lundi 26 septembre 2022

Minéralisation terminale

 

Dans le rassis de son agonie, le nihilique acquiert une prestance pierreuse. Il possède depuis longtemps le chimisme d'un caillou et n'aspire plus désormais qu'à se fondre dans un conglomérat de sable et de gravillons.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Prouesse de la vie

 

La vie réussit l'exploit d'être tout à la fois une vétille ouatée et un traquenard difforme aux poses convulsées.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Chondrite carbonée

 

« Et maintenant, dit Meaulnes soudain, je vais préparer mon bagage. Apprends-le, Seurel : j'ai écrit à ma mère jeudi dernier, pour lui demander de finir mes études à Paris. C'est aujourd'hui que je pars. » — En dépit des apparences, ceci n'est pas une briquette de chondrite carbonée mais un extrait du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

No pasará la compota

 

Fuyant l'irrespect des vils, le nihilique se retranche dans une solitude quadrillée de muretins. Loin des regards de la foule qui trépigne et jacasse, il s'essaie à l'hédonisme en savourant une biscotte ennoblie par une vertueuse compote de cognasse. Mais c'est un échec : la biscotte ne passe pas. Ou peut-être est-ce la compote de cognasse ? En tout cas, quelque chose ne passe pas. 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 25 septembre 2022

Locus consecratus

 

Certains esprits simples, sans doute abusés par sa ressemblance avec un rapace, pensent que le pachynihil est un émouchet mollasson. Mais pas du tout : c'est un locus consecratus !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Croûte en cothurne

 

Il y a des gens qui exècrent la vie quand d'autres — par exemple le « philosophe » Michel Serres — l'adorent à l'égal de la croûte en cothurne et n'hésitent pas à l'appeler une « hypostase de la liesse ». Selon Robert Férillet, seuls les premiers sont fréquentables.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cosse hyperbolique du Grand Tout

 

Si vous avez un pépin, ne comptez pas sur le Grand Tout pour vous venir en aide. Il ne lèvera pas le petit doigt. Dire qu'il est cossard est un euphémisme. C'est « Toto la rame au soleil ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Lycopersicon esculentum

 

Éloge de la tomate : tous nos meilleurs amis (ou presque) sont au cimetière.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 23 septembre 2022

Hiéroglyphes

 

Se prend-il pour le scribe Khououiou ? Le nihilique a été vu, à l'angle des rues de Sèvres et Vaneau, tracer sur les murs forcenés de l'âme humaine les hiéroglyphes enchantés du renoncement !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Au restaurant

 

Devant un carré de romsteak, faire l'expérience melliflue du vide.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cavurne

 

Le temps, ce pot de stupeur ontologique. — Le temps, ce canapé en laine. — Le temps, ce cénotaphe, mieux, cette cavurne.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Groseille dévergondée

 

Dans les champs tartignoles du désespoir, on ne trouve pas l'humble luzerne mais la groseille dévergondée !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 22 septembre 2022

Aubépine

 

Inopinément on se met à vieillir, et alors, soit on fréquente d'autres « vieux jetons » — mais on est vite dégoûté de leurs gueules de momies —, soit on s'entoure de gens plus jeunes — mais alors on a honte d'avoir une gueule de momie. Heureusement, il y a une troisième possibilité : se réfugier dans la silencieuse immobilité des aubépines.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Récréation

 

Quand on en a soupé du Rien, étudier la logique mathématique, la philosophie, les arts, la marine marchande, s'avère relaxant comme une purée de pommes de terre.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Discipline sidérurgique

 

L'unique façon d'échapper à la férule fastidieuse du désespoir est de se soumettre à la discipline quasi sidérurgique du Rien. Cet axiome, paradoxal en apparence, le nihilique peut témoigner de sa véracité.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Faute de mieux

 

Alternative à l'homicide de soi-même : se promener autour du square Boucicaut.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 21 septembre 2022

Dormir

 

Le sommeil est comme la mort mais sans le côté un peu « malaisant » de ne pas exister.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Silence aboyant

 

Contrairement à ce que pensait Pascal, les espaces infinis ne sont pas absolument silencieux. Il faut tendre l'oreille pour le distinguer, mais ils poussent parfois de petits « ouaf » étouffés. Il est donc permis de parler du « silence aboyant de l'univers ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Carafon-joug

 

L'existence est un joug, mais c'est aussi un carafon. Cela, peu de philosophes l'ont senti — pas même Kierkegaard.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Écoulement turbide

 

Voir la vie comme un processus visqueux gravitaire — un genre de « coulée de boue » — est peut-être la seule façon de comprendre cette sensation commune à tous les hommes d'être pris dans un « écoulement turbide ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 20 septembre 2022

Mésomorphe phasitron

 

Prenez un tube à vide modulant une tension à haute fréquence ; mettez-le dans un état intermédiaire entre le solide et le liquide ; vous avez un mésomorphe phasitron.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Armement du boutre

 

Éternel velléitaire de l'homicide de soi-même, le nihilique n'arrive pas à se décider à lever l'ancre, mais il n'a de cesse d'armer son boutre.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Grappe orbiculaire

 

Pour endiguer ce qu'il appelle « l'adénopathie du Moi », c'est-à-dire pour empêcher le Moi de gonfler à la manière d'un ganglion lymphatique, Foukizarian propose de faire appel au vocable — qu'il compare à une bouillie de maïs ou de châtaigne. Il dit aussi que le mot est une « grappe orbiculaire ». Mais il ne nous apprend rien de plus, et semble oublier que c'est justement chez les littérateurs que le Moi est le plus hypertrophié.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rêve de calcéolaires

 

La vie manque de fleurs aux couleurs chatoyantes. Alors pour compenser, le nihilique fait appel à son imagination. Et tel un éléphant fou de mélancolie, il se perd en des rêves somptueux de calcéolaires.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 19 septembre 2022

Faldistoire falciforme

 

Le faldistoire est un siège à accoudoirs sans dossier, parfois pliant, réservé à l'évêque et à certains dignitaires de l'Église. Quand d'aventure il est en forme de faux, on dit qu'on a affaire à un faldistoire falciforme. Mais cela n'arrive presque jamais car le réel manque terriblement de fantaisie (il est ennuyeux comme un récital d'orgue ou de harpe).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Demi-cuit

 

Tôt ou tard, l'homme comprend qu'en fait de vie, il est enfermé dans un faitout avec un assortiment de crustacés, promis comme lui à l'ébouillantement. Ça fait un moment qu'on l'a mis à mijoter : depuis sa naissance, en fait. Mais il n'est pas encore à point. Comment tuer le temps en attendant ? Demi-cuit dans sa cochléaire carapace, il trame toutes sortes d'apothéoses.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Lunaticité du temps

 

Le temps est très lunatique. Parfois il vous bourre les côtes, parfois il coule dans votre gosier à la manière panlogique d'un vin rouge ductile.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Souvenir de tempête

 

Le nihilique n'est pas fier, mais s'il y a une chose qu'il n'aime pas, c'est qu'on le compare à un brick pansu. À son estime, il a du cotre la finesse invertébrée. À ce propos, il raconte qu'un jour, un fort coup de vent entre les Bermudes et Halifax l'a obligé à mettre en fuite. Un vent de cinquante-cinq nœuds, opposé au courant, levait une mer terrible. Des vagues de sept à huit mètres, raides, déferlaient avec violence.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 18 septembre 2022

Riz gluant

 

Vivre dans le Rien, cela consiste à se nourrir d'un riz gluant composé — en plus du riz — d'oisiveté, de rires nerveux et de crépuscules palmatilobés.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)