« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 17 juin 2018
On tue le cochon
Pendant l'hiver 1898, le jeune Martin, qui relève d'une pleurésie, passe sa convalescence à la ferme de ses grands-parents maternels dans l'Aveyron. C'est l'époque où l'on tue le cochon, et il assiste à la scène.
Un banc spécialement conçu est placé contre un mur puis, poussé et tiré par deux hommes, l'animal est amené pour le sacrifice. Dès que le « saigneur » lui a enfoncé le couteau dans la gorge, une femme de la maison récupère le sang dans une bassine pour faire le boudin et les « sanquettes ».
Il faut beaucoup d'eau pour ébouillanter l'animal, et pour cela on a recours au « fournet », un genre de chauffe-eau. On enlève les soies et on nettoie le verrat. Le saigneur l'ouvre et le découpe. Dès que l'on sort le « ventre », les femmes de la maison s'en emparent pour le « découdre » et le nettoyer afin de confectionner le boudin, la saucisse et les saucissons. Ensuite, vient le travail des hommes : découper la viande en petits morceaux pour faire les charcuteries.
D'aucuns voient en cette cérémonie un moment de tradition où l'ouvrage en commun perpétue le bon temps d'autrefois, mais le jeune Heidegger envisage le spectacle sanglant d'un autre œil. « C'est en assistant à l'agonie du cochon, dira-t-il plus tard à son ami Karl Jaspers, que j'ai compris que l'étant existant est en fait un "être-vers-la-mort" ».
Il n'empêche que le lendemain, il s'empiffrera de fritons « à s'en faire sauter le couvercle », comme il le note dans son journal.
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
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