vendredi 4 novembre 2022

Façon de parler

 

Le « négateur universel » Émile Cioran prétendait « avoir commis tous les crimes, hormis celui d'être père ». Mais d'après le professeur Basile Munteanu qui le connaissait bien, il n'avait pas réellement commis tous les crimes, c'était juste « une façon de parler ». Il ajoute que le négateur aimait beaucoup « faire le malin » (confirmé par Simone Boué).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 3 novembre 2022

Néoféminisme

 

Aujourd'hui, on n'a plus le droit ni d'avoir faim ni d'avoir froid, ni de déclarer, après Otto Weininger, que la femme n'a pas d'âme et qu'elle est sous le joug de vous-savez-quoi. C'est tout de même un peu fort de café !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Destins

 

La vie des autres a toujours quelque chose d'un peu risible. Quant à la sienne propre... mieux vaut ne pas en parler.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En lisant Sénèque

 

Toute la philosophie des stoïciens se ramène à ceci : si l'existence ne te plaît pas, pense à autre chose.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Éclaircissement conceptuel

 

Dans le film La Métamorphose des cloportes, tiré d'un roman d'Alphonse Boudard, Edmond (Charles Aznavour), Arthur (Maurice Biraud) et le Rouquemoute (Georges Géret) sont trois voyous minables qui projettent un « cassement ». Il leur faut pour cela un chalumeau hors pair que la vieille Gertrude (Françoise Rosay) propose à un prix prohibitif. Cela donne lieu à une scène étonnante, où Gertrude présente le chalumeau aux trois compères, en poursuivant — comme la philosophie selon Wittgenstein — un but d'éclaircissement conceptuel. Gertrude vise en effet la « clarification logique des pensées » (Tractatus, 4.112) et s'efforce d'aider les truands à distinguer ce qui peut être dit (la science) de ce qui ne peut qu'être montré (le chalumeau). Mais comme les trois malfrats sont un peu « bouchés », elle est amenée à utiliser ensuite — comme Wittgenstein à partir des années 1930 — une autre méthode, celle dite de la « présentation synoptique », qui consiste à comparer les propositions du langage, notamment dans leurs structures grammaticales, pour mettre en évidence le fonctionnement de ce dernier.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 2 novembre 2022

Sacs à merde

 

Sextus Empiricus affirmait que « tout échappe à la compréhension ». Il disait aussi : « Je ne définis rien ». Courroucé des prétentions des philosophes, il tenait Socrate et Aristote pour des « sacs à merde » et Heidegger pour un « sinistre couillon de la Forêt-Noire, avec son être-au-monde, son être-jeté, son être-pour-la-mort et tutti quanti ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un choix difficile

 

Selon Épictète, on ne peut à la fois prendre soin de son âme et de ses chaussures, fussent-elles en « croco ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Calembour

 

Épictète de veau.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le plus redoutable

 

Oui, la vie est une aventure redoutable. Mais le plus redoutable, dans cette aventure redoutable, ce sont à coup sûr les « grosses dondons ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 1 novembre 2022

Traczir

 

La vie, il y a vraiment de quoi avoir les jetons. Demandez un peu voir à Ödön von Horváth. Une branche de marronnier ! Sur les Champs-Élysées ! Et sur le cassis !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Dernier acte

 

Ce qu'il nous reste à faire pour compléter notre mirifique carrière ? Prononcer quelques vocables (scorsonère, melliflu, peut-être hystricognathe) et puis mourir, avec indifférence.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Crise nocturne

 

Supposons un instant que l'être humain se réveille à trois heures du matin, étreint par une tristesse et un désespoir comme il n'en a jamais connu, et par le sentiment que tout est complètement absurde. Il y a fort à parier que, pour se rassurer, il va mettre ce pessimisme sur le compte de sa nature maniaco-dépressive. Mais ne devrait-il pas plutôt en chercher la source dans l'inculture et l'amoralité de la société hongroise ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Prélude à la soirée d'un sexe aphone

 

Souvent, quand on atteint un certain âge, « le Manitoba ne répond plus ». Il est alors temps de quitter la Faucille et de redescendre à Mijoux, pour arriver à Saint-Claude par Septmoncel.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 31 octobre 2022

Poésie et mortalité de l'être mortel

 

Verlaine dit quelque part qu'ayant poussé la porte étroite qui chancelle, il s'est promené dans le petit jardin. Il parle aussi d'alouette et de réséda, mais tout ça n'a pas grand sens ni grande importance quand on songe que... NOUS ALLONS TOUS MOURIR ! AAAAAH !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Autant vaut la merde

 

S'il n'y avait que le portrait de l'empereur François-Joseph 1er ! Mais c'est le réel tout entier qui est couvert de chiures de mouches. Il faudrait le faire enlever et mettre au grenier (pour éviter les réflexions désobligeantes).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Forteresse vide

 

En 1990, le psychanalyste Bruno Bettelheim, universellement connu pour ses travaux sur les enfants autistes, se suicide à l'âge de quatre-vingt-six ans en s'enfermant la tête dans un sac en plastique. Pourquoi un sac en plastique ? Et pourquoi la tête ? À ce jour, le mystère reste entier. Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis émet l'hypothèse que le psychanalyste était une « forteresse vide » — mais sans apporter le moindre élément pour étayer cette supposition.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Les oubliés

 

Personne n'a pris la peine d'organiser une marche blanche à la mémoire d'Edmond-Henri Crisinel. Ni à celle de Francis Giauque. Ni à celle de Jean-Pierre Schlunegger. Les poëtes maudits de Suisse romande, tout le monde s'en fout.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 30 octobre 2022

Grossophobie


Il paraît que la balance fausse est en horreur à l'Éternel, mais que le poids juste lui est agréable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un mal embouché

 

La « réalité empirique » lui en a tellement fait voir que le nihilique ne supporte plus rien. Dès qu'il sort de chez lui, ça va mal. Un arrosoir, une herse à l'abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysans, tout devient aussitôt le réceptacle de son courroux. Et contrairement à Lord Chandos, les mots ne lui manquent pas pour exprimer ses sentiments — cochonnerie, saleté, pot de pisse, canaillerie, etc.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Inventivité du suicidé philosophique

 

Le suicidé philosophique est si fertile en inventions, c'est un si rusé compère que ni Madame Yamilah ni le fakir Ragdalam — et ne parlons pas de l'illusionniste Bruno — ne sauraient lire dans son cœur. Dans son ouvrage sur l'homicide de soi-même1, le docteur Claude-Étienne Bourdin rapporte qu'un habitant de Saint-Denis s'occupait depuis plusieurs jours à fabriquer un œuf de carton. À peine eut-il fini qu'il le remplit de poudre, le plaça dans sa bouche, et demandant du feu à sa femme comme pour allumer sa pipe, y mit le feu et se fit sauter la cervelle !

1. Du suicide considéré comme maladie, Paris, Fortin, 1845.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Parlez d'une arnaque

 

La vie, c'est comme d'acheter un chien au brave soldat Chvéïk : on voulait un griffon d'écurie et on se retrouve avec un fox-terrier qui a les oreilles d'un basset, la taille d'un chien de trait et des pattes torses en manche de veste !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 29 octobre 2022

Cache-tronche pisseux

 

L'écrivain et trompettiste Boris Vian prétend que le retraité « marchait tout courbé et portait, été comme hiver, un affreux cache-tronche pisseux ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mélancolies

 

Émile Cioran considérait qu'il n'y avait, en Europe, que trois sortes de mélancolie : la russe, la hongroise et la portugaise. Sûrement, le « négateur universel » n'était jamais passé par Bezons !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une idée à la con

 

Pour démontrer l'inexistence de l'être, le nihilique décida, suivant l'exemple de Descartes, de s'installer dans un poêle. Mais il y faisait trop chaud ! Impossible de rassembler ses idées et d'arriver à quelque chose de probant !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Oblomovisme et théorie des possibilités

 

L'oblomovisme est un état de paresse extrême, de rêverie passive, d'apathie, de léthargie, d'inertie qui se manifeste dans l'horreur du travail et de la prise de décision. Pour l'oblomoviste, prendre un parti est à la fois un déchirement et un vrai casse-tête, surtout quand les conséquences des différentes décisions possibles ne sont pas connues avec certitude. Une solution consiste alors à employer des critères qualitatifs prenant leurs valeurs dans une échelle finie, totalement ordonnée (par exemple les fonctions d'utilité qualitative possibiliste). Mais il faudrait d'abord décider d'utiliser ces critères, et ça...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 28 octobre 2022

Bonne conduite

 

Les règles édictées par saint Benoît et complétées par Férillet Robert nous enseignent que le secret d'une bonne conduite réside dans le silence, la mesure et... l'homicide de soi-même. Mais oui !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Temps de réflexion

 

En novembre 1944, Sándor Márai note dans son Journal : « Je ne vois aucun intérêt pour moi de continuer à vivre. » Mais l'écrivain hongrois était — du moins faut-il le croire — d'un tempérament lymphatique, car il ne mettra fin à ses jours qu'en février 1989.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Haine de l'autrui lévinassien

 

Dans les Souvenirs de la maison des morts, le déporté polonais M-tski déclare au narrateur, en parlant des autres forçats : « Je hais ces brigands ». Et l'on a envie de lui serrer la main, de lui donner une tape dans le dos et de lui dire : « Bravo ! Tout juste ! Voilà qui est parlé ! Nous aussi ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Life in vain

 

La vie du nihilique — mais c'est aussi vrai de celle du proverbial « homme de la rue » bien qu'il ne paraisse pas en être pleinement conscient — est faite de journées inutiles, qui s'abîment l'une après l'autre dans le néant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)