mercredi 11 mai 2022

Aïeux embarrassants

 

Aussi incroyable que cela puisse paraître, et quelque effort qu'il ait fait pour le dissimuler, l'écrivain pragois Franz Kafka avait dans sa lignée d'ancêtres des hommes préhistoriques !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Infâmes romanciers

 

Le réel fait le désespoir de l'homme du nihil par son caractère de tumeur repullulante. Mais il faut croire qu'il ne repullule pas encore assez au goût de certains scélérats qui trouvent le moyen d'écrire des romans.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Take that

 

N'ayant pas d'histoire, les gens heureux n'ont rien à dire, et nous n'avons rien à leur dire non plus — si ce n'est ce simple mot : salops !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 10 mai 2022

Préparation au non-être

 

L'homme du nihil dit que ce n'est pas la peine de se fatiguer à lire Platon ; que pour se préparer à mourir, le mieux est de penser à un point mathématique. Pas forcément tout le temps, mais de temps en temps.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Étapes sur le chemin de la minéralité

 

Jeune, l'homme du nihil était « l'homme qui a peur de tout ». Aujourd'hui, il est « l'homme que tout insupporte » (ce qui ne l'empêche pas d'avoir toujours peur). Bientôt, il sera « l'homme que tout indiffère ». Mais pour atteindre cet état suprêmement désirable, il faut d'abord « décéder » — et c'est plus vite dit que fait !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Humain, trop humain

 

Il y a des écrivains qu'on aime et qu'on admire, mais on les aimerait et on les admirerait plus encore s'ils n'avaient pas démontré, en écrivant, qu'ils étaient possédés par la sotte ambition d'« être quelqu'un ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Fastidieuse haeccéité

 

Quelle patience il faut pour supporter pendant tant d'années d'être une « chose particulière »... Une « chose particulière » toujours semblable à elle-même, à quelques détails près, seulement de plus en plus décrépite... Comment se fait-il que si peu de gens semblent fatigués d'être ce qu'ils sont ? Il n'est quand même pas possible qu'ils aiment ça ? — Oh, bon Dieu ! Ils aiment ça, les salops !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 9 mai 2022

Autrice, triste était mon âme !

 

Ce que l'homme du nihil reproche aux écrivants contemporains — auteurs et autrices confondus —, ce n'est pas l'immondice de leurs idées (iels n'en ont pas), c'est le lourd badigeon de leur gros style. En comparaison, même l'inapte Zola fait figure d'orfèvre.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Nulle part

 

Le seul endroit qui corresponde exactement à la définition de la Pologne que donne Alfred Jarry, c'est... la mort. Mais oui !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Que faire ?

 

On aimerait savoir comment il faut vivre pour être le moins « malheuleux » possible. — Mais personne ne vous dit rien !
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 8 mai 2022

Protiste tératogène

 

L'abbé Protiste du Voyage au bout de la nuit a quelque chose de tératogène, de sordide et de boueusement mortel (comme les véreuses pensées qui brisent aujourd'hui nos résistances et broient l'effort des justes et des sages).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Contre-révolution

 

Dans sa Critique de la Raison dialectique, le pénible Jean-Paul Sartre accuse le sous-sol de Budapest d'être contre-révolutionnaire parce qu'il ne se prête pas à la construction du métro souhaité par le dirigeant communiste Mátyás Rákosi. Pour l'homme du nihil, c'est la « réalité empirique » tout entière qui est contre-révolutionnaire — ou encore pis : « caguante ». Elle ne le laisse rien faire, ni métro ni foutre ni branle. Elle le brime à chaque instant !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Suferinta inutila

 

Peut-on souffrir autrement qu'en vain et mal à propos ? Notons au passage qu'il n'est nul besoin d'être roumain pour cela (pour douiller inutilement et mal à propos) — même si c'est certainement un « plus ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Taxonomie

 

Les hommes se partagent en deux catégories : ceux qui, leur vie durant, anxieusement, fébrilement, cherchent le sens du vocable reginglette, et ceux qui s'en fichent comme de leur première chemise (et qui souvent n'ont même jamais entendu parler de ce mot).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Coup de massue

 

« Il n'y a pas à tortiller, j'ai véritablement un Moi. Je l'ai aperçu dans une glace à la Samaritaine. Après cela, on n'a plus qu'à se jeter dans un égout. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 7 mai 2022

Règle de sagesse

 

Tous les grands sages, de Siddhartha Gautama à André Comte-Sponville en passant par Pyrrhon et Schopenhauer, ont souligné l'importance de ne compter que sur soi-même et de se contenter de ce qu'on a, même si « ça ne casse pas des briques ». On peut synthétiser leurs réflexions dans la règle suivante : « Ne cherche pas dans les autres ce que tu ne trouves pas en toi-même — fût-ce une “mijole” ou des “biberons Robert”. Il t'en cuirait — et pas qu'un peu, même. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Plus court chemin

 

Puisque — censément — la vie est espoir et la mort est oubli, on peut dire sans exagérer que le taupicide est le plus court chemin pour passer de l'espoir à l'oubli.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 6 mai 2022

Ensorcellement

 

Comme le Mômo, l'homme du nihil a la sensation d'avoir été envoûté. Sinon, comment expliquer que la « réalité empirique » lui donne une telle impression de cauchemar ? Aurait-il été marabouté par quelque Professeur Boubacar ou Diakité ? Et si oui, pourquoi ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Esprit frère

 

Le compositeur allemand Jean-Sébastien Bach peut être considéré comme un précurseur de l'homme du nihil. Primo, il a composé une cantate intitulée Ich habe genug — titre que l'on pourrait traduire par : « J'en ai assez et plus qu'assez du fétide et rébarbatif réel » ; deuzio, cette cantate se termine par l'aria Ich freue mich auf meinen Tod, ce qui, traduit de l'allemand, donne : « D'avance, je me réjouis de ma mort par ingestion de taupicide ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un don fâcheux

 

L'homme du nihil a un flair de pointer pour déceler le bluff en toute chose. C'est pour cela — entre autres — que les personnes du sexe ne le supportent pas. Le bluff est pour elles comme l'eau pour le « poiscaille » : un élément vital et gare à celui qui ose le dénoncer.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 5 mai 2022

Privilège du désespoir

 

L'homme du nihil estime être assez « malheuleux » pour avoir le droit de traiter tout un chacun de « salop » et de « conifère ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lèse-majesté

 

L'homme du nihil trouve que l'aphoriste roumain Émile Cioran écrit un peu comme quelqu'un qui aurait un révérence parler manche à balai dans le révérence parler trou de balle.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Miroir de l'éternité

 

En ce monde, il n'y a pas plus d'amour que de beurre au prose. Alors arrêtez vos conneries, bon Dieu ! « Tes dents sont comme des perles et tes yeux sont le miroir de l'éternité. » Je t'en foutrai du miroir de l'éternité, moi. Pauvre con ! 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Effluve

 

« Ce monde est une grosse tourte de m... », est-il dit dans le Ginza, texte gnostique d'une secte mandéenne de Mésopotamie. — S'en souvenir toutes les fois qu'on se demande s'il n'y aurait pas « comme une odeur ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 4 mai 2022

Réflexion d'un homme ridicule

 

Si la « réalité empirique » était une vieille rombière, usurière de surcroît, l'homme du nihil aurait à son égard des tentations à la Raskolnikov. À vrai dire, il en a, mais il est trop lâche pour les mettre à exécution (et il faudrait se procurer une hache, etc).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 3 mai 2022

Déréliction

 

« Je n'y suis pour personne », disent, dans les films, les hommes d'affaires à leur secrétaire. — « Moi non plus », soupire l'homme du nihil, prenant soudain conscience de l'exorbitante solitude où l'a entraîné sa misanthropie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Pandémonium

 

Le Moi, l'haeccéité, l'autrui du philosophe Levinas : « monstres dont à regret je cite ici le nom » 1.

1. Racine, Bérénice, acte II, scène 2.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Être ou ne pas être

 

Vivre est une humiliation ininterrompue — à cause de la malédiction d'être « comme ci et comme ça » et d'en avoir conscience à chaque instant. Être « décédé » n'est sans doute pas jojo non plus, mais cela semble a priori moins humiliant (à vérifier).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vie impossible

 

À ceux qui ont le sentiment — hautement « malaisant » — qu'ils vont clamecer sans même avoir vécu, Gragerfis recommande de lire du Fernando Pessoa ou du Luc Pulflop « histoire de se sentir moins seuls ». Il dit aussi qu'il ne faut pas se tracasser, car quoi qu'on ait fait de sa vie, on meurt toujours sans avoir vécu.

(Fernand Delaunay, Glomérules)