mardi 8 février 2022

Exploit

 

Comme la vie même mais par d'autres moyens — ses « glossolalies », sa calvitie naissante — l'homme du nihil réalise l'exploit d'être à la fois tragique et ridicule.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 7 février 2022

Du beau ! Du sublime !

 

Quand quelqu'un s'avise de qualifier une œuvre — par exemple un arrangement de mots — de « sublime », on peut parier sans risque de se tromper qu'il s'agit soit d'un crétin soit d'un lèche-cul (les deux ne sont pas incompatibles). — Je t'en foutrai du « sublime », moi, tuouaouar ! Salop ! Peau de fesse ! Nerf sciatique ! Grosse vache !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 6 février 2022

À propos de bottes

 

Le nihiliste russe Dmitri Pissarev, un jour qu'il était « gonflé à bloc », aurait déclaré qu'une paire de bottes valait mieux que les œuvres de Pouchkine et de Shakespeare réunis. L'homme du nihil n'a rien à redire à cela, mais il considère pour sa part qu'une paire de bottes, ou même de simples chaussons, vaut mieux que la réalité empirique en général (y compris, bien sûr, les œuvres de ces deux ballots). Il est vrai que les bottes — ou les chaussons — font aussi partie de la réalité empirique, mais passons : c'est juste « histoire de dire ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 5 février 2022

Ataraxie

 

Sextus Empiricus se trompe : suspendre son jugement n'est pas suffisant pour parvenir à la tranquillité de l'âme. Il faut aussi suspendre tout le reste, par exemple au moyen d'un nœud coulant qu'on a fixé au portique d'entrée du potager. Il est notoire que l'homicide de soi-même, en annulant les interactions avec la réalité empirique, permet d'atteindre une quiétude semblable à celle qui, chez les stoïciens, résulte de la connaissance du mouvement de l'univers, animé par un air chaud — le pneuma — dans un processus infini et cyclique d'inspiration et d'expiration.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 4 février 2022

Page de journal

 

« 3 avril. — Ce soir, en rentrant, le vocable hystricognathe, sorti spontanément de ma bouche, a rempli l'appartement — puis l'univers tout entier. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 3 février 2022

Mauvaise blague

 

Quand on observe le monstre bipède, on ne peut s'empêcher de penser que Dieu l'a créé en manière de plaisanterie, ou peut-être par ennui, en tout cas pour « déconner un bon coup ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 2 février 2022

Indicible rémoulade

 

Un des derniers mots de Socrate : « Tu devrais pourtant savoir, Criton, que la vie est une indicible rémoulade. » — À l'agonie, penser à la rémoulade, cette sauce piquante consistant en une mayonnaise fortement moutardée, agrémentée d'ail et de fines herbes, — cela est beau.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Une lugubre excursion

 

« Promenade, ou plutôt errance, à l'intérieur de ma pachyméninge — dire qu'on peut si près de Paris trouver des paysages aussi mélancoliques ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 1 février 2022

Réfutation du pachynihil

 

La douleur presque insupportable qui émane d'un panaris (ou d'une rage de dent, ou d'une colique néphrétique, etc) témoigne contre la souveraineté du Rien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 31 janvier 2022

Musique céleste

 

« Chaque fois que j'entends du Michel Fugain, je me dis qu'il est impossible que tout soit apparence. Il faut qu'il y ait autre chose. Et puis, le doute me reprend. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Végéta voit son rêve d'immortalité s'envoler

 

« Dans le néant pénible où je végète, il n'y a place ni pour ceci ni pour cela. Ni pour l'art, ni pour la science, ni pour la philosophie. Il y a place pour peau de zob, en fait. » (Marcel Bigeard, Mon baroud dans le réel)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 29 janvier 2022

Envie de meurtre

 

Les gens qui disent que c'est ceinture et bretelles, l'homme du nihil aimerait leur verser du plomb fondu dans la bouche, comme on fit à saint Jovite et à saint Prime, puis les éviscérer.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 28 janvier 2022

Bovarysme

 

Si les bonnes femmes étaient moins cruches, si elles arrêtaient de croire au « bonheur » (rien qu'à écrire ce mot on est embarrassé), il y aurait sûrement moins de souffrance en ce monde.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 27 janvier 2022

Un imposteur (suite)

 

Un homme que taraude incessamment l'idée du Rien, on ne l'imagine pas choisir une cuillère en bois dans un grand magasin. Pourtant, le 8 octobre 1963, le « négateur universel » Émile Cioran... — Mais laissons cela. Inutile d'insister, ce serait trop cruel.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 26 janvier 2022

Les possédés

 

Les individus habités par une « cause » ont quelque chose de monstrueux. Non seulement ils n'ont aucune intuition du pachynihil, mais leur monomanie fait d'eux des agents fanatiques du « fétide et rébarbatif réel ». C'est ça ! Sauvez la planète ! Pauvres insensés ! Fous !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 25 janvier 2022

Impression extraordinaire

 

« Dans les Cahiers de Cioran, je suis tombé hier soir avant de me coucher sur ces paroles : “Dans un livre gnostique, L'Évangile selon Thomas, je suis tombé hier soir avant de me coucher sur ces paroles : « Jésus dit : “Malheur à cette chair qui dépend de l'âme et malheur à cette âme qui dépend de la chair” ». Impression extraordinaire, à en perdre le sommeil.” Impression extraordinaire, à en perdre le sommeil. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Erreur sur la personne ?

 

D'après Gragerfis, l'homme du nihil est « l'intercesseur obligé entre le vulgum pecus et le Vrai, c'est-à-dire le Rien ». — Mais n'est-ce pas là lui faire trop d'honneur ? Et que peut bien importer à l'homme du nihil d'éclairer — métaphysiquement ! — le vulgum pecus à la manière d'un radical quinquet ? Non, il y a certainement maldonne, ce n'est pas possible.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 24 janvier 2022

Aux chiottes les organes

 

Il est déjà coton de se débrouiller avec l'« être » quand on est en bonne santé, mais quand on est mal fichu — quand on a un « pet de travers » —, c'est quasiment mission impossible. On ne peut que maudire, éructer et se lamenter. Aux chiottes les organes, les cellules, le cytoplasme, les mitochondries, la membrane plasmique et les villosités ! Je t'en foutrai du « corps », moi, tuouaouar !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 23 janvier 2022

Rimbaud l'énervant

 

Le poëte Arthur Rimbaud a toujours mis l'homme du nihil assez mal à l'aise. D'une part, il a écrit ses poëmes alors qu'il n'était qu'un morveux qui ne connaissait rien à la vie, et les « enfants prodiges » ont toujours prodigieusement horripilé l'homme du nihil (autre exemple : Mozart). D'autre part, tout, dans ses poëmes, est « trop bien calculé ». L'homme du nihil n'est pas vraiment capable d'exprimer le malaise qu'il ressent mais « il sait ce qu'il sait ». Il admet cependant que Rimbaud a eu une trouvaille géniale : le gruère.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 22 janvier 2022

Question de priorité

 

L'homme du nihil se refuse absolument à écrire un article sur « Tolstoï et l'obsession de la mort ». Il n'a pas que ça à faire, sacré nom d'une pipe ! Et la temporalité du temps ? Et l'haeccéité ? Et la question de l'homicide de soi-même ? Qui va s'en occuper ? Le pape François ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 21 janvier 2022

Ah Bartleby ! Ah humanity !

 

Quand on est jeune et qu'on ne connaît pas les personnes du sexe, elles vous fascinent et vous intimident ; quand on est plus vieux et qu'on les connaît, elles vous terrifient.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 20 janvier 2022

René le lycanthrope

 

« Demeurer tout le jour seul, enfermé dans un poêle, où l'on a tout loisir de s'entretenir de ses pensées ; puis, la nuit venue, courir les campagnes en poussant des hurlements, franchir les fossés à quatre pattes, étrangler des séries de jeunes filles et les dévorer à belles dents... Ah, quel délice ! » (Les trente-trois délices de René Descartes, Trad. de Simon Leys)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Inexistence de Descartes

 

Après de méticuleuses recherches et une « introspection à tout casser », l'homme du nihil parvint à la conclusion que le « cogito » n'était qu'une « vaste fumisterie ». « Il n'y a pas plus de cogito que de beurre au prose, déclare-t-il à Gragerfis 1. Et il est donc tout à fait possible que Descartes, sans qu'il s'en rende compte, n'ait pas été. »

1. Cf. Journal d'un cénobite mondain, p. 237.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 19 janvier 2022

Rédhibitoire

 

« Dès que quelqu'un me parle de développement personnel ou de crustacés, je sais que je me trouve en présence d'un crétin. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 18 janvier 2022

Salade de museau et homicide de soi-même

 

Le philosophe Malebranche pensait que « le néant n'est point si terrible que cet état désolant d'être privé de salade de museau quand on aime la salade de museau ». — Et de fait...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 17 janvier 2022

Cosmogonie

 

L'homme du nihil ne pense pas, comme Marcion, que le démiurge était mauvais, il pense qu'il était saoul. Quand on est pompette, on fait toutes sortes de conneries. Tout de même, créer la « réalité empirique »... Cela passe les bornes !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 16 janvier 2022

Sommeil de mort

 

« Réveille-toi, homme du nihil, de ce sommeil de mort
   Dans lequel t'a plongé la réalité empirique. »
 
Ainsi commence l'hymne national de l'homme du nihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 15 janvier 2022

Traumdeutung

 

« Cette nuit, j'ai rêvé que j'introduisais un suppositoire à la nitroglycérine dans l'anu de Gabriel Attal. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? » 
 
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

Refroidissement

 

« Vers la fin de sa vie, les rapports de l'homme du nihil avec l'être s'étaient à ce point refroidis qu'ils ne se saluaient même plus. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)