jeudi 24 novembre 2022

N'attendons pas Godot

 

Vladimir et Estragon sont des minables, mais leur intelligence limitée leur a tout de même permis de « piger la coupure » : dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort, la seule chose à faire est de se pendre. Quant à Godot, il peut bien aller se faire foutre, le salop.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

États d'âme

 

Comme ce serait bien, si le moral de l'homme n'était conditionné que par sa santé physique ! Mais tout l'affecte, les phases de la lune, le sec, l'humide, et jusqu'aux sordides manigances d'une mégère difforme au faciès d'hippopotame...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Infernale connaissance

 

À l'instar de saint François, le nihilique considère que la connaissance est l'œuvre du diable. Pour sa part, il préférerait ne rien connaître (sauf peut-être l'almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n'y en a point).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Col du fémur

 

Oh, ces gens qui veulent « se réaliser » !... Qui rêvent de « s'épanouir » !... Que ne se cassent-ils le col du fémur !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 23 novembre 2022

Aux chiottes les dons

 

Seul est respectable celui qui ne fait aucun usage de ses dons. Il ne se met pas en avant. Il a le sens du ridicule. Mais le mieux est encore de n'avoir aucun don. Les « dons » ! Je t'en foutrai des dons, moi, tuouaouar !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Présence du vide

 

Le pachynihil est surtout effrayant dans les rues, dans les endroits illuminés. Mais il se fait sentir dans les âmes aussi — et comment !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vérité de l'être

 

Il y a quelque chose de moral dans la vieillesse. Elle rappelle l'homme à sa véritable condition — qui est celle d'un perdant de la mondanisation (au sens du philosophe Karl Löwith).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Puisque tout pue...

 

Aimer quelque chose ou quelqu'un, c'est presque toujours faire preuve de mauvais goût.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 22 novembre 2022

Démon des vibrations

 

Au commencement était le Verbe, nous dit l'Évangile de Jean. Le Verbe c'est-à-dire... la vibration. Dieu peut donc être vu comme... le démon des vibrations ! Tout s'emboîte !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

À lurelure

 

Celui qui n'a pas de sol sous ses pieds parce qu'il pense — à tort ou à raison — que « rien n'est », celui-là est condamné à vivre et à mourir sans plan préétabli, comme ça vient — « à lurelure ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Alternative à la vie

 

À l'usage, la vie se révèle souvent décevante. Elle inclut des phénomènes tels que la maladie, la vieillesse et la mort, qui sont autant d'événements « souciants ». Du fait de la temporalité du temps, rien n'est stable, tout se délite, tout se désagrège, et ce délitement, cette désagrégation, font naître chez le sujet pensant un sentiment de mélancolie et même de l'horreur. C'est pour ça qu'il y en a qui préfèrent manger de la crème de marron. Ça colle au pain, c'est sans mystère, c'est certes plus commun (que la vie) mais ça tient bon.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Raseurs

 

Un homme qui s'obstine dans le Rien est presque aussi fatigant que celui qui s'obstine dans le quelque chose.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 21 novembre 2022

Aux chiottes James Joyce

 

À défaut de pouvoir être James Joyce, on dit qu'on aime James Joyce et le tour est joué, on est un « connoisseur », on est auréolé de la grandeur supposée de James Joyce. Mais aux chiottes, tout ça. James Joyce nous fait suer, il est suprêmement pénible en plus d'être borgne, nous ne prétendrons pas que nous l'aimons et comme dirait le Mômo : « Pensez de moi ce que vous voudrez ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Wou-Wei

 

Tous les chantres du non-agir (exempli gratia, Jean Grenier) ont été de fieffés hypocrites. Ils se livraient tous à des activités « en loucedé ». S'ils avaient été fidèles à leur doctrine, leurs noms ne nous seraient jamais parvenus. Scélérats ! Pots de pisse !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Impudence bipédique

 

Sauf peut-être en ce qui concerne le nombre de pattes, l'homme ne diffère en rien d'une fourmi. Eh bien. Imagine-t-on une fourmi, fût-elle de dix-huit mètres et portât-elle un chapeau sur la tête, exalter son Moi en écrivant des poëmes ? Non. Alors ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Maudire soulage

 

S'il n'y a pas de Dieu, alors tous les grands imprécateurs, les Lautréamont, les Artaud, ont perdu leur temps, pis encore, ils se sont ridiculisés. Mais ce n'est pas bien grave puisque vivre signifie de toute façon se ridiculiser. Et puis il y a des gens — ceux que « l'être » a poussés à bout — chez qui le besoin de maudire est incoercible. De fait, le psychologue américain John Tussord l'a montré, maudire soulage.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 20 novembre 2022

Attention au lumbago

 

L'art est une diversion puérile, risiblement inapte à faire oublier l'odiosité de l'existence. Alors que faire ? Comment se distraire du cauchemar d'avoir un Moi ? Finalement, c'est sans doute le gars Voltaire qui avait raison : il faut cultiver son jardin. Mais attention : « ça fait mal aux rintintins » car « la terre est basse ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La lune en plein soleil

 

Commettre l'homicide de soi-même, cela revient à montrer son « boule » au Grand Tout et à lui dire : « Je t'emmerde, pauvre con. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aux chiottes la poésie

 

Lire ou écrire de la poésie n'a jamais sauvé personne du désespoir. Les poëmes ne servent qu'à faire chier tout le monde (comme les romans, les sonates et les tableaux de peinture). Je t'en foutrai des poëmes, moi, tuouaouar !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aimez-moi

 

Selon son propre aveu, le poëte hongrois Attila József n'avait pas un seul ami (cf. son poëme Ni père ni mère). Fort marri de cette situation, il se suicida en se jetant sous un train à l'âge de trente-deux ans. Maintenant bien sûr, tout le monde l'aime, mais c'est trop tard. Oui : trop tard.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 19 novembre 2022

Vivre, c'est trop la honte

 

La « mère Nature » nous oblige à faire des choses indignes d'un être pensant : ingurgiter des « nutriments », expulser les résidus de ces « nutriments » sous la forme de cigares japonais ou de tourtes, faire la « bête à deux dos » avec des personnes du sexe, et cetera, et cetera. Pour se sentir moins minable, l'homme a imaginé de donner à ces choses une tournure « élevée » — « gastronomie » pour l'ingurgitation, « amour » pour la bête à deux dos — ou de les faire « en loucedé » (expulsion des résidus). Mais NOUS NE SOMMES PAS DUPES !!! Tout ça est RIDICULE et HUMILIANT !!! VENGEANCE !!!

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Histoire drôle

 

C'est Jésus qui dit à Simon dit Pierre : « Hé, mec ! T'as une banane dans l'oreille. » Et Simon dit Pierre répond : « Quoi ? » Alors Jésus répète : « Mec, t'as une banane dans l'oreille. » Et Simon dit Pierre dit à Jésus : « Parle plus fort, j'ai une banane dans l'oreille. » — Voilà. C'est tout — plus ou moins.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une lugubre cantilène

 

Sombre Dimanche (Szomorú Vasárnap) est un morceau de jazz écrit en 1933 par le compositeur hongrois Rezső Seress. D'une tristesse et d'une mélancolie à tout casser, il fut interdit dans la plupart des établissements de Budapest qui craignaient qu'il ne poussât leurs clients à se pendre.
En janvier 1968, Rezső Seress lui-même tenta de se suicider en se jetant par la fenêtre de son appartement. Il survécut mais n'avait pas dit son dernier mot. À l’hôpital où il avait été conduit, il parvint à se donner la mort en s’étranglant à l’aide d’un câble.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Comme même

 

Certains, tout en reconnaissant que la vie est pleine de désagréments, affirment qu'elle vaut « comme même » d'être vécue. Mais ils se trompent, et doublement. Primo, elle ne vaut pas d'être vécue. Deuzio, ce n'est pas « comme même » mais « quand même ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 18 novembre 2022

Barbara et le Dasein

 

Rappelle-toi, Barbara : parmi tous les étants, un seul, l'homme, a la possibilité de s'interroger sur l'être. C'est cette interrogation (ou sa possibilité) qui constitue l'être même de cet étant. Verstanden ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon, d'après Jacques Prévert)

Dans le métro

 

« Quand le haut-parleur tonitrua “Bonne nouvelle”, je crus que l'humanité avait été anéantie, mais ce n'était que l'annonce de la prochaine station. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Les feuilles mortes

 

Oh, mon âme ! Je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous n'existions pas.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon, d'après Jacques Prévert)

Tout sec

 

Sur l'austère tombe du Grandiloque, nul aphorisme ne pousse. C'est tout sec !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 17 novembre 2022

Plotinisme accidentel

 

« Comme je traversais la rue Racine, en proie à de noirs pensers (la tombe de Celan), je marchai dans l'Un plotinien, heureusement du pied gauche. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)