mardi 1 novembre 2022

Traczir

 

La vie, il y a vraiment de quoi avoir les jetons. Demandez un peu voir à Ödön von Horváth. Une branche de marronnier ! Sur les Champs-Élysées ! Et sur le cassis !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Dernier acte

 

Ce qu'il nous reste à faire pour compléter notre mirifique carrière ? Prononcer quelques vocables (scorsonère, melliflu, peut-être hystricognathe) et puis mourir, avec indifférence.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Crise nocturne

 

Supposons un instant que l'être humain se réveille à trois heures du matin, étreint par une tristesse et un désespoir comme il n'en a jamais connu, et par le sentiment que tout est complètement absurde. Il y a fort à parier que, pour se rassurer, il va mettre ce pessimisme sur le compte de sa nature maniaco-dépressive. Mais ne devrait-il pas plutôt en chercher la source dans l'inculture et l'amoralité de la société hongroise ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Prélude à la soirée d'un sexe aphone

 

Souvent, quand on atteint un certain âge, « le Manitoba ne répond plus ». Il est alors temps de quitter la Faucille et de redescendre à Mijoux, pour arriver à Saint-Claude par Septmoncel.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 31 octobre 2022

Poésie et mortalité de l'être mortel

 

Verlaine dit quelque part qu'ayant poussé la porte étroite qui chancelle, il s'est promené dans le petit jardin. Il parle aussi d'alouette et de réséda, mais tout ça n'a pas grand sens ni grande importance quand on songe que... NOUS ALLONS TOUS MOURIR ! AAAAAH !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Autant vaut la merde

 

S'il n'y avait que le portrait de l'empereur François-Joseph 1er ! Mais c'est le réel tout entier qui est couvert de chiures de mouches. Il faudrait le faire enlever et mettre au grenier (pour éviter les réflexions désobligeantes).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Forteresse vide

 

En 1990, le psychanalyste Bruno Bettelheim, universellement connu pour ses travaux sur les enfants autistes, se suicide à l'âge de quatre-vingt-six ans en s'enfermant la tête dans un sac en plastique. Pourquoi un sac en plastique ? Et pourquoi la tête ? À ce jour, le mystère reste entier. Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis émet l'hypothèse que le psychanalyste était une « forteresse vide » — mais sans apporter le moindre élément pour étayer cette supposition.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Les oubliés

 

Personne n'a pris la peine d'organiser une marche blanche à la mémoire d'Edmond-Henri Crisinel. Ni à celle de Francis Giauque. Ni à celle de Jean-Pierre Schlunegger. Les poëtes maudits de Suisse romande, tout le monde s'en fout.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 30 octobre 2022

Grossophobie


Il paraît que la balance fausse est en horreur à l'Éternel, mais que le poids juste lui est agréable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un mal embouché

 

La « réalité empirique » lui en a tellement fait voir que le nihilique ne supporte plus rien. Dès qu'il sort de chez lui, ça va mal. Un arrosoir, une herse à l'abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysans, tout devient aussitôt le réceptacle de son courroux. Et contrairement à Lord Chandos, les mots ne lui manquent pas pour exprimer ses sentiments — cochonnerie, saleté, pot de pisse, canaillerie, etc.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Inventivité du suicidé philosophique

 

Le suicidé philosophique est si fertile en inventions, c'est un si rusé compère que ni Madame Yamilah ni le fakir Ragdalam — et ne parlons pas de l'illusionniste Bruno — ne sauraient lire dans son cœur. Dans son ouvrage sur l'homicide de soi-même1, le docteur Claude-Étienne Bourdin rapporte qu'un habitant de Saint-Denis s'occupait depuis plusieurs jours à fabriquer un œuf de carton. À peine eut-il fini qu'il le remplit de poudre, le plaça dans sa bouche, et demandant du feu à sa femme comme pour allumer sa pipe, y mit le feu et se fit sauter la cervelle !

1. Du suicide considéré comme maladie, Paris, Fortin, 1845.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Parlez d'une arnaque

 

La vie, c'est comme d'acheter un chien au brave soldat Chvéïk : on voulait un griffon d'écurie et on se retrouve avec un fox-terrier qui a les oreilles d'un basset, la taille d'un chien de trait et des pattes torses en manche de veste !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 29 octobre 2022

Cache-tronche pisseux

 

L'écrivain et trompettiste Boris Vian prétend que le retraité « marchait tout courbé et portait, été comme hiver, un affreux cache-tronche pisseux ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mélancolies

 

Émile Cioran considérait qu'il n'y avait, en Europe, que trois sortes de mélancolie : la russe, la hongroise et la portugaise. Sûrement, le « négateur universel » n'était jamais passé par Bezons !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une idée à la con

 

Pour démontrer l'inexistence de l'être, le nihilique décida, suivant l'exemple de Descartes, de s'installer dans un poêle. Mais il y faisait trop chaud ! Impossible de rassembler ses idées et d'arriver à quelque chose de probant !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Oblomovisme et théorie des possibilités

 

L'oblomovisme est un état de paresse extrême, de rêverie passive, d'apathie, de léthargie, d'inertie qui se manifeste dans l'horreur du travail et de la prise de décision. Pour l'oblomoviste, prendre un parti est à la fois un déchirement et un vrai casse-tête, surtout quand les conséquences des différentes décisions possibles ne sont pas connues avec certitude. Une solution consiste alors à employer des critères qualitatifs prenant leurs valeurs dans une échelle finie, totalement ordonnée (par exemple les fonctions d'utilité qualitative possibiliste). Mais il faudrait d'abord décider d'utiliser ces critères, et ça...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 28 octobre 2022

Bonne conduite

 

Les règles édictées par saint Benoît et complétées par Férillet Robert nous enseignent que le secret d'une bonne conduite réside dans le silence, la mesure et... l'homicide de soi-même. Mais oui !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Temps de réflexion

 

En novembre 1944, Sándor Márai note dans son Journal : « Je ne vois aucun intérêt pour moi de continuer à vivre. » Mais l'écrivain hongrois était — du moins faut-il le croire — d'un tempérament lymphatique, car il ne mettra fin à ses jours qu'en février 1989.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Haine de l'autrui lévinassien

 

Dans les Souvenirs de la maison des morts, le déporté polonais M-tski déclare au narrateur, en parlant des autres forçats : « Je hais ces brigands ». Et l'on a envie de lui serrer la main, de lui donner une tape dans le dos et de lui dire : « Bravo ! Tout juste ! Voilà qui est parlé ! Nous aussi ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Life in vain

 

La vie du nihilique — mais c'est aussi vrai de celle du proverbial « homme de la rue » bien qu'il ne paraisse pas en être pleinement conscient — est faite de journées inutiles, qui s'abîment l'une après l'autre dans le néant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 27 octobre 2022

Peigne-culs

 

Parmi les « peigne-culs » ayant foulé la surface du globe, on peut citer : Sihon, roi des Amoréens, Og, roi de Basan, et tous les rois de Canaan. Mais il y en a bien d'autres : il suffit de regarder autour de soi. Selon Gragerfis, le royaume de Sihon s'étendait entre l'Arnon et le Jabbok.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Puszta

 

S'il était hongrois, le nihilique pourrait invoquer les mânes de Sándor Petőfi et chanter à son tour la puszta. Mais loin d'être hongrois, il est de Bezons !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Démon de la perversité

 

Si le nihilique ne fait rien de sa vie — il ne voyage pas, il ne fréquente personne, il n'a pas de « relations romantiques », il ne mange pas de côtelettes panées à la milanaise —, c'est d'abord parce que tout le dégoûte, mais c'est aussi pour faire tourner en bourrique ses futurs biographes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Was mich nicht umbringt

 

Un jour qu'il était « gonflé à bloc », le philosophe Frédéric Nietzsche aurait déclaré que tout ce qui ne le tuait pas le rendait plus fort. Mais il aurait mieux fait de s'abstenir, car cette phrase a été répétée depuis par une multitude de céoènes cherchant à passer pour profonds. Par ailleurs, elle est risiblement inexacte. Car il y a plein de choses qui ne nous tuent pas sans pour autant nous rendre plus forts (par exemple le vocable zingibéracé) mais on ne va quand même pas commencer à discuter.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 26 octobre 2022

La peur des coups

 

« Pourquoi vivez-vous ? Est-ce que je vis, moi ? » — Voilà ce que le nihilique dirait aux gens qu'il croise dans la rue s'il ne craignait de se prendre des « mandales ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Dabe égyptien

 

Au dire de Jean-François Champollion, le pharaon Djoser, qui succéda à son père Khâsekhemoui, était surnommé « Monsieur Jo » ou encore « le Dabe ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Drôle d'idée

 

L'écrivain Georges Perec — il en fait l'aveu dans un de ses livres — s'était mis en tête de « chercher en même temps l'éternel et l'éphémère ». Quand il lut ça, le nihilique s'exclama : « Moi aussi ! » Mais tandis que le « chantre de l'absence douloureuse » cherchait l'éternel et l'éphémère dans l'écriture et dans le ressassement de souvenirs insipides, le nihilique décida, on ne sait pourquoi, de les traquer dans une tête de chien couché !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Commediante, tragediante

 

Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi : le lieu et le moment où le « négateur universel » Émile Cioran fut foudroyé par une réminiscence de vocabulaire — « All is of no avail » — et fut tenté de se jeter à l'eau car il n'avait « jamais ressenti avec une telle violence le besoin de mettre un terme à tout ça ». Heureusement, il y avait du monde, ce qui le dissuada de s'immoler. De plus, d'après Simone Boué, il nageait comme un dauphin.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 25 octobre 2022

Jeunesse, belle jeunesse, reviens !

 

L'odeur du marché aux poissons à Morlaix, quoique assez répugnante, peut être à l'origine d'un violent sentiment de nostalgie. Le cas est rare, mais ça arrive.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)