mardi 14 septembre 2021

Un être néantique

 

La femme, avec son terrible cortège de duplicité, d'absence d'âme et de sottise satisfaite d'elle-même, représente non pas la vie — comme le croient certains esprits simplets américanisés — mais « le néant du monde en proie à sa grimace ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 13 septembre 2021

Agression chosesque

 

On se croit complètement désabusé, on pense s'attendre à tout, être revenu de tout, quand soudain surgit... une théière ! Oh, bon Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 12 septembre 2021

Un imposteur

 

Considérez un homme taraudé incessamment par l'idée du Rien. Pouvez-vous l'imaginer un seul instant se livrer au canotage ? Non. Bien sûr que non. Pourtant, le satiriste roumain Emil Cioran, qui passe pour le champion toutes catégories de la désespérance nihilique, écrit (dans ses Aveux et anathèmes) : « Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi. Je ramais. » Je RAMAIS ! — Conclusion ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 11 septembre 2021

Aux chiottes les phénomènes

 

« Le réel est un salop et je le crèverai » aurait déclaré le « penseur privé » Robert Férillet au phénoménologue Edmond Husserl au cours d'une réception pour les soixante-dix ans de ce dernier. Avant d'ajouter : « Aux chiottes, les phénomènes ! » — D'après Karl Jaspers qui assistait à la scène, le philosophe en resta « comme deux ronds de frite ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 10 septembre 2021

Synthèse

 

Pour qui sait lire entre les lignes, tout ouvrage de littérature peut se résumer en une phrase : « Untel est un salop et je le crèverai. » Shakespeare, Cervantes, Dostoïevski, Flaubert, et avec eux tous les écrivains depuis l'Antiquité, n'ont finalement écrit que cela : « Untel est un salop et je le crèverai. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 9 septembre 2021

Accumulation d'opprobres

 

Comme si l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel ne suffisaient pas à son malheur, l'homme du nihil habite encore dans des « territoires » situés dans la « France périphérique » et est un « perdant de la mondialisation » (comme l'écrivain portugais Fernando Pessoa, for that matter).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 8 septembre 2021

Argument d'autorité

 

Vauvenargues — qui était, comme on le sait, un « homme au jugement ferme, lucide et pondéré, non dénué de finesse » — dit que les bonnes femmes sont complètement siphonnées. Alors ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 7 septembre 2021

Vainement oint


« Croyant ma dernière heure venue, j'ai fait venir un prêtre et il m'a oint. Mais c'était une fausse alerte, hélas ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 6 septembre 2021

Entrepreneuriat et homicide de soi-même

 

Guillaume le Taciturne avait raison : il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre. Cela est particulièrement vrai de l'entreprise consistant à ingérer du taupicide. Dans ce genre d'affaire, il serait même plutôt recommandé d'être désespéré.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 5 septembre 2021

Réminiscences littéraires

 

Confronté à la vilenie, à la bassesse, à la méchanceté pharamineuse d'une bourrelle qui l'a trahi après l'avoir tourmenté jusqu'à le faire tourner en bourrique, l'homme du nihil ne peut que s'exclamer, comme le rêveur de la fiction de Jean-Paul (la Nuit du nouvel an) : « Vieille bique ! Va te faire voir chez Plumeau ! » Et encore (un ajout de son cru) : « Carogne ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 4 septembre 2021

Couru d'avance

 

« En début de soirée, j'ai le choix entre 1) regarder le journal télévisé ; 2) lire un livre ; 3) contempler, devant la maison, l'étang tout brillant de la lumière flavescente du pachynihil et, environné d'arbres aux mille verts des jeunes feuilles de printemps, caresser pour la millionième fois la pensée de me détruire. — Je choisis la troisième solution. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 3 septembre 2021

Persécuté

 

Quand on lui demande pourquoi il pense que le réel lui en veut personnellement, l'homme du nihil mentionne ordinairement « les emballages à ouverture dite facile ». Mais il dispose de pléthore d'autres preuves !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 2 septembre 2021

Âcres ressouvenirs

 

Quand il pense aux multiples fois où il a été ridicule, l'homme du nihil aurait envie de rassembler tous les témoins de ses déconfitures et de les jeter dans le Bosphore, enfermés dans un sac de cuir plein de vipères, comme on faisait jadis aux parricides. Mais en formant ce projet, il est encore ridicule !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 1 septembre 2021

Rhétorique

 

Pas plus que la métonymie, la vie n'est à proprement parler une « figure ». Il s'agit plutôt d'un ensemble de problèmes hétérogènes — Bukowski dirait : « une suite d'emmerdes ». On a subordonné à la métonymie des tropes antithétiques comme la synecdoque et l'hypallage. Mais quant à la vie, impossible d'en extraire le moindre trope : c'est un phénomène trop absurde pour qu'on puisse en tirer autre chose qu'un sentiment d'intense dégoût. 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 31 août 2021

Sisyphe et le taupicide

 

Pour imaginer Sisyphe heureux (au sens schopenhaurien du terme), il faut d'abord se le représenter commettant l'homicide de soi-même par ingestion de taupicide. Adieu rocher ! Adieu gravelle et rhumatismes ! Adieu Bourboule aimée, dont la tête hardie défie les hauteurs des cieux ! Adieu philosophie marcellienne !
 
(Fernand Delaunay, Glomérules) 

lundi 30 août 2021

Aller bien

 

Quand, par pure politesse, l'homme du nihil les interroge sur leur état, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent les gens répondent qu'ils vont bien, merci. Mais comment font-ils pour aller bien ? Voilà ce qu'il faudrait savoir ! Ou bien... mentiraient-ils ?... Sûrement ils mentent, les salops ! — Mais pourquoi ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 29 août 2021

Anywhere out of this world

 

« Mon royaume, mon royaume 1 pour un cheval-vélo ! »

1. Ce que l'homme du nihil nomme son « royaume » n'est rien autre chose que... le Rien (le pachynihil). Mais oui ! (NdE)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 28 août 2021

Sans domicile

 

L'homme du nihil ne veut plus dormir chez des gonzesses, tant il est dégoûté de leur pieu. Il y passe trop de paires de fesses et l'homme du nihil est délicat, nom de Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 27 août 2021

Aux hommes du futur

 

Frères humains qui après nous vivez, préparez-vous à en baver des ronds de chapeau. À votre tour de contempler le « rictus bestial de l'existence », bande de salops ! C'est bien fait pour votre gueule, vous n'aviez qu'à ne pas naître ! Affreux ! Pédiluves ! Quant à nous, notre chair est piéça dévorée et pourrie, nous sommes comme qui dirait « décédés », tout va donc pour le mieux. Over and out.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 26 août 2021

Rire amer

 

Le « rire amer » dont parle Boileau, ce rire qui, si le monde était bien fait — et si le monstre bipède n'était pas ce qu'il est —, devrait secouer tout spectateur de l'humaine comédie, où se fait-il entendre avec la plus grande pureté si ce n'est dans l'in petto de l'homme du nihil ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 25 août 2021

Messe impossible

 

Non, cher Monsieur Mitrand : une messe n'est pas possible. Car comme l'a bien noté Johannes Zimmerschmühl 1, « du possible, ici-bas, il n'y en a pas plus que de beurre au prose ».

1. Dans ses Pensées rancies et cramoisies.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 24 août 2021

Intentionnalité anticipatrice

 

Conscient des dangers de l'intentionnalité anticipatrice husserlienne, l'homme du nihil se garde de concevoir aucun projet grandiose. Celui d'aller faire les courses est déjà assez formidable pour lui, et il s'en passerait avec joie, mais, comme l'a dit René Char 1, « il faut bien becqueter »...

1. Dans un entretien avec Aimé Césaire.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 23 août 2021

Auto-radicalisation

 

Quoi de plus radical que la pensée que rien n'est ? Mais ici, attention : ce n'est pas dans une mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud que l'homme du nihil s'est radicalisé — il ne croit pas à ces deux abstractions (mosquée, rue Jean-Pierre Timbaud), chères au démagogue. Il l'a fait simplement en constatant que la prétendue « réalité empirique » n'est qu'une masse duveteuse, inconsistante, un agrégat d'atomes qui se dispersent comme une fumée dès qu'on prononce devant eux le vocable reginglette.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 22 août 2021

La douleur d'exister

 

Dans une lettre à Sopatros d'Apamée, Jamblique dit que vivre lui fait « mal quelque part ». Il précise sa pensée un peu plus loin en indiquant que l'existence lui fait le même effet qu'un « dur coup de poing de Blek le Roc ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 20 août 2021

Comme l'oiseau

 

Méprisé, abandonné de tous, l'homme du nihil peut clamer, après Michel Fugain : « Je suis seul dans l'univers ! » Lui aussi a peur du ciel, de l'hiver, du temps qui passe, et cetera. Mais quant à « faire comme l'oiseau », il s'en sent totalement incapable.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 19 août 2021

Persévérer dans l'être

 

L'instinct de conservation existe, sous un mode quelconque, chez les moindres animaux. Cet instinct comprend tout ce qui intéresse immédiatement la sauvegarde matérielle de l'individu et se manifeste sous un grand nombre de formes. On constate par exemple, chez l'homme du nihil, une répugnance quasi invincible à « sauter le pas » en ingérant du taupicide. Et pourtant... ce n'est pas l'envie qui lui en manque ! — Cré bon diousse d'instinct de conservation ! Du balai ! Aux doubles-vécés !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 18 août 2021

Bilan

Quand l'homme du nihil fait le bilan de sa fastidieuse épopée dans le « désert de Gobi de l'existence », l'expression qui lui vient à l'esprit est « une vie pour rien ». Il a beau refaire l'addition, le total est toujours égal à zéro. Mais pourquoi te frapper, homme du nihil ? Tu sais bien, et depuis longtemps, que toute vie est « pour rien », non ? — Si, si... je le sais, mais... c'est tout de même un peu fort de café ! 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 17 août 2021

Empaillé !

 

À le voir marcher, parler, se gratter le nez, et cetera, on jurerait que l'homme du nihil est un être vivant, mais non : il est mort depuis belle lurette. Selon Gragerfis, s'il a l'air si vivant, c'est sans doute qu'il a été « naturalisé par Chuck Testa ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 16 août 2021

La grande question

 

Comment, après Kierkegaard, après Fernando Pessoa, après le « philosophe de l'absurde » Albert Camus, se trouve-t-il encore des gens pour se lever le matin ? Comment le « monstre bipède » n'est-il pas paralysé par la sensation de vivre isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort ? C'est, pour l'homme du nihil, la grande question (avec celle du taupicide qui lui est apparentée).

(Fernand Delaunay, Glomérules)