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jeudi 18 octobre 2018

Pente savonneuse


L'homme du nihil, qui souffre de naissance d'une « fêlure » à la Scott Fitzgerald, tente d'abord de se raccommoder en expérimentant le retrait jusqu'à l'extrême de la sécession. Après quelques années de vagabondage solitaire dans le désert de Gobi de l'existence, il se jette dans une union fichtéenne de l'humain et du divin, qui échoue à son tour. En désespoir de cause, il se tourne alors, soit vers le muscadet, les huîtres et les bigorneaux, soit vers le taupicide, selon que sa nature est épicurienne ou que son tempérament le porte à la mélancolie. Dans les deux cas, il passe aux yeux de l'omnitude pour un « homme perdu ».

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

mardi 16 octobre 2018

Lavement


Dans les Nouvelles formules de médecine, ouvrage  de Pierre Garnier publié en 1726, on trouve la recette suivante du Lavement pour les Crottes ou grande constipation de ventre : « Prenez de grandes et petites passerilles de chacune deux onces ; faites boüillir tout dans s. q. de boüillon de tripes, puis dans chopine de coulûre on dissoudra demi-livre d'huile commune, quarante grains de trochisques alhandal en poudre, pour un lavement. » En 1794, Johann Gottlieb Fichte reprendra cette recette dans ses Principes de la doctrine de la science, ouvrage dont la lecture seule suffit, la plupart du temps, à guérir la « grande constipation de ventre ».

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

samedi 13 octobre 2018

Synthèse quintuple


Schleiermacher prétend que chez Fichte, l'usage immodéré de la « synthèse quintuple » 1 avait entraîné une folie érotique dont les accès s'allumaient à la vue d'une sœur hospitalière, d'une fille de basse-cour, et même d'une image grossière de femme. Il affirme que Fichte mourut en se livrant sans frein, comme un insensé qui se déchire, à la manie solitaire la plus salace. « Voilà ou mène l'idéalisme transcendantal chez des individus n'ayant rien à perdre au monde, ni sous le rapport de la fortune ni sous celui de la réputation, bien moins encore de la pudeur », note Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain.

1. Rappelons que la synthèse quintuple fichtéenne vise à unifier en les égalisant les points de vue de l'être substantiel et du soi fini.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

dimanche 7 octobre 2018

Apparition fatale


L'idée du Rien paraît, et voici que tout s'effondre, les états de conscience disparaissent et la « réalité empirique » s'anéantit dans une rémoulade qui ressemble à l'« être logique » des idéalistes allemands. Le sujet pensant en vient à nier le noumène, et sombre bientôt dans le solipsisme de Fichte dont aucune puissance ne pourra plus le tirer.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

lundi 3 septembre 2018

Une belle brochette de psychopathes


« À côté du nom de Jutique, j'ai arraché une énorme toile d'araignée, tout épaissie par la poussière et tendue à l'angle de la muraille. Sous cette toile il y avait quatre ou cinq noms parfaitement lisibles, parmi d'autres dont il ne reste rien qu'une tache sur le mur. — Doppelchor, 1815. — Banquine, 1818. — Robert Férillet, 1821. — Zimmerschmühl, 1823. J'ai lu ces noms, et de lugubres souvenirs me sont venus : Doppelchor, celui qui a coupé l'humanité en quartiers, et qui allait la nuit dans Paris jetant la tête dans une fontaine et le tronc dans un égout ; Banquine, celui qui a assassiné l'idéalisme allemand en s'acharnant tout spécialement sur Johann Gottlieb Fichte ; Robert Férillet, celui qui a tiré un coup de pistolet au Dasein au moment où celui-ci ouvrait une fenêtre ; Zimmerschmühl, ce médecin qui a empoisonné son Moi, et qui, le soignant dans cette dernière maladie qu'il lui avait faite, au lieu de remède lui redonnait du taupicide ; et auprès de ceux-là, Jutique, l'horrible fou qui tuait les enfants à coups d'idiome imagé sur la tête ! » (Victor Hugo, Les derniers jours d'un condamné à mort, 1829)

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

jeudi 23 août 2018

Idéalisme allemand


On prétend — mais cela est-il vrai ? — que le philosophe Johann Gottlieb Fichte, pour donner plus de force à sa voix, allait sur le bord de la mer, dans les temps que les flots étaient le plus violemment agités, et y prononçait des harangues. Il fit plus, il s'enfermait des mois entiers dans un cabinet souterrain situé dans les environs d'Iéna, se faisant raser la moitié de la tête pour se mettre hors d'état de sortir. Ayant ainsi perfectionné sa voix, il étudia les règles du geste, et s'exerça devant un miroir, jusqu'à ce qu'il eût acquis l'air et les manières d'un parfait malotru. Il était prêt à rédiger les Principes de la doctrine de la science.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

mardi 31 juillet 2018

Une périlleuse quête


Macabre découverte mardi dans le centre-ville de Nantes. Une octogénaire a été retrouvée morte par sa femme de ménage, au fond d'un puits situé dans le jardin de sa demeure cossue. À son arrivée sur les lieux, la femme de ménage n'a pas trouvé sa patronne. La maison était fermée, sans trace de désordre. L'employée a en revanche remarqué que la grille du puits du jardin était déplacée. C'est alors qu'elle a aperçu le corps de l'octogénaire au fond de l'excavation. La vieille dame vivait seule. Le parquet de Nantes a demandé une autopsie afin d'éclaircir les circonstances du décès. Aucune piste n'est privilégiée pour l'instant.

À une époque, se jeter dans un puits était une méthode de suicide très répandue, en particulier chez les femmes. On prétendait aussi que la vérité se trouvait « au fond du puits ». Or l'octogénaire nantaise, au dire de son employée, était férue d'idéalisme fichtéen ; et il se trouve que Johann Gottlieb Fichte, dans son Essai sur la stimulation et l'accroissement du pur intérêt pour la vérité, affirme que la visée humaine de vérité est « une pulsion originaire qui hérite des caractères empiriques qu'on attribue habituellement à la curiosité, dans son manque de retenue, et son absence de pudeur ». Alors ? Est-on face à un suicide ? à une recherche de la vérité qui a mal tourné ? C'est ce que les enquêteurs devront déterminer. (Le Dauphiné, 20 décembre 2017)

(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

vendredi 20 juillet 2018

Dogmatisme fichtéen


« L'idée du Rien a un goût de brûlé très fade. Mais surtout, elle est absorbante : elle dissimule les besoins spirituels du sujet pensant, sans les satisfaire. Bien loin de nourrir l'esprit, elle le prive de l'appétit ; aussi l'usage habituel de l'idée du Rien fait dépérir et conduit insensiblement à l'idiotie et à une mort prématurée. » (Johann Gottlieb Fichte, Conférences sur la destination du savant, 1794)

— À l'idiotie? Oh ! Oh ! Comme tu y vas, mon ami !


(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

vendredi 13 juillet 2018

Le passager du Polarlys (Georges Simenon)


Le Polarlys, amarré au quai 17, dans un des bassins les plus lointains et les plus sales de Hambourg, devait appareiller à trois heures de l'après-midi, comme l'annonçait un panneau accroché à la boîte aux lettres de la passerelle.
Il n'était pas deux heures que le capitaine Petersen sentait déjà confusément rôder le mauvais œil.
C'était pourtant un petit homme énergique, trapu, costaud. Depuis neuf heures du matin, il arpentait le pont en surveillant l'embarquement des marchandises.

Un brouillard exceptionnel, jaune et gris, chargé de suie, crachotant une humidité glacée, pesait sur le port et, de la ville, on ne voyait que les lanternes des tramways, les fenêtres éclairées comme en pleine nuit.

On était à la fin de février. À cause du froid, ces nuages, où l'on se débattait, vous laissaient sur le visage et les mains une sorte de verglas.

Toutes les sirènes marchaient à la fois, en une cacophonie qui couvrait le grincement des grues.

Le pont du Polarlys était à peu près désert : quatre hommes au-dessus de la cale avant, pour guider les palans, décrocher les caisses et les barriques.
Est-ce à l'arrivée de Vriens, vers dix heures, que Petersen avait commencé à flairer le mauvais œil ? Ou cela avait-il commencé bien plus tôt, quand il avait lu dans Fichte que le monde n'est que « la manière dont le néant prend figure et apparence pour lui-même en se comprenant comme tel et en s'opposant à l'être en lui-même invisible » ? En tout cas, le capitaine Petersen était persuadé, comme l'idéaliste allemand, que « le monde conserve la trace ineffaçable de son néant ». Les événements n'allaient pas tarder à lui donner raison.

(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)

Effet lénitif du stoïcisme et de l'idéalisme fichtéen


Il est 19 h 35 hier dimanche, quand des automobilistes appellent la police pour signaler qu'une femme déambule de manière inquiétante sur le viaduc de l'Anguienne, à Soyaux. À l'arrivée de la patrouille, la femme, âgée de 51 ans, est assise de l'autre côté de la rambarde, les pieds dans le vide, et s'apprête à sauter.

Un agent s'est alors approché d'elle et a commencé à lui parler pour la calmer, n'hésitant pas à passer lui aussi de l'autre côté du garde-fou.

Pour rassurer la quinquagénaire en détresse, il s'est mis en devoir de lui réciter des aphorismes de Marc Aurèle, d'Épictète et de Sénèque, ainsi que des extraits des Principes de la doctrine de la science de Fichte, ce qui a permis à deux de ses collègues de se poster derrière la désespérée. Mais celle-ci, qui commençait à trouver un peu louche tout ce stoïcisme mêlé d'idéalisme fichtéen, s'est soudain laissée glisser vers le vide. Le policier l'a alors retenue par le bras, permettant à ses collègues d'empoigner la maniaque et de la ramener de l'autre côté de la rambarde.

Saine et sauve, la quinquagénaire a été conduite au centre hospitalier de Girac. (Charente Libre, 4 mai 2015)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

mercredi 11 juillet 2018

Les clients d'Avrenos (Georges Simenon)


On n'attendait pas encore de clients, bien qu'un étudiant qui venait pour Sadjidé fût déjà accoudé au bar. Mais ce n'était pas la peine de le servir, car il ne commandait que des bocks et ne les buvait pas.

Seule la grosse Lola, harnachée de soie rose et de grosses perles, était à son poste, à la première table, et regardait devant elle en esquissant le vague sourire qui ne la quitterait pas de la nuit. Ou plutôt si ! Pendant les quelques minutes de son numéro de danse, elle froncerait les sourcils, pincerait les lèvres en épiant ses pieds avec angoisse. Elle ne s'était jamais vantée de savoir danser et, si elle le faisait, comme les autres, c'est parce que le règlement ne tolère dans les cabarets que des « artistes ». C'était même écrit sur son passeport !


Sadjidé n'était pas encore descendue. Elle s'enfermait toujours la dernière dans la soupente servant de loge aux dames de l'établissement et elle n'apparaissait, avec des manières de vedette, qu'après s'être assurée, par un trou de la cloison, qu'il y avait des clients dans la salle.


Alors les hommes lui adressaient un signe amical, ou un sourire, la happaient au passage, lui tapotaient la croupe et, si quelqu'un ne le faisait pas, on pouvait affirmer qu'il était nouveau venu à Ankara.


Le jeune étudiant, au bar, était vraiment amoureux et, pour le moment, plutôt que d'attendre à vide, il questionnait Sonia, la Russe qui ne dansait pas mais qui chantait des romances en français et en allemand.
— Qu'est-ce que vous pouvez me dire de la synthèse quintuple ?
— Pas grand chose. Je crois que c'est un procédé par lequel Fichte prétend égaliser les points de vue de l'être substantiel et du soi fini.
— Et Sadjidé ?
— Elle n'a rien à voir dans tout ça.


Sur l'estrade réservée aux musiciens, le saxophoniste fixait son instrument avec ennui, le portait à ses lèvres, en tirait deux ou trois sons saugrenus puis le regardait à nouveau tandis que le pianiste lisait un journal de Stamboul.


(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)

dimanche 1 juillet 2018

Conversion manquée


Au début de L'Affaire Tournesol, le capitaine Haddock, tout juste remis d'une grave dépression nerveuse 1, conseille à Tintin « d'écouter le silence ». Il est fatigué du brouillamini de l'existence, il est devenu frileux et sédentaire, et comme les chats de Baudelaire, il cherche « le silence et l'horreur des ténèbres ».

Il n'est pas loin d'être devenu un homme du nihil, mais le « fétide et rébarbatif réel » le reprendra bientôt dans son maelström dérisoire, aidé par le frénétique Tintin décidément incapable de concevoir que le bonheur puisse naître de l'inaction.


1. Consécutive à la lecture des Principes de la doctrine de la science de Fichte, d'après Gragerfis.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Une vie de clochard (Charles Bukowski)


Harry se réveilla avec la gueule de bois. Une sévère gueule de bois.
— Merde, fit-il doucement.
Il y avait un petit lavabo dans la chambre.
Harry se leva, pissa dans le lavabo, le rinça, puis mit sa tête sous le robinet et but un peu d'eau. Après quoi, il s'aspergea la figure et s'essuya avec un pan de son maillot de corps.
On était en 1943.
Harry ramassa ses vêtements éparpillés par terre et commença à s'habiller. Les stores étaient baissés et des rayons de soleil filtraient au travers des déchirures.

Il sortit dans le couloir pour aller aux toilettes. Il ferma la porte au verrou et s'installa, étonné de pouvoir encore chier. Ça faisait des jours qu'il n'avait rien mangé.
Bon dieu, se dit-il, les gens ont des intestins, des bouches, des poumons, des oreilles, des nombrils, des organes génitaux, et... des cheveux, des pores, des langues, des dents parfois, et tout le reste... des ongles, des cils, des orteils, des genoux, des estomacs...
Il y avait quelque chose de tellement ennuyeux dans tout ça. Pourquoi est-ce que personne ne se plaignait ? Pourquoi les gens n'envoyaient-ils pas balader toutes ces conneries et n'adoptaient-ils pas le nihilisme phénoménologique de Fichte, selon lequel le monde n'est que « la manière dont le néant prend figure et apparence pour lui-même en se comprenant comme tel et en s'opposant à l'être en lui-même invisible » ?

Comme l'idéaliste allemand, Harry était persuadé que « le monde conserve la trace ineffaçable de son néant », ce qui ne l'empêcha pas de donner bientôt naissance à un odoriférant « cigare japonais ».

(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

jeudi 21 juin 2018

Halte aux déchets dans la pièce d'eau des Suisses !


« Des bouteilles en plastique, des poissons morts, des transats... et même la carcasse d'une vieille Panhard. On trouve de tout dans la pièce d'eau des Suisses du château de Versailles. Ce bassin peu profond, creusé au XVII e siècle par un régiment de Gardes suisses et très fréquenté par les promeneurs, est régulièrement souillé par des détritus abandonnés au fond de l'eau ou en surface. Au grand dam de certains Versaillais, qui ont décidé de se mobiliser.

"J'ai l'habitude de me promener dans ce secteur. C'était très sale cet été. Au mois d'août, je me baladais avec une amie, nous discutions de la synthèse quintuple fichtéenne qui vise, comme on sait, à unifier en les égalisant les points de vue de l'être substantiel et du soi fini, lorsque j'ai vu des poissons morts et deux enfants en train de pêcher juste à côté. C'est révoltant", raconte Christine Schneider, dont on ne sait si elle fait référence aux poissons morts, aux enfants, ou à la synthèse quintuple fichtéenne. Toujours est-il que cette habitante de Versailles a décidé de lancer un appel sur les réseaux sociaux.

Elle a été entendue par Juliana. À la mi-novembre, celle-ci a décidé de mobiliser via Internet. Cette trentenaire a créé la liste "Versailles Royalement Propre" sur Facebook. A présent, elle compte 200 "amis" qui viennent de signer une pétition à l'attention des responsables du château de Versailles.

Elle réclame un nettoyage immédiat du bassin, l'assainissement de l'eau, la mise en place de poubelles, un entretien régulier du parc et du bassin, une surveillance pour éviter les incivilités, et "des comptes pour chacun de ceux que l'existence, l'histoire, le hasard, la superstition, l'inquisition de Philippe II, etc., ont rendu victimes : sans cela, je préfère me jeter la tête la première en bas de l'échelle ; même gratuitement, je ne veux pas accepter le bonheur : il faut encore qu'on me rassure au sujet de chacun de ceux qui sont mes frères par le sang" — et cetera, et cetera, on voit que la jeune écervelée répète la fameuse lettre de Bielinski citée par Chestov dans son Idée de bien chez Tolstoï et Nietzsche.

"L'objectif est de préserver la qualité de vie autour de cette pièce d'eau et de faire entrevoir à l'homme la possibilité d'une existence fondée sur l'éthique au sein même d'une vie soumise à la réalité du péché", souligne Juliana qui donne rendez-vous aux Versaillais, ce mardi à 14 h 30, Place du marché Notre-Dame, à proximité du café Le Chat qui pète. » (Le Parisien, 28 novembre 2016)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

dimanche 17 juin 2018

Du néant fichtéen


Selon l'« ami de la sagesse » Johann Gottlieb Fichte (Werke, I, 3, 379), « tout animal est ce qu'il est, seul l'homme originairement n'est rien ». 

« Mais quel est ce néant fichtéen qui sépare fondamentalement l'animal et le Dasein ? », demande l'homme du nihil, ébaubi que l'on convoque le Rien dans cette affaire. Fichte, péniblement suffisant comme à son ordinaire, répond : « le néant est ce par quoi chaque être se réfléchit en soi-même comme totalité ». 

Oh ! — Mais alors, une deuxième question surgit : « lorsque deux "étants existants" se rencontrent, comment leurs néants respectifs peuvent-ils s'unir, s'accorder, former une harmonie (municipale ou autre) ? » Réponse de Fichte : « Demandez à Kant. Quant à moi, je ne m'en mêle plus ».

Et voilà ce qu'on appelle « l'idéalisme allemand », la « dialectique transcendantale », ou « l'ontologie critique » ! Comme on dit vulgairement : « Il faut se pincer ! »


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

vendredi 8 juin 2018

Vie bienheureuse


« Un homme obsédé par la pensée de se détruire avait cru pouvoir se délivrer de sa monomanie au moyen de la Méthode pour arriver à la vie bienheureuse de Johann Gottlieb Fichte. Mais après en avoir lu quelques pages, il fut prix d'une telle raucité de voix qu'il ne pouvait plus parler. Survint ensuite un asthme sec, du dégoût pour tous les aliments, une toux violente et fatigante, surtout pendant la nuit, qui se passait sans sommeil, des sueurs nocturnes abondantes et fétides, et enfin la mort, malgré tous les efforts des médecins. "Je t'en foutrai, moi, de la vie bienheureuse" furent ses dernières paroles. » (Samuel Hahnemann, Doctrine et traitement homœopathique des maladies chroniques, 1832)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

mardi 5 juin 2018

Préparatifs à la lecture de Fichte


« L'ontologie critique ! Redressons-nous et rectifions notre tenue avant de pénétrer dans cette froide et solennelle enceinte. » (Paul Claudel, Journal, Tome I, p. 737) 

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

mardi 29 mai 2018

Alerte au nihil rue Beaumarchais


« À la demande de la Préfecture du Puy-de-Dôme et dans le cadre de sa mission d'appui aux administrations, le Bureau de recherches géologiques et minières est intervenu le 27 février 2007 afin de fournir un avis sur des chutes de concepts "nihiliques" dans la rue Beaumarchais à La Bourboule, au niveau des parcelles cadastrées n° 50 et 463. [...] 

Dans un premier temps, nous conseillons de faire réaliser un débroussaillage et une purge des éléments les plus instables du voisinage (sectateurs du Rien, contempteurs de l'haeccéité, suicidés philosophiques, et cetera) par une société spécialisée. 

Immédiatement après, un bureau d'études devra, sur la base d'une reconnaissance du site sur corde, déterminer et dimensionner les parades qu'il convient d'envisager (lectures publiques d'aphorismes de Marc Aurèle, d'Épictète et de Sénèque, distribution de concepts du chanoine Roscelin, voire pulvérisation d'idéalisme fichtéen). » 


(La Bourboule (63) -- Chute de concepts rue Beaumarchais -- Avis du BRGM -- Rapport final -- BRGM/RP-55400-FR, Mars 2007)

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

De la réalité des choses


En 1795, Fichte, averti par la lecture de Jacobi, radicalise l'usage transcendant qu'a fait Kant du principe de causalité appliqué à l'affection de la sensibilité par la chose en soi. Selon Fichte, ce serait l'extériorité transcendante de l'« en soi » qui fonderait en dernière analyse — contradictoirement ! — l'extériorité immanente des phénomènes perçus dans l'espace !

Mais alors, que reste-il de l'autosuffisance transcendantale qui caractérisait la preuve kantienne de la réalité des choses dans l'« espace hors de moi » ? Rien, ou pas grand chose.

Pour l'écrivain Adalbert Stifter, ce « coup de force » fichtéen est trop dur à supporter, et il se suicide à Linz le 28 janvier 1868 en se tranchant la gorge d'un coup de rasoir. Déjà dans sa jeunesse, en 1817, il avait voulu se laisser mourir de faim pour expier la mort accidentelle de son père. 


Un siècle plus tard, son compatriote Thomas Bernhard saluera sa mémoire en le décrétant « un bavard insupportable » et « probablement l'auteur le plus ennuyeux et le plus hypocrite qu'il y ait dans la littérature allemande ».


(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

lundi 28 mai 2018

Ils t'ont pas épousée (Raymond Carver)


Earl Ober, représentant de son métier, était momentanément sans emploi, mais Doreen, sa femme, avait trouvé une place de serveuse dans l'équipe du soir d'une cafétéria des faubourgs où l'on pratiquait les trois-huit. Un soir qu'il buvait, Earl décida de passer à la cafétéria pour manger un morceau. Il voulait voir l'endroit où Doreen travaillait, voir aussi s'il pourrait s'envoyer quelque chose aux frais de la princesse.
Il s'installa au comptoir et étudia la carte.
— Tiens, qu'est-ce que tu fais là ? dit Doreen en l'apercevant.
— J'essaie d'égaliser les points de vue de l'être substantiel et du soi fini, dit Earl. C'est ce que Fichte appelle la synthèse quintuple.
— Oh, je vois. Et qu'est-ce que tu vas prendre, Earl ? dit-elle.
— Donne-moi un café et un de ces sandwichs « numéro deux ».


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)