samedi 24 décembre 2022

Texas Hold'em

 

Nihilique ! Dans cette partie de poker menteur qu'est la vie, you might as well fold, because you don't stand a Chinaman's chance

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Nevermore

 

Quoique ennuyeuse et pénible, la vie serait encore supportable si tout pouvait se réparer. Mais va te faire fiche : les cheveux ne repoussent pas, non plus que ne ressuscitent les êtres tendrement aimés (perroquet, gerbille de Mongolie) qu'un sort funeste a enlevés trop tôt à notre affection. Et ce n'est pas tout : le temps, ce salop, a ceci de désespérant qu'il est irréversible. — Si tout ça ne ressemble pas à l'invention d'un sadiste...

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Nuage

 

Hamlet : Do you see yonder cloud that’s almost in shape of a camel ?
Polonius : By the mass, and ‘tis like a camel, indeed.
Hamlet : Methinks it is like a weasel.
Polonius : It is backed like a weasel.
Hamlet : Or like a whale ?
Polonius : Very like a whale.
Hamlet : Or like... [he switches to French] une tête de chien couché ?
Polonius : Ça alors ! Mais oui ! C'est tout à fait une tête de chien couché ! Que je sois damné !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dulcinée

 

La mort, c'est Dulcinée du Toboso : une maritorne hirsute que seul un esprit dérangé — un esprit « nihilique » — peut se représenter belle et distinguée.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 23 décembre 2022

Poésie protéiforme

 

Certains poëmes d'Omar Khayyam ressemblent à des tulipes rouges jaillies de la terre d'un cimetière, quand d'autres ont l'apparence d'une tête de chien couché.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un si sanglant ulcère

 

Dans certaine pièce de Tchekhov, le jeune dramaturge Constantin Treplev se tue à cause d'une bourrelle qui en est arrivée on ne sait comment à se prendre pour une mouette. Non, il n'y a pas à dire, la vie, c'est vraiment quelque chose.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Hasard et nécessité

 

« Si tu n'avais pas oublié tes clefs ce jour-là, jamais tu n'aurais rencontré cette bourrelle qui devait, quinze ans plus tard, réduire ta vie en charpie. — Oui, cela est vrai. Mais Boèce dit qu'il n'y a point de hasard, qu'il ne peut rien arriver fortuitement. Quant à Aristote, il définit le hasard une conjonction de causes qui produisent non-intentionnellement un effet qui a lieu rarement ou non régulièrement. Alors... Il faut croire que j'étais destiné à morfler, mon cher vieux. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Thaumaturgie

 

Honneur ! Honneur à Sophrone de Jérusalem qui, touché par une maladie des yeux, fut guéri par l'intercession des saints anargyres Cyr et Jean (fêtés le 31 janvier) !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 22 décembre 2022

Comme les petits pois

 

Mi-cuit dans sa cochléaire carapace, abandonné de Dieu et des hommes, le nihilique pense à ce mot si véridique du poëte Achille Chavée : la solitude est un plat qui se mange seul. « Comme les petits pois », songe-t-il.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Horreur toponymique

 

Viry-Châtillon. Châtenay-Malabry. Chilly-Mazarin. Le Perreux. Ça suffit ! Assez de noms de ville grotesques ! Le « Perreux » ! Je t'en foutrai du « perreux », moi, tuouaouar !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Choix

 

Dans le roman de Faulkner Si je t'oublie Jérusalem, le personnage principal, Harry, dit qu'entre le chagrin et le néant, il choisit le chagrin. Mais qui lui a permis de choisir ? Dans la vraie vie, on n'a pas le choix : il faut tout bouffer.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Mots

 

Faulkner a raison : le mot amour n'est qu'une simple forme pour combler un vide. Mais c'est aussi le cas du mot hystricognathe, sans lequel, dans la taxonomie de Linné, il y aurait un trou béant à l'endroit où devraient se trouver les hutias, les cobayes, les maras, les viscaches, les chinchillas, les agoutis, les porcs-épics, les octodons, un certain nombre de rats, etc. Alors attention, hein !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 21 décembre 2022

Vivre qu'ils disent

 

La vie est quelque chose de tellement bête, de tellement absurde et de tellement répugnant qu'il faut puiser dans ses dernières réserves d'ironie pour ne serait-ce que sortir de son lit (et ne parlons pas d'une tête de chien couché).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Pensée comme ça

 

On croise un quidam dans la rue et l'on se demande : « Est-il possible que ce quidam présente de l'intérêt pour quelqu'un ? Et même — disons le mot soit aimé par quelqu'un ? » Et l'on se répond : « Oui, c'est possible. Tant les gens sont bizarres. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dystopie

 

C'est triste à dire, et surtout à imaginer, mais si Anton Tchekhov, au lieu de naître à Taganrog (Russie), était né à Bezons (Val-d'Oise) ou à Chilly-Mazarin (Essonne), il n'aurait sans doute jamais écrit ce chef-d'œuvre immortel qu'est La Dame au petit chien.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Associations fantasques

 

L'esprit humain est ainsi fait. On peut susurrer des mots doux, malaxer des « biberons Robert », et en même temps, penser à la terrible description que fait Thomas Wolfe d'un mort dans le métro de New York.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 20 décembre 2022

Hôtes indésirables

 

On aimerait que son cerveau ne soit peuplé que d'êtres de qualité (Socrate, Shakespeare, peut-être le philosophe André Comte-Sponville), mais au lieu de ça, le premier venu s'y infiltre et y prend ses aises. Ô frères Grafouillères ! Et toi, Léon Dessertine, mandataire en viandes et ancien de l'Assistance ! Que faites-vous dans mon intérieur frit ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dangers du contrepoint

 

On court un grand risque, quand on se proclame le contrapuntiste du convulsif et du suave : le risque de passer pour un bredin. Prenez le peintre Van Gogh. Prenez le poëte Antonin Artaud dit le Mômo. Mais il y en a d'autres. — Il y en a bien d'autres...

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Brûlure existentielle

 

Plus longtemps on reste assis sur un poêle chauffé à blanc, plus on a mal au fondement de l'historialité du Dasein. Ceci, à propos des rapports du temps et de la douleur.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Rhizome

 

La femme est semblable à un rhizome qui végète sous terre, se dessèche presque, mais porte bon an mal an ses pousses vertes et ses fleurs (sauf que dans son cas ce ne sont ni des pousses vertes ni des fleurs mais bien plutôt d'infâmes vilenies).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 19 décembre 2022

Couchon

 

Depuis l'époque de l'ineffable homme des cavernes, les philosophes, les scientifiques, les écrivains, les « artistes », se sont efforcés de comprendre ce que c'est que l'être. Mais tout ce qu'ils ont réussi à faire, c'est embrouiller la question au point qu'un couchon n'y retrouverait pas ses petits.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Existence de la solitude

 

« Ça n'existe pas ? La solitude ? Comment ça, ça n'existe pas ? Pauvre con ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Intermède publicitaire

 

Si l'être vous fait suer, essayez le néant. C'est une solution JEUNE.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Récalcitrance de Crevel

 

« Malgré les exhortations de ses amis — au nombre desquels le peintre Salvador Dali —, Crevel n'était pas pressé de renaître. Le réel lui en avait trop fait voir. Il ne pouvait plus souffrir tout ce sacré bizeness (l'existence et tout ce qui s'ensuit). » (Ludovic Bourdin, Vie et mort de René Crevel, José Corti, Paris, 1965)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 18 décembre 2022

Psaume 91

 

L'abri du Très-Haut est sans doute apaisant, mais le mieux, pour ne pas craindre les terreurs de la nuit, la flèche qui vole au grand jour, la peste qui rôde dans le noir et le fléau qui frappe à midi, c'est encore d'être « décédé ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Plus de boudin

 

Pendant des années, on s'invente des raisons de vivre, des prétextes pour « perpétrer de coupables exsufflations ». Mais vient un moment où les raisons de vivre, c'est comme le boudin pour les Belges : il n'y en a plus.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Artichaut humain

 

Vous rencontrez quelqu'un, et comme de juste, vous avez l'impression d'avoir devant les yeux un artichaut. Alors vous enlevez les feuilles l'une après l'autre pour voir ce qui se cache derrière mais vous arrivez bientôt à la dernière feuille et vous tombez sur... le Rien ! Le néant ! Ça alors !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Que faire ?

 

Faut-il, comme paraît le suggérer Guégan (dans son livre Le Cuisinier français, Paris, 1934), couper en morceaux la langouste vivante et la faire revenir à rouge vif dans un poêlon de terre avec un quart de beurre très frais ? Ou faut-il plus simplement... se pendre ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 17 décembre 2022

Contre Proust

 

Les fastidieux développements proustiens sur le « temps perdu » et le « temps retrouvé » ont tout des divagations d'un maniaque. Cette madeleine ! Ce dallage inégal ! Qui peut croire à de telles billevesées ? Et puis, toute cette histoire traîne en longueur. L'intrigue aurait gagné à être resserrée. Deux mille quatre cents pages ! Sommes-nous des bêtes pour être traités ainsi ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Allons !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)