de Rien ? Ce pudding de silicate, là, dans le jardin, possède-t-il lui aussi le cossu secret ? Il faudrait pouvoir en discuter avec quelqu'un, mais qui ? Lawrence Durrell ?
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Un gars pas aidant

 

Si vous êtes dans la mouise, ce n'est pas la peine de vous adresser au gars Tchekhov. Tout ce qu'il vous répondra, c'est : « Je ne sais pas. » C'est en tout cas ce que prétend Léon Chestov (et en général il est bien informé).
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Goujaterie culturelle

 

Les individus qui vous font adroitement savoir qu'ils ont lu tel ou tel livre, qu'ils ont vu tel ou tel tableau de peinture, de tels individus, comment les qualifier ? Ce sont des goujats — des « goujats culturels ».
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Cassement existentiel

 

Dans la pièce de Sophocle, à propos de l'épée qu'il a reçue en cadeau d'Hector, Ajax parle de « douleur coupante ». C'est cette épée qu'il va utiliser pour se suicider, réalisant ainsi une sorte de « cassement existentiel » — puisqu'il se prend à lui-même sa propre vie. Ce « cassement » n'est pas sans rappeler celui de la Métamorphose des cloportes, sauf que le Rouquemoute utilise un chalumeau au lieu d'une épée, et que le « cassement » qu'il commet ne comporte aucune dimension existentielle (le truand n'est mû que par sa passion pour le lucre).
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

mercredi 31 mai 2023

Non-lecture d'Unamuno

 

Si le monstre bipède avait un minimum de « sentiment tragique de la vie », il ne vivrait pas comme il vit (c'est-à-dire comme un babiroussa). Il faut croire qu'il n'a pas lu Unamuno... Oui... ça doit être ça...
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Presque comme Sadegh

 

Le nihilique aime beaucoup Sadegh Hedayat. Il l'admire mais aussi il l'envie. Car lui aussi rêverait d'être l'auteur d'une littérature crépusculaire et insolite, marquée par la hantise du suicide. Lui aussi aimerait décrire les mœurs persanes avec humour et poésie. Et maintenant qu'il y pense, il a beaucoup de points communs avec Hedayat : comme l'écrivain iranien, il est hanté par ses démons ; il vit en marge de la société ; il porte un regard désespéré, teinté d'une ironie impitoyable, sur l'absurdité du monde et l'inguérissable folie de l'âme humaine... Mais là s'arrête la ressemblance. Car loin d'être un esprit libre dans la lignée d'Omar Khayyam, il est de Bezons !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

D'égout et des couleurs

 

Tout le monde ne se tue pas de la même façon. Par exemple, Pierre Bérégovoy fit le choix de se suicider « au bord d'un canal où il était souvent venu goûter la paix et la beauté des choses ». Il ne se pendit pas à la grille d'un égout dans une ruelle sordide comme son presque homonyme le poëte Gérard de Nerval (il n'y a que quatorze lettres de différence).
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Castrorama

 

Chez Fidel Castro aussi, il y avait tout ce qu'il fallait : non seulement des outils et des matériaux mais des geôles et des chevalets de torture. Tant l'homme est un loup pour l'homme...
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

mardi 30 mai 2023

Une matinée du Grandiloque

 

Pour le « négateur universel » Émile Cioran, c'était chaque matin la même histoire : il commençait par se sentir mal à l'aise. Puis il regardait sa montre, il était déjà huit heures. Il embrassait tendrement Simone Boué et un taxi emportait cette dernière. « Tu t'en vas, mon cœur, parmi ces milliers de gens », soupirait-il in petto. Et il se faisait la réflexion que c'était une journée idéale pour marcher dans la forêt. Comme il aurait aimé, le négateur, aller se coucher seul dans les genêts ! Mais il avait des aphorismes à écrire, il ne pouvait pas y couper. Il fallait bien gagner sa croûte...
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

No stronger than dirt

 

On se croit, comme Ajax, plus fort que la saleté mais je t'en fous : en ce « monde de néant », la saleté finit toujours par l'emporter. Résultat des courses : à l'image du héros grec, on en a marre, on jette l'éponge, et on commet l'homicide de soi-même (sur une plage de Salamine ou ailleurs, suivant comme ça se trouve).
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Tour du Grand Chien

 

Le désolant Michel Foucault n'aurait jamais pensé qu'il effectuerait un jour, seul et à pied, le tour complet de la constellation du Grand Chien. Voilà ce que c'est, de « clamecer »... Mais bon Dieu ! Il aurait pourtant dû le savoir ! Il était « philosophe », non ?
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Littérature argentine

 

En plus d'être désagréable au possible, l'étant existant — le fameux « Dasein » des existentialistes — n'y connait pas grand chose en fait de littérature argentine. Aussi, quand il lit dans Borges les noms d'Hilario Ascasubi et d'Estanislao del Campo, il se dit : « Qui c'est ces mecs-là ? » Mais il trouve ces noms « marrants » alors ça va.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

lundi 29 mai 2023

Déviation

 

Kafka a raison de dire que la vie est une perpétuelle déviation. Normalement, pour aller de la mairie de Bezons à la gare de Houilles, il faut compter une douzaine de minutes (en passant par la rue Albert 1er). Mais avec les travaux...
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Théâtre

 

Émile Cioran : Il y a quelques années, la compagnie Laurence Olivier a donné à Moscou Roméo et Juliette — c'est une pièce de Shakespeare, tu peux pas comprendre.
Eugène Ionesco : Ouais. Et ?
Émile Cioran : T'aurais vu la réaction des spectateurs, mon vieux ! C'était à ne pas croire. Une fraîcheur... Une ardeur... Une... Je ne sais pas, moi, une piété ! Non, je te jure. C'est pas en Occident qu'on verrait ça.
Eugène Ionesco : Purée !
 
Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Une baudelairienne bourrelle

 

Dans la Montagne magique, l'envoûtante madame Chauchat incarne la séduction érotique, mais sous une forme morbide dégénérée !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

À la manière d'un cadavre

 

Le Rien, il ne faut pas lui obéir seulement quand ça vous chante mais tout le temps. Sinon, c'est un peu trop facile. Ils sont légion, les « nihiliques en peau de lapin » qui se gavent d'huîtres et de bigorneaux, mais le véritable nihilique, lui, est fidèle à la devise de Saint Ignace : « Perinde ac cadaver ».
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

dimanche 28 mai 2023

Langage huysmansien

 

Huysmans s'exprime d'une façon si comiquement maniérée que chaque fois qu'on le lit, on manque d'en uriner dans son « ben ». Petit extrait : « Mais, dit Durtal, pourquoi l’épervier est-il choisi de préférence aux autres volucres ? » (Joris-Karl Huysmans, Là-bas, Tresse & Stock, 1895, p. 396). — « Aux autres volucres » ! N'est-il pas bath, ce Huysmans ? N'est-il pas « aux pommes » ? 
 
Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Cri qui tue

 

Le kiaï, le mythique « cri qui tue » des maîtres d’arts martiaux, n’aurait pas uniquement pour effet de sidérer l’adversaire. En faisant circuler le chi — le souffle vital —, il serait aussi capable de rééquilibrer le corps ! Cela paraît « inc'oyable » mais c’est pourtant ce qu’affirme Jean-Paul Duchêne, enseignant de tai chi rompu aux techniques de circulation de l’énergie par la voix. Laissons-lui la parole. Ou plutôt non.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Complétude de Mann

 

Thomas Mann est un romancier complet et ses personnages le sont également. Ainsi, chez Hans Castorp, il y a tout ce qu'il faut : fadeur, malléabilité, aspiration à des idéaux humanistes élevés, outils, matériaux... Euh... non. Pas les outils et les matériaux.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Chez Carglass

 

« Bonjour.
— Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
— J'ai une fêlure existentielle à la Scott Fitzgerald.
— Ah. Ça peut être très grave. Nous allons regarder ça. Ouvrez la bouche et dites “Aaaah”.
— Aaaah. »
 
Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)