vendredi 29 avril 2022

Hommage à Bébert

 

Dans la littérature comme dans la vie, on trouve peu de caractères à la fois aussi nihiliques et aussi sympathiques que le « greffe » Bébert de Louis-Ferdinand Céline. Honneur à ce vaillant champion du pachynihil ! Honneur au chat Bébert !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Dévaluation générale

 

Si l'on considère à cinquante-six ans les choses — les « œuvres » — que l'on admirait à vingt ans, on s'aperçoit qu'il y en a bien peu qui ont tenu le coup. L'immense majorité : kitsch, kitsch et bluff. Même Pascal a un côté kitsch avec son « gouffre » qu'il promène partout avec lui. Quant à ce couillon de Descartes, qui trouvait si piquant de vivre dans un poêle, n'en parlons pas (mais lui, on ne l'a jamais admiré, il y a quand même des limites à l'ingénuité).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Analyse comparative

 

Un inconvénient du revolver Smith & Wesson chambré pour le. 44 russe — comparé par exemple au taupicide — est qu'il interdit toute forme de cabotinage macabre. L'opérateur n'a pas le temps d'articuler « Mort, où est ta victoire ? » qu'il est déjà, comme on dit, « décédé ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Grands précurseurs

 

« Stupeur à la lecture de textes du bouddhisme tibétain. Le Pandchan-Remboutchi dit — et cela est également attesté par le Guison-Tamba et le Talé-Lama — que le monde existe mais n'est pas réel. — Et moi qui pensais m'en être avisé le premier ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Le salut par le gaz

 

Il y a quelque chose de rédempteur dans le fait de « larguer une caisse ». — Le vent, cet agent métaphysique.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 28 avril 2022

Socrate au garage Rochard

 

« Connais-toi toi-même ou ça va mal se mettre, ça va bombarder mais dur ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lustral

 

C'est à bon droit que l'on peut dire de l'homicide de soi-même : Ecce qui tollit peccata monstri bipedalis — voilà celui qui efface les péchés du monstre bipède. Car le premier péché n'est-il pas celui d'exister ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vin nu

 

Exception faite de la mort, la seule chose à laquelle il est impossible d'échapper en ce bas monde est la bêtise. Tout est bête, tout est ridiculement grotesque, à commencer par le « vin nu » et jusqu'à — pourquoi ne pas le dire — l'homicide de soi-même.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Trêve impossible

 

« Georges Poulet me somme de me calmer, de renoncer à dire du mal de la réalité empirique “ou ça va barder”. Mais je crois que je vais quand même continuer. Je suis en conflit avec le Grand Tout et il ne m'est pas donné de reculer. Et puis, autant l'avouer, c'est plus fort que moi. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Tortillements intempestifs


Si la femme était capable de concevoir qu'elle n'est qu'un squelette recouvert de chair, elle ferait sans doute moins de minauderies, elle tortillerait moins du fondement (de l'historialité du Dasein). Et ce serait, pour l'homme du nihil, un grand soulagement.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

La vie dans les plis

 

La solitude vous force à prendre certains plis. Et ces plis, le voudrait-on, on ne peut s'en défaire. Conclusion : assommons les solitaires (comme on a fait naguère les suicidés).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Jusqu'à l'os

 

Si l'on persévère dans l'être année après année, malgré les ravages de l'alopécie, les garagistes de La Bourboule et tout le reste, c'est sans doute par l'effet d'une curiosité morbide, pour voir jusqu'à quel point l'on peut se contenter de peu.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Beau sexe

 

Nul mieux que Mircea Eliade n'a décrit l'action délétère des « mégères difformes au faciès d'hippopotame ». Par elles, nous dit-il, « l'homme est dissous, réduit à un plasma amorphe où se débattent le désespoir et le néant ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 27 avril 2022

L'Ennemi

 

Il y aura mis le temps, mais l'homme du nihil a finalement identifié l'Ennemi, celui contre lequel, armé du seul vocable reginglette, il va devoir engager un combat à mort. Il s'agit d'un certain Prajapati, réputé « dieu du Tout » chez les Hindous.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Le choix du malheur

 

Ce qu'il y a de bien avec le malheur, c'est qu'il est de tout repos. Il ne nécessite aucun entretien et se perpétue de soi-même. Tandis que le bonheur, il faut tout le temps s'en occuper, on s'y éreinte et on y perd la santé. Par-dessus le marché, il vous donne l'air d'un couillon. Comme l'homme du nihil, primo est paresseux, deuzio déteste avoir l'air d'un couillon, son choix a été vite fait. Seul problème mais de taille : on peut être malheureux et quand même avoir l'air d'un couillon.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Étouffe-chrétien

 

Malgré son manque apparent de consistance, le réel est très bourratif. Il peut provoquer des indigestions. Ce n'est pas une plaisanterie !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Sinistre savoir

 

Le nihilique « sait ce qu'il sait ». Contrairement à celui du « penseur paradoxal » Frédéric Nietzsche, ce savoir n'est pas gai et en aurait sans doute anéanti plus d'un. Mais lui dure, un jour après l'autre, ne lui demandez pas comment...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Précision

 

Le nihilique n'est pas un imbécile. Il voit bien qu'il y a « quelque chose ». Quand il dit que « rien n'est », il veut dire que rien n'est suffisamment.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Châteaux de sable

 

Toute science, toute philosophie, et à vrai dire toute pensée, reposent sur un postulat indémontrable — et pour cause —, à savoir l'existence d'un « monde extérieur ». Supprimez cette hypothèse et... adieu Barthes !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 26 avril 2022

Simiomancie

 

L'homme du nihil aime les animaux et se délecte dans la compassion, c'est pourquoi il fréquente assidûment les zoos. Parfois, mû par une curiosité morbide, il essaie de lire son destin dans les yeux d'un gorille. Hélas ! Neuf fois sur dix, tout ce qu'il entrevoit est un avenir fait d'ennuyeuse monotonie, de paroles superflues et de solitude, qui n'est pas sans évoquer l'univers du « romancier de l'absurde » Albert Camus !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Telle une bernique sur son rocher...

 

Cet entêtement à durer que l'on constate jusque chez la bourrelle la plus décatie... Pourquoi ? Pourquoi cet acharnement à exister ? La « réalité empirique » n'est pas déjà assez affreuse ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Calembour

 

L'homme du nihil, qui goûte peu le poststructuralisme, n'aurait jamais cru possible que la lecture de Foucault le déridât. Et pourtant...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un dénouement prévisible

 

Comme l'avait prévu Lucrèce, « l'homme du nihil, épuisé par la longue suite des ans, s'achemine au cercueil ». Pour être tout à fait véridique, Lucrèce n'a pas dit « l'homme du nihil », il a dit « tout ce qui vit », mais ça englobe l'homme du nihil (si l'on n'est pas trop regardant).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 25 avril 2022

Exclamation pathétique

 

Il n'est pas d'exclamation plus pathétique que celle du dernier poëte païen, Rutilius Namatianus : « Plût aux Dieux que je n'eusse jamais épousé cette mégère difforme au faciès d'hippopotame ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Misanthropes en peau de lapin

 

Il est indéniable que Schopenhauer et son moderne épigone Cioran ont eu quelques puissantes intuitions quant au Rien qui forme la trame de l'existence humaine. Mais, à l'estime de l'homme du nihil, ils font preuve d'une mansuétude coupable à l'endroit de l'autrui du philosophe Levinas. Ils ne l'appellent même pas franchement un « salop » ou un « entchoulé mondain ». Tu parles de misanthropes !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Dégringolade finale

 

À cinquante ans, on entre dans « l'âge de l'irréparable ». Après, comme il se doit, tout va de mal en pis — les organes qui se détraquent, l'alopécie qui étend son empire, la solitude qui se compactifie, etc.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Naturel


Quand est-on « vrai » ? À un enterrement ? Même pas. On se regarde. On se regarde tout le temps. Oh, bon Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Tous en scène


Chacun a ses idées, ses goûts, sa « philosophie de la vie », c'est-à-dire que chacun joue sa petite comédie, anxieux de convaincre son public (mais avant tout lui-même) qu'il est comme ci et comme ça, qu'il ressent telle et telle chose, qu'il aime telle et telle autre... Foutaise ! Escroquerie et bluff ! Tout le monde fait « jore ». Salops !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un pas de plus

 

Selon Protagoras, tout ce qu'on est autorisé à dire du réel, c'est qu'il n'est « pas même ainsi ». Cette proposition agrée à l'homme du nihil, mais il la simplifie en omettant « ainsi ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)