samedi 22 décembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Instabilité


Le suicidé philosophique, soumis à l'attraction fatale du nihil, est un être fondamentalement instable : il rappelle ces éléments chimiques, créés en laboratoire, qui se maintiennent seulement quelques centièmes de seconde avant de se désintégrer, et qui avaient pourtant leur case réservée dans le tableau périodique de Mendeleïev 1.

1. Ce dont ne peut se targuer le suicidé philosophique, qui apparaît plutôt — et d'abord à soi-même — comme une « erreur de la nature ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Tourbillon de la vie


Autrefois, j'ai connu Ferdousi dans Mysore, mais nous nous sommes, depuis, perdus de vue.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Lanterne d'Aristote


30 décembre. — La lanterne d'Aristote est l'appareil masticateur des oursins. Il s'agit, selon Gragerfis, d'un assemblage à symétrie pentagonale de pièces calcaires squelettiques articulées.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Discours silencieux


Un mystérieux isolement, que manifeste jusqu'à leur apparence, met entre les suicidés philosophiques et le vulgum pecus une distance difficile à réduire et qui fait leur force. Ils obligent à l'observation, ils sont par nature « ouverts ». Rien de surnaturel ne les hante. Aucun sacré ne les habite : ils se refusent à tout culte et ne conseillent aucune piété. Ils ne sont pas des symboles : ils ne signifient rien qu'eux-mêmes. Le discours sur le Rien auquel ils invitent reste silencieux ; il naît d'une taciturnité toujours nouvelle, qui surprend d'abord mais qui découle naturellement de ce qu'ils sont, comme qui dirait, « décédés ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Grand dessein


Fonder une herméneutique du remords d'être.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Momification du Dasein


28 août. — « Premièrement, ils font couler le cerveau par les narines avec ferrement propre à ce, et pendant que les uns font cette distillation, autres y entonnent baume et onguents. Après, ils ont une pierre éthiopique de fort bon tranchant, avec laquelle ils font incision du ventre, puis en tirent les entrailles. Quand le ventre est ainsi vidé et arrosé de vin de palmes, derechef ils l'adoubent de drogues aromatiques, et, emplissant les entrailles de myrrhe fine, de casse et autres bonnes odeurs, hormis d'encens, ils cousent l'incision et referment le tout. Toutes ces façons baillées, ils salent très-bien le corps, et couvrent le saloir jusqu'à soixante-dix jours : et n'est licite de l'y tenir davantage. Les jours révolus, ils retournent prendre le corps, lequel, lavé et nettoyé, lient de bandes faites d'un drap de soie, collées avec certaine gomme, à raison que les Égyptiens en lieu de colle usent de cette gomme. Alors les parents reprennent le corps, et lui font faire un étui de bois moulé en effigie d'homme, dans lequel ils le mettent, et l'ayant entuyé là-dedans, le serrent comme trésor en un autre coffre, qu'ils dressent debout contre une muraille. »  (Hérodote, Histoires, Traduction de Pierre Saliat)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 21 décembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Un ami précieux


Élargissant sans cesse le cercle d'une solitude où il se condense peu à peu en un amas punctiforme, le nihilique en vient à reconnaître dans le taupicide son seul ami véritable. Situé à l'extrême de la taciturnité, le nitrate de baryum qui en constitue la partie principale est placé du même coup aux antipodes de l'homme et de la pensée. On le devine contenir en sa masse impassible la totalité des transformations possibles de la matière, sans rien en exclure — surtout le néant.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Hommage à Jean-Guy Floutier

Nu lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Un magnifique tableau de peinture signé Lucm (exposé sur son blog)

On peut se procurer le livre Philosopher tue ici

Châtiment de Théodoric


19 août. — « La mort de Symmaque, ordonnée par Théodoric, dut achever d'ébranler le moral de ce dernier, car peu de jours après, dans la tête monstrueuse d'un poisson qu'on avait servi sur sa table, il crut voir celle de Symmaque, dont les regards furieux le menaçaient, dont les dents semblaient prêtes à le mordre. À cette horrible hallucination il se sent saisi d'un froid mortel, on l'emporte dans la chambre royale, on l'accable de couvertures pour rappeler la chaleur ; soins inutiles ! Malgré l'art et l'empressement de son médecin Elpidius, le vieillard frissonnant expire en détestant sa cruauté. » (Jean-Bernard Mary-Lafon, Rome ancienne et moderne depuis sa fondation jusqu'à nos jours, Furne, Paris, 1854)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Limon noir


Comme le Nil, l'idée du Rien charrie un précieux limon noir : c'est un fleuve nourricier. Et ainsi que l'a souligné Gragerfis : « ce fleuve bienfaiteur, il ne tient qu'à chacun d'en accroître, fût-ce pour une part infinitésimale, les antiques alluvions ». — Comment ? Mais par l'homicide de soi-même !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Désespérance du peuplier


L'andante convient assez à la désespérance de l'homme du nihil — et à celle, plus feuillue, du peuplier.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Médecine pédiculaire


29 août. — « En médecine, les poux sont estimés apéritifs, fébrifuges, et propres à guérir les pâles couleurs : la répugnance, comme dit Lémery, d'avaler ces vilaines bêtes, contribue peut-être plus à chasser la fièvre que le remède même ; pour la jaunisse, l'usage est d'en faire avaler à jeun cinq ou six dans un œuf mollet. Pour la suppression d'urine, qui arrive quelquefois aux enfants nouveaux-nés, on en introduit un vivant dans l'urètre, qui par le chatouillement qu'il excite sur ce canal, qui est doué d'un sentiment exquis, oblige le sphincter à se relâcher et à laisser couler l'urine : une punaise produit le même effet. » (Jacques Valmont de Bomare, Dictionnaire raisonnée universel d'histoire naturelle, t. 5, Brunet, Paris, 1775, p. 271)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

jeudi 20 décembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Propos d'ivrogne


Quand Parménide affirme qu'il n'est par définition que l'Être, immobile, complet, homogène, et que tout le reste n'est que « variation d'éclat par la surface », on peut à bon droit se demander s'il n'a pas bu. — Et le Rien alors, sentencieux Parménide ? N'est-il pas lui aussi « immobile, complet et homogène » ? — Ô vanité ! ô néant ! « ô aueuglement estrange des hommes, gloriatur in malitia sua ! »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Déjà jadis


Retiré près d'Antibes à la fin de la guerre, Georges Ribemont-Dessaignes meurt à Saint-Jeannet le 9 juillet 1974.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Attrition


27 août. — Selon Saint Irénée de Lyon, « l'attrition est une douleur et une détestation du Moi, causée ordinairement par la considération de la difformité ou laideur d'iceluy, et qui a pour principe l'idée du Rien qui excite la pachyméninge et la porte au désespoir. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme cherchant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Diversions


L'homme du nihil arrive parfois à distraire son marasme par la contemplation d'objets insolites ou par des réflexions sur la condition végétale, enfin par la description méticuleuse d'excréments fossiles que les savants nomment coprolithes. De ces divertimenti, il sort pénétré de l'opulente immensité du Rien, mer plate qui recèle un iode puissant dont nul opium ne procure des enchantements aussi variés, aussi recommencés.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Pyrrhonisme malacologique


Échaudé par la félonie du Grand Tout, j'en vins à mettre en doute la réalité de ce mollusque que les naturalistes nomment térébratule.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


30 août. — On assure que sur les montagnes de Lorraine, par temps de brouillard, il ne faut qu'un appeau, une petite loge et un bâton fendu pour prendre quarante ou cinquante douzaines de mésanges dans une matinée ; on les prend encore en grand nombre, soit au trébuchet, soit au petit filet d'alouettes, soit au lacet, ou au collet, ou aux gluaux, ou avec la reginglette, ou même en les enivrant comme faisaient les anciens, avec de la farine délayée dans du vin.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mercredi 19 décembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

L'incertitude qui vient des rêves


D'une indécision maladive, l'homme du nihil, bien souvent, n'est pas capable de statuer s'il est Tchouang-tseu rêvant qu'il est un papillon, ou un papillon rêvant qu'il est Tchouang-tseu, ou encore — hypothèse sans doute la plus probable — s'il n'y a pas plus de Tchouang-tseu ni de papillon que, révérence parler, de beurre au prose.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Règle numéro 13


Camper aux confins du grotesque et de l'arabesque.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Homo belgicus


31 août. — En 1872, lors du Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie préhistorique qui se tient à Bruxelles, le Dr Ernest Hamy fait sensation en mettant sous les yeux du public le portrait hideux d'une batelière des environs de Mons, présentant tous les caractères de la race australoïde de l'âge du mammouth. C'est un coup de tonnerre. La preuve est faite que les races préhistoriques ne sont pas complètement éteintes, mais apparaissent encore par des cas isolés d'atavisme dans les populations actuelles de la Belgique !

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop