mercredi 20 juin 2018

Bel canto


Quoique le suicidé philosophique soit essentiellement un ténor, son médium est si plein, si corsé, qu'il lui permet d'aborder sans désavantage les rôles de baryton. Et, tandis qu'il commet son geste fatal, il lui arrive de donner le si bémol avec une puissance, un éclat, une rondeur qu'on ne rencontre aujourd'hui chez nul autre ténor, y compris ceux de l'Italie.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Alles muss verschwinden


Une des plus belles phrases de la langue française est, dans son laconisme véridique, celle qu'affichent régulièrement tels mercantis schopenhaueriens aux devantures de leurs magasins : « Tout doit disparaître ». Toute la doctrine nihilique y est resserrée avec une force et un bonheur d'expression suprêmes. Oui, en vérité, tout doit disparaître.

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Interlude

        Femme peu vêtue lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Un amer breuvage


J'ingurgite du temps qui passe, comme on le dit parfois d'un vin résiné ductile ou d'une pieuvre réfrigérée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Individualisme


Depuis que l'Occident dans son ensemble — l'Occident comme civilisation — s'est engagé dans la voie du suicide, l'homme du nihil aurait presque envie de renoncer à l'homicide de soi-même, tant il exècre les voyages organisés et autres « activités de groupe ».

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

mardi 19 juin 2018

Temporation


« Martin, c'est à cette heure-là que tu rentres ? — Pardon, Mutti, je jouais avec les copains. Et puis tu sais, moi, le temps mécanique des horloges... J'ai décidé que désormais, seul compterait pour moi le temps phénoménologique. »

Heidegger avait en effet compris qu'« être-soi », pour le Dasein, implique d'être tout à la fois projet, en avant de soi, et son propre passé, ce qui ne peut se faire qu'en portant résolument, devant soi, son « être-jeté » et toutes les possibilités, vécues ou laissées de côté, que révèle l'extension de l'existence !


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

Saleté philosophique


Il suffit de feuilleter une Histoire de la philosophie pour constater que depuis Spinoza, l'esprit des « amis de la sagesse » est très sombre, toujours humide et plein de boue. Au contraire, celui des philosophes présocratiques est sec et sans boue, ou du moins, on n'y trouve pas tant d'immondices. 

La raison de ce phénomène est à peu près celle que donnent les physiciens pour expliquer la prompte dessication d'un linge humide, exposé en plein air ou au soleil, tandis que, dans une cour étroite et encaissée, cet effet n'a pas lieu.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Vents nihiliques


L'homme du nihil, quand il souffre de ballonnements consécutifs à l'ingurgitation d'aliments tels que brocolis, hareng fumé, salsifis, fromages fermentés, etc., a une méthode d'accompagner qui relève infiniment le prix de sa philosophie nihilique ; c'est l'art de l'augmentation ou de la diminution du son, que l'on pourrait appeler l'art des nuances ou du clair obscur et qui se pratique soit par degrés, soit tout à coup. Outre le fort et le doux, le très fort et le très doux, il pratique encore un mezzo piano et un mezzo forte plus ou moins appuyé. 

Et alors, comme le dit M. Tilliette à propos de Fichte, « le problème du fondement du savoir se retourne en celui du savoir du fondement » 1.


1.  Xavier Tilliette, Fichte. La Science de la liberté, Paris, Vrin, 2003.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Interlude

      Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

lundi 18 juin 2018

À la conquête du pôle


Le cadavre d'une femme de 41 ans a été retrouvé, dimanche 1er juin, au fond d'un congélateur dans la maison de ses parents, à Yutz (Moselle), par son mari qui s'inquiétait de son absence. Le parquet de Thionville privilégie la thèse du suicide.

La mère de famille s'était rendue chez ses parents samedi soir. Dimanche, sans nouvelles de sa part, son mari était à son tour allé chez ses beaux-parents, où il n'avait trouvé personne.

« Il a découvert une lettre de suicide et tous les aliments congelés sur la table. Il a alors ouvert le congélateur et y a découvert le cadavre de son épouse », a expliqué le substitut du procureur.

La victime, décrite comme fragile et de santé chancelante, portait un bonnet et des gants, comme si elle se préparait à une expédition dans la Nouvelle-Zemble. Une autopsie réalisée mardi à l'institut médico-légal de Nancy « n'a pas permis de mettre en évidence l'intervention d'un tiers dans la mort », ce qui a définitivement accrédité la thèse du suicide, éliminant par là même celle d'une expédition arctique qui aurait mal tourné. (France Info, 4 juin 2014)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

Sur les traces de Timon de Phlionte


Un suicidé philosophique faisant profession de scepticisme dira : « Que le colt Frontier soit un revolver à platine simple action et canon de dix centimètres, je ne l'affirme pas, mais qu'il paraisse tel, j'en conviens. »

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Théorème de plongement de Nash


Le théorème de plongement de Nash, dû au mathématicien John Forbes Nash, affirme que toute variété riemannienne d'étant existant — le fameux « Dasein » des existentialistes — peut être plongée de manière isométrique et jusqu'à ce que mort s'ensuive dans un un bain d'acide sulfurique concentré.

Il est assez intuitif et se démontre facilement, mais est quelque peu risqué à mettre en
œuvre.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Au banquet de la vie...


Que de coupes amères j'ai bues avec ce désastreux camarade qu'est le Rien !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

Interlude

      Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Ruches


« Un apiculteur de Mont-Tremblant se dit scandalisé. On lui a, au début de la semaine, volé quatorze ruches habitées. Le propriétaire du Petit rucher du Nord, Félix Lapierre, est prêt à offrir une récompense à quiconque l'aidera à récupérer son bien. » (L'information du Nord, 25 septembre 2015) 

Une mésaventure contrariante, certes, mais qui n'est rien comparée à celle du Dasein condamné à regarder, impuissant, le temps — ce diabolique diadoque — saccager avec vigueur « le beau rucher de ses tremblants viscères ».

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Un kierkegaardien


« Homme, 26 ans, célibataire, ouvrier. Arrêté chez un marchand d'eau-de-vie, il est conduit à l'hospice.

Agitation excessive. Il crie au meurtre ! à l'assassin ! Il refuse toute espèce d'aliment. Il a voulu se tuer, et il montre son corps tout couvert de contusions, comme la preuve de sa résolution. Il entend et croit voir le philosophe Jean Grenier, pourtant mort depuis des années.

Dix jours après l'invasion de la maladie, il est amené à l'asile. Agitation excessive, loquacité, incohérence, cris, égarement de la physionomie. Critique féroce de la philosophie hégélienne. Le malade soutient notamment, contre la spéculation abstraite, qu'il ne peut y avoir de "système de l'existence". Il clame que que "la subjectivité est vérité" et que "la vérité est subjectivité".


Un érysipèle du cuir chevelu se développe avec mouvement fébrile. Gonflement énorme de la face et de la tête. Accablement, stupeur ; le malade ne peut plus parler. Pouls fréquent, soif ardente, langue sèche, dents fuligineuses, dyspnée. Le malade essaie de montrer sa langue. Il meurt. » (Maximilien Parchappe, Traité théorique et pratique de la folie, Paris, Béchet, 1841)

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Cravate solidaire


« Se présenter à un entretien d'embauche lorsqu'on a perdu confiance en soi, répondre avec justesse alors qu'on connaît mal certains codes de l'entreprise, être habillé convenablement alors qu'on a peu d'argent pour investir dans une tenue... C'est pour accompagner les personnes en butte à ces difficultés que la Cravate solidaire a été créée à Paris en 2012. Depuis trois ans, cette association est également présente au Mans.

Pour aider les personnes en insertion ou en réinsertion et leur éviter les discriminations liées à l'apparence, la boutique de la Cravate solidaire offre des tenues adaptées (costumes, chaussures, etc.) et des conseils de spécialistes des ressources humaines.

Les bénéficiaires, qui sont de tous les âges et de tous les profils, parviennent la plupart du temps à décrocher un emploi. Ceux qui échouent, s'ils éprouvent en outre la pénible sensation de vivre isolés dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort, sont orientés vers une association partenaire, le Taupicide solidaire. » (France Info, 3 janvier 2018)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

Déchéance


Nous trahissons tous notre jeunesse, cela est une triste évidence, mais le champion dans ce domaine est sans conteste l'homme du nihil

Qu'y a-t-il de commun, en effet, entre le véhément pourfendeur de l'haeccéité qui lançait des éclairs terrifiants quand, tout juste sorti de l'adolescence, il brandissait son colt Frontier au canon de dix centimètres, et le petit personnage fumant sa pipe au coin du feu face à une mégère au faciès d'hippopotame ? Comment l'un a-t-il pu engendrer l'autre ? 

Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

dimanche 17 juin 2018

Influence morbide de l'humidité


Nicolas Léonicène, voulant prouver que l'homicide de soi-même était le symptôme d'une maladie causée par un excès d'humidité, rapporte un passage d'Hippocrate qui dit qu'à la suite d'une année pluviale, il survenait des tubercules, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur du Moi, et qu'on appelait ces tubercules des fics : Tubercula intrinsecus et extrinsecus, quœ ficus appellantur.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Interlude

          Jane Birkin lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Conseil au désespéré


Le suicidé philosophique, s'il ne veut pas passer pour un gâcheur, devra accorder une grande attention au décor et il accomplira de préférence son Grand Œuvre dans un cadre riant, par exemple une prairie en fleur. Il évitera de commettre son geste fatal à la tombée de la nuit pour éviter que son cadavre livide ne laisse sourdre une dominante de tons verdâtres renforcée par l'ambiance crépusculaire de l'horizon. Autrement dit, il préférera les « fonds d'or des primitifs » à la « nuit obscure des mystiques ».

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

On tue le cochon


Pendant l'hiver 1898, le jeune Martin, qui relève d'une pleurésie, passe sa convalescence à la ferme de ses grands-parents maternels dans l'Aveyron. C'est l'époque où l'on tue le cochon, et il assiste à la scène.

Un banc spécialement conçu est placé contre un mur puis, poussé et tiré par deux hommes, l'animal est amené pour le sacrifice. Dès que le « saigneur » lui a enfoncé le couteau dans la gorge, une femme de la maison récupère le sang dans une bassine pour faire le boudin et les « sanquettes ».

Il faut beaucoup d'eau pour ébouillanter l'animal, et pour cela on a recours au « fournet », un genre de chauffe-eau. On enlève les soies et on nettoie le verrat. Le saigneur l'ouvre et le découpe. Dès que l'on sort le « ventre », les femmes de la maison s'en emparent pour le « découdre » et le nettoyer afin de confectionner le boudin, la saucisse et les saucissons. Ensuite, vient le travail des hommes : découper la viande en petits morceaux pour faire les charcuteries.


D'aucuns voient en cette cérémonie un moment de tradition où l'ouvrage en commun perpétue le bon temps d'autrefois, mais le jeune Heidegger envisage le spectacle sanglant d'un autre œil. « C'est en assistant à l'agonie du cochon, dira-t-il plus tard à son ami Karl Jaspers, que j'ai compris que l'étant existant est en fait un "être-vers-la-mort" ».

Il n'empêche que le lendemain, il s'empiffrera de fritons « à s'en faire sauter le couvercle », comme il le note dans son journal.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

Satiristes


Comme Horace, le suicidé philosophique proclame tout au long de son œuvre son indépendance vis-à-vis des écoles philosophiques. Mais ces deux satiristes différent grandement par le style : Horace est fin, badin, plein d'esprit et accommodant, tandis que le suicidé philosophique est véhément et lance des éclairs terrifiants quand il manie son colt Frontier au canon de dix centimètres.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Débranchés (Raymond Carver)


En pleine nuit, sur le coup de trois heures du matin, le téléphone se met à sonner et ça nous fiche une trouille bleue.
— Va répondre ! Va répondre ! me crie ma femme. Oh, mon Dieu, qui ça peut bien être ? Mais va répondre !
Je n'arrive pas à trouver l'interrupteur, et je passe à tâtons dans la pièce voisine, où se trouve le téléphone. Je décroche à la quatrième sonnerie.
— Est-ce que Bud est là ? fait une voix de femme.
Elle est très saoule. Je lui dis :
— Il n'y a personne de ce nom ici, et je lui raccroche au nez.
J'allume la lumière et je me dirige vers la salle de bains. Je n'y suis pas plus tôt entré que la sonnerie reprend.
— Mais va répondre ! me hurle ma femme depuis la chambre à coucher. Mon Dieu, Jack, mais qu'est-ce qu'ils nous veulent ? C'est intolérable à la fin !
Je me rue hors de la salle de bains et je décroche.
— Bud ? dit la femme. Qu'est-ce que tu fais, Bud ?
Je lui dis:
— Écoutez, hein. Je suis Emmanuel Levinas, métaphysicien d'autrui. Selon moi, la philosophie occidentale n'a jamais su penser l'Autre qu'à partir du Même (donc du Moi) et témoigne dans toutes ses œuvres de l'insurmontable allergie qu'inspire l'Autre. Alors ne refaites plus jamais ce numéro.
Je raccroche, j'attends que la sonnerie reprenne, puis je soulève le combiné et je le pose sur le guéridon, à côté de son socle.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

Interlude

        Femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Ataraxie des Dupond-Dupont


Loin d'être les benêts que certains imaginent, les détectives Dupond et Dupont sont de véritables philosophes sceptiques.

On s'en aperçoit en particulier dans cette scène du Crabe aux pinces d'or où les deux policiers, auxquels Tintin a confié ses soupçons sur Omar Ben Salaad, l'interrogent en ces termes : « — Un de nos amis, un jeune homme nommé Tintin, vous soupçonne de vous livrer au trafic de stupéfiants. — Est-ce exact Monsieur Salade ? ».

Ce dernier explose : « Par la barbe du prophète !... Oser soupçonner Omar Ben Salaad ! Hors d'ici, chiens d'infidèles ! Ou je vous fait écorcher tout vifs ! »

Les deux détectives, au lieu de perdre leur sang-froid devant cette éruption de l'irascible mahométan, prennent pour argent comptant ses dénégations et paraissent atteindre à cette ataraxie qui est, selon Sextus Empiricus, le résultat de l'épochè, la suspension de l'assentiment ou du jugement.

Mais leur quiétude évoque aussi celle qui, chez les stoïciens, résulte de la connaissance du mouvement de l'univers, animé par un air chaud — le pneuma — dans un mouvement infini et cyclique d'inspiration et d'expiration !


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Du néant fichtéen


Selon l'« ami de la sagesse » Johann Gottlieb Fichte (Werke, I, 3, 379), « tout animal est ce qu'il est, seul l'homme originairement n'est rien ». 

« Mais quel est ce néant fichtéen qui sépare fondamentalement l'animal et le Dasein ? », demande l'homme du nihil, ébaubi que l'on convoque le Rien dans cette affaire. Fichte, péniblement suffisant comme à son ordinaire, répond : « le néant est ce par quoi chaque être se réfléchit en soi-même comme totalité ». 

Oh ! — Mais alors, une deuxième question surgit : « lorsque deux "étants existants" se rencontrent, comment leurs néants respectifs peuvent-ils s'unir, s'accorder, former une harmonie (municipale ou autre) ? » Réponse de Fichte : « Demandez à Kant. Quant à moi, je ne m'en mêle plus ».

Et voilà ce qu'on appelle « l'idéalisme allemand », la « dialectique transcendantale », ou « l'ontologie critique » ! Comme on dit vulgairement : « Il faut se pincer ! »


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Le haut mal (Georges Simenon)


Le gamin poussa la porte et annonça, en regardant la femme de ménage qui, les mains sanglantes, vidait les lapins :
— La vache est morte.
Son vif regard d'écureuil fouillait la cuisine, à la recherche d'un objet ou d'une idée, de quelque chose à faire, à dire ou à manger et il se balançait sur une jambe tandis que sa sœur, ronde et frisée comme une poupée, arrivait à son tour.
— Allez jouer, prononça Mme Pontreau avec impatience.
— La vache est morte.
— Je le sais.
— Vous ne pouvez pas le savoir, puisqu'elle vient de mourir.
Mme Pontreau se leva, bouscula le gamin.
— Écoute, mon petit. L'ontologue allemand Martin Heidegger a écrit que l'animal est « pauvre en monde » parce que « ses inhibitions le cloisonnent dans une dépendance pulsionnelle panique et aliénante ». Alors on ne va pas en faire un fromage !
Et elle referma la porte tandis que, dehors, les gosses cherchaient une occupation. Ils avaient préféré ne rien répliquer mais, in petto, ils jugeaient la thèse heideggérienne d'une indigence phénoménologique abyssale. Ils étaient fermement convaincus que, contrairement à ce que soutient Heidegger, les bovins possèdent, comme nombre d'animaux supérieurs, l'intuition vitale, élémentaire bien qu'authentique, de la mort.


(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)

Intentionnalité anticipatrice


Jordan était un jeune homme intelligent, très doué, avec plein de projets d'avenir, souriant, aimant sortir avec sa bande d'amis. Mais à la suite de ce traitement contre l'acné, son comportement avait beaucoup changé : il ne dormait plus la nuit, s'enfermait des heures dans sa chambre à lire Edmond Husserl dont il partageait la passion du « retour aux choses mêmes », souffrait de douleurs phénoménologiques très fortes liées à la suppression d'une « intentionnalité anticipatrice » — Husserl donne l'exemple d'une boule rouge et lisse qui s'avère soudainement être verte et bosselée de l'autre côté, démentant ainsi la représentation anticipatrice que l'on en avait —, ainsi que de sécheresse des muqueuses.

Il a caché à tout le monde sa souffrance morale, jusqu'au geste fatal. (L'Est Républicain, 24 octobre 2013)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)