mercredi 2 janvier 2019

Colique de miserere


20 octobre. — « Le malade attaqué de la colique de miserere ressent, vers le nombril, une douleur aiguë et lancinante, que le plus léger mouvement rend encore plus déchirante. La constipation est constante, rien ne sort par les selles ; le vomissement seul a lieu, il est continuel. Dans les premiers temps, il n'entraîne que des matières bilieuses, vertes, jaunes, et de toutes couleurs ; il augmente par degrés, et les matières stercorales sortent enfin par la bouche. L'âcreté de ces matières fait passer l'inflammation jusqu'à l'estomac ; la soif devient dévorante, le pouls se concentre, les syncopes s'emparent du malade, la constipation continue, le vomissement ne se ralentit pas ; tout l'intérieur du corps brûle, tandis que l'extérieur est saisi par le froid ; le visage s'altère sensiblement en peu de temps ; le ventre s'aplatit, et semble toucher à l'épine du dos. Enfin, après avoir été déchiré par les douleurs les plus insupportables, le malade expire dans des angoisses violentes, dans l'espace de vingt-quatre, ou quarante-huit heures au plus. » (François Rozier, Cours complet d'agriculture, Paris, 1783)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Un flair de pointer


Comme Gérard de Nerval, l'homme du nihil est convaincu qu'un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres. Aussi extravagant que cela puisse paraître, il décèle sous l'ingrate enveloppe d'un galet de marcassite... l'esprit du pachynihil !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Rechute


De nouveau, c'est l'errance dans le cliquetis des mots, l'enlisement dans l'ocre palustre du vocable reginglette et de ses dérivés.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Une assertion discutable


19 octobre. — D'après le penseur allemand Nicolas de Cues, « la couleur noire de la terre ne prouve pas qu'elle soit vile ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mardi 1 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Communication impossible


Contraint pour des raisons pratiques de « communiquer » avec le monstre bipède, l'homme du nihil se risque, non sans provocation, à une extrapolation scandaleuse : il passe des figures d'un rognon de silice aux fables qui racontent la construction des murailles de Thèbes et la destruction de celles de Jéricho. Dans son esprit, le seul pouvoir de vibrations régulières, à l'occasion insonores, fait charnière. — Hélas ! Comme il était prévisible, le monstre bipède n'y comprend goutte et le prend pour un « fada ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Pouah


Par macération, je dormais sur le fécal.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

De l'homicide de soi-même


14 novembre. — « À l'égard de l'homicide de soi-même, il s'entend seulement de l'homicide volontaire, de volonté déterminée, et de pure délibération, mais non si c'est par folie ou maladie comme si une personne s'est jetée dans la rivière, ou s'est pendue et étranglée, ou s'est précipitée et jetée par une fenêtre, ou s'est poignardée ou tuée avec un couteau, poignard, rasoir, épée ou autre ferrement, ou s'est tuée avec une arme à feu, par un mouvement d'un esprit égaré, par folie ou maladie ; car dans ces cas on ne regarderoit pas cet homicide comme un homicide de soi-même et volontaire, mais comme un pur malheur et cruel accident, et l'homicide ne seroit pas sujet aux peines prononcées par l'Ordonnance, et on ne feroit pas le procès à son cadavre s'il existoit, ni à sa mémoire s'il n'existoit pas : un tel mort auroit fini toutes ses peines temporelles par la mort même, et son cadavre et sa mémoire seroient à couvert de toutes recherches et poursuites de la Justice des hommes. » (Guy du Rousseau de la Combe, Traité des matières criminelles suivant l'ordonnance du mois d'août 1670 et les Édits, Déclarations du Roi, Arrêts et Réglements intervenus jusqu'à présent, Paris, Théodore Le Gras, 1762)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Musée des horreurs


De l'accablante bêtise qui caractérise l'être, on retrouve la marque en chaque corridor de l'immense dédale du Grand Tout, depuis le noyau massif et muet jusqu'aux orifices innombrables de la périphérie poreuse. Mais de celle-ci, ne s'échappe à vrai dire qu'une particule si ténue et d'une durée si brève qu'elle s'apparente au néant : le « monstre bipède » — le fameux « autrui » du philosophe Levinas.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Littérature


Le « conceptus inféré » de se venger du réel.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Gongyles


18 octobre. — Ce qui distingue le suicidé philosophique de tous les autres hommes, c'est que chez lui, les gongyles des conceptacles, soit qu'on les trouve, ce qui est très rare, sous une forme carrée, ou, ce qui est ordinaire, sous l'apparence d'une petite massue allongée, sortent par l'orifice du conceptacle, qui, à une certaine époque de la vie du désespéré, devient béant. — Nous tenons ces informations de M. Duby, de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

lundi 31 décembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Ou bien... ou bien


Le Rien résume et comble, pour l'homme du nihil, la capacité d'ouverture et de stimulation qu'il a vainement recherché dans les objets de la « réalité empirique ». Son exploration du pachynihil l'a conduit au pied de l'ultime cloison où il puisse atteindre, celle d'une ligne de partage entre l'impassibilité minérale du mâchefer et les émotions éphémères, les choix sans cesse à reconduire ou à reprendre du « monstre bipède ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Adieux au monde


N'articulant le geste ni le vocable, je procède in petto à la crémation rituelle de ma toge de cénobite mondain.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


21 octobre. — « Une collection de sensations qu'il se risque parfois à appeler existence ». — Voilà qui est bien trouvé.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Illumination


« Au début des années cinquante, alors que je contemplais le corps d'un suicidé que l'on venait de retirer de la Seine, il m'apparut que l'idée du Rien était l'aboutissement d'un tâtonnement millénaire, d'une expérience cosmique, d'une puissance de rupture dont la fission de l'atome venait de procurer un terrible exemple. Par elle, le monde avait sans doute commencé. Elle seule existe sur les étoiles encore sans vie. Je décidai aussitôt d'en faire l'alpha et l'oméga de ma pensée. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Réflexion macabre


Dans les griffes griffues du temps, il y a aussi l'artériole froide du suicidé.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


16 octobre. — Gabriel Marcel dit — mais peut-on croire tout ce qu'il dit — que l'existence humaine « s'apparente, en première approximation, à une microdiorite quartzique injectée en laccolites dans la série sédimentaire permienne. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

dimanche 30 décembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Une différence de taille


Un jour qu'il avait été frappé par l'ordonnance des branches bifides du dragonnier des Canaries, Gragerfis écrivit dans son Journal : « Le Rien est un arbre pareil. » Mais dans l'arbre, la plus fine brindille est encore l'aboutissement d'un fût puissant qui, régulièrement, de carrefours en carrefours sans cesse simples et identiques, s'épanouit en dôme de feuilles minuscules. Tandis que dans le Rien... — Après réflexion, il biffa.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Nuit noire de l'âme


« À l'étang de Soustons, il est toujours deux heures de l'après-midi. » (Francis Scott Fitzgerald)

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

La maladie à la mort


22 octobre. — « Les meilleures choses ont une fin, et d'une façon ou d'une autre, il faut que la mélancolie se termine ; si le sujet n'a pas tenté de se suicider et réussi dans son projet, la maladie se termine par une mort plus ou moins lente, ou par la guérison, qui est toujours très éloignée si elle doit être solide. » (Paul-Ferdinand Gachet, Étude sur la mélancolie, Paris, 1864)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Conversation avec Peter Handke


Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi. Sur son pliant, solitaire, un quidam est là qui contemple l'eau et semble ruminer de noirs pensers. Après un instant d'hésitation, Marcel Jutique prend son courage à deux mains et l'aborde.
 

Marcel Jutique : Monsieur, pardonnez-moi de troubler votre méditation. Ne seriez-vous pas l'écrivain Peter Handke ?
 

Peter Handke : Jawohl.
 

Marcel Jutique : Puis-je vous demander ce que vous faites ici, à l'étang de Soustons ? Un pélerinage à la mémoire d'Emil Cioran, peut-être ?
 

Peter Handke : J'ai tout dit.
 

Marcel Jutique : Vous étoudiez ?
 

Peter Handke : Non. J'ai tout dit.
 

Marcel Jutique : Je ne m'en mêle plus.
 

Il prend son chapeau et sort.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Acédie


En désespoir de découvrir un remède autre que le suicide à cette typhose existentielle, je m'installe dans une indifférence douloureusement phrastique, placée sous le vocable du Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


15 octobre. — « L'acarus marginatus, dit M. Raspail, abandonne la peau des pigeons et des oiseaux quand les premiers froids se font sentir, et va s'abriter sous les tas d'ordures et de fumier en fermentation accumulés pendant la belle saison, parce que là il trouve la température qu'il recherche : lorsque la faim le presse, et que son corps est échauffé, il se jette sur le premier oiseau qui fouille ce fumier, ou sur le quadrupède qui le foule aux pieds. L'homme n'en est pas épargné quand il aventure la main ou le pied nu dans ce foyer pullulant de la contagion et du parasitisme ».

— Le « foyer pulullant de la contagion et du parasitisme » ! Comme cela est beau et nous émeut au suprême !


(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)