jeudi 29 décembre 2022

Romsteak de l'absurde

 

Les auteurs du « théâtre de l'absurde » ont fait fausse route. Leur absurde est trop fabriqué et puéril. Le « réel » offre pourtant assez de possibilités en ce domaine, c'est le moins qu'on puisse dire. Ces Ionesco, ces Beckett, ces Adamov ont-ils jamais contemplé un carré de romsteak ? Dans leur assiette ? Au restaurant ? Je t'en foutrai des cantatrices chauves et des Godot, moi, tuouaouar !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 28 décembre 2022

Mots risqués

 

Il est prudent de ne pas trop répéter le vocable diplodocus. Après quelques proférations, on se sent glisser sur la pente qui mène à l'aliénation mentale. Il y a des mots comme ça, des mots un peu risqués. Aussi : anthropos (voir Tchekhov).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Boulisme impossible

 

Il vaudrait mieux ne pas connaître le monstre bipède. Car quand on le connaît, on est dégoûté à jamais de toute participation à une vie collective. On ne peut même plus jouer aux boules (sauf dérogation).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Attention au calembour

 

L'écrivain Franz Kafka menait une existence extrêmement routinière. En plus de ça, il n'était pas le gars causant. Que dire de la vie d'un pareil quidam ? Pas grand chose, et l'on sent bien qu'à plusieurs endroits de la biographie qu'il lui a consacrée, son ami Max Brod.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Anyone there ?

 

Croire à l'existence des autres est un pari audacieux. Le nihilique n'y risquerait pas son dernier billet de mille. Pourtant... Cette bourrelle... Ce garagiste de La Bourboule... Le mal n'est tout de même pas une illusion ! — Ou bien ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 27 décembre 2022

Arnaque aux bouchons

 

Le seul et unique fabricant de bouchons de bouteilles de vin, c'est Dieu (s'il existe). Tous les autres sont des imposteurs.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Assez de salamalecs !

 

Le poëte Lessing dit vrai : il nous reste à singer, en mourant, le petit babouin. En « dévissant son billard », le petit babouin nous a montré la voie. Alors assez de salamalecs ! Ou comme dirait l'autre : « Assez de mots. Un acte ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Mouettes

 

Les femmes sont d'un susceptible... On ne peut même pas leur dire qu'elles sont Nina, qu'Untel est Trigorine et que tel autre est Treplev, elles sont piquées au vif et ne pipent plus un mot.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Question indécidable

 

Le logicien Kurt Gödel possédait dans son jardin, à Princeton, un flamant rose en ciment « d'un kitsch achevé » (Gragerfis) dont il était très fier. Il pensait en outre que son réfrigérateur produisait des émanations toxiques, appréciait beaucoup le dessin animé Blanche-Neige, et craignait constamment d'être empoisonné. Tout cela fait-il de lui un nihilique ? La question est indécidable.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 26 décembre 2022

Pensée calvitiée

 

L'insouciance réclame beaucoup de cheveux. Et c'est la même chose, semble-t-il, dans le domaine de l'esprit. L'alopécie mène à la métaphysique comme à la mélancolie.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Combat contre le Biscayen et la mégère difforme

 

« Regarde, ami Sancho ; voilà devant nous une mégère difforme au faciès d'hippopotame et un garagiste de La Bourboule, auxquels je pense livrer bataille et ôter la vie avant qu'ils n'aient eu le temps de dire ouf. Car c'est grandement servir Dieu que de faire disparaître si mauvaise engeance de la face de la terre. Tu vas voir comme ils vont jeter le sang par le nez, par la bouche et par les oreilles. Ils ne connaissent pas Raoul, les salops ! Allez, hue, Rossinante ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Incipit sans suite

 

« Dans un village de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom1, des habitants sont vent debout contre un projet de poulailler. Ils dénoncent le risque d'une moins-value immobilière et s'inquiètent de possibles nuisances olfactives. Le porteur du projet et les élus tentent de les rassurer. »

1. Il s'agit de Domjean, au sud de Saint-Lô. (NdE)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Réponse d'Allemand

 

Quand Bildad demande à Job comment il va yau de poêle, le « torturé » — comme l'appelle Kierkegaard — ne semble pas saisir la plaisanterie et répond : « Si du moins le fléau donnait soudain la mort !... Mais il se rit des épreuves de l'innocent. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 25 décembre 2022

Aux chiottes les nymphéas

 

Au dire de son fils Michel, le peintre Monet non seulement ne termina pas son dernier tableau, mais il le lacéra à coups de couteau. Il en avait marre de la peinture. Il trouvait ça « con ». Les formes, les couleurs, les « bon Dieu de nymphéas », il en avait soupé. Il n'aspirait plus qu'à une chose : le Rien.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Réminiscence de Pavese

 

Aura-t-elle tes yeux quand elle viendra, on ne sait pas, mais pour l'instant la mort ne vient pas, et ce qui est certain, c'est que le temps est long dans ces conditions. Alors on le meuble d'agissements qui peuvent à première vue paraître raisonnables, et s'ils ne le sont pas, du moins en avons-nous l'habitude.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Existence phonématique

 

La vie n'est pas un chemin pavé de roses, mais puisqu'on est là, il faut essayer d'en tirer le meilleur parti. Comment ? Par exemple en se gorgeant de phonèmes (ba, be, bi, bo, bu) — mais ce n'est qu'un exemple.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un beau gâchis

 

« Le monde est indépendant de ma volonté », a dit Ludwig Wittgenstein. C'est aussi ce que la plupart des gens pensent — que le monde est indépendant de la volonté de Ludwig Wittgenstein — mais nul ne peut en avoir l'absolue certitude. Une chose en revanche est sûre : si c'est lui, il en a fait de belles.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 24 décembre 2022

Texas Hold'em

 

Nihilique ! Dans cette partie de poker menteur qu'est la vie, you might as well fold, because you don't stand a Chinaman's chance

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Nevermore

 

Quoique ennuyeuse et pénible, la vie serait encore supportable si tout pouvait se réparer. Mais va te faire fiche : les cheveux ne repoussent pas, non plus que ne ressuscitent les êtres tendrement aimés (perroquet, gerbille de Mongolie) qu'un sort funeste a enlevés trop tôt à notre affection. Et ce n'est pas tout : le temps, ce salop, a ceci de désespérant qu'il est irréversible. — Si tout ça ne ressemble pas à l'invention d'un sadiste...

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Nuage

 

Hamlet : Do you see yonder cloud that’s almost in shape of a camel ?
Polonius : By the mass, and ‘tis like a camel, indeed.
Hamlet : Methinks it is like a weasel.
Polonius : It is backed like a weasel.
Hamlet : Or like a whale ?
Polonius : Very like a whale.
Hamlet : Or like... [he switches to French] une tête de chien couché ?
Polonius : Ça alors ! Mais oui ! C'est tout à fait une tête de chien couché ! Que je sois damné !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Dulcinée

 

La mort, c'est Dulcinée du Toboso : une maritorne hirsute que seul un esprit dérangé — un esprit « nihilique » — peut se représenter belle et distinguée.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 23 décembre 2022

Poésie protéiforme

 

Certains poëmes d'Omar Khayyam ressemblent à des tulipes rouges jaillies de la terre d'un cimetière, quand d'autres ont l'apparence d'une tête de chien couché.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un si sanglant ulcère

 

Dans certaine pièce de Tchekhov, le jeune dramaturge Constantin Treplev se tue à cause d'une bourrelle qui en est arrivée on ne sait comment à se prendre pour une mouette. Non, il n'y a pas à dire, la vie, c'est vraiment quelque chose.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Hasard et nécessité

 

« Si tu n'avais pas oublié tes clefs ce jour-là, jamais tu n'aurais rencontré cette bourrelle qui devait, quinze ans plus tard, réduire ta vie en charpie. — Oui, cela est vrai. Mais Boèce dit qu'il n'y a point de hasard, qu'il ne peut rien arriver fortuitement. Quant à Aristote, il définit le hasard une conjonction de causes qui produisent non-intentionnellement un effet qui a lieu rarement ou non régulièrement. Alors... Il faut croire que j'étais destiné à morfler, mon cher vieux. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Thaumaturgie

 

Honneur ! Honneur à Sophrone de Jérusalem qui, touché par une maladie des yeux, fut guéri par l'intercession des saints anargyres Cyr et Jean (fêtés le 31 janvier) !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 22 décembre 2022

Comme les petits pois

 

Mi-cuit dans sa cochléaire carapace, abandonné de Dieu et des hommes, le nihilique pense à ce mot si véridique du poëte Achille Chavée : la solitude est un plat qui se mange seul. « Comme les petits pois », songe-t-il.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Horreur toponymique

 

Viry-Châtillon. Châtenay-Malabry. Chilly-Mazarin. Le Perreux. Ça suffit ! Assez de noms de ville grotesques ! Le « Perreux » ! Je t'en foutrai du « perreux », moi, tuouaouar !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Choix

 

Dans le roman de Faulkner Si je t'oublie Jérusalem, le personnage principal, Harry, dit qu'entre le chagrin et le néant, il choisit le chagrin. Mais qui lui a permis de choisir ? Dans la vraie vie, on n'a pas le choix : il faut tout bouffer.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Mots

 

Faulkner a raison : le mot amour n'est qu'une simple forme pour combler un vide. Mais c'est aussi le cas du mot hystricognathe, sans lequel, dans la taxonomie de Linné, il y aurait un trou béant à l'endroit où devraient se trouver les hutias, les cobayes, les maras, les viscaches, les chinchillas, les agoutis, les porcs-épics, les octodons, un certain nombre de rats, etc. Alors attention, hein !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)