samedi 15 avril 2023

Le bonheur de séduire, l'art de réussir

 

Dire à une femme que « rien n'est » peut l'émoustiller jusqu'à un certain point, mais lui proposer un petit tour dans une jonque l'enivrera au centuple. Qui pourrait résister à une telle promesse d'excursion ? À la perspective de partager une assiette de pilchards au milieu de nulle part ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 14 avril 2023

Supériorité de l'introspection nihilique

 

L'introspection nihilique a ceci de remarquable qu'elle subsume les symbioses et les osmoses. C'est ce qui la rend supérieure aux philosophies de l'Un, du vrai, du bien, de la liberté, de la durée et de l'existence (coupée de l'essence).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Consolation de la philosophie

 

Il n'est pas rare qu'arrivé à un certain point de son existence, le Dasein fasse un douloureux retour sur soi-même et se dise : « Alors quoi ? C'est ainsi que l'on doit vivre ? Dans ce mélange acrobatique de vide crasse et de trop-plein nectarifère ? Ce n'est pas possible, comme même ! » (il ne sait pas qu'on dit « quand même »). Heureusement, Heidegger et d'autres amis de la sagesse sont là qui lui répondent : « Si, si, tuouaouar, c'est possible. »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Ce que c'est que la vie

 

La vie n'est pas un beau roman. Ce n'est pas une belle histoire. Ce n'est pas une romance d'aujourd'hui. C'est une grosse tourte de m...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un continuateur de L'Ecclésiaste

 

« Dans la vie tout est précaire, rien ne dure, le bonheur surtout. Un moment on est en haut, et le moment d'après... tout en bas. » (Marcel Campion, La Grande roue du destin)
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 13 avril 2023

Machine à coudre vs. tête de chien couché

 

Au chapitre six des Chants de Maldoror, Lautréamont dit de Mervyn qu'il est « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ». Et les surréalistes aussitôt de s'extasier : « Oh là là ! C'est inc'oyable ! My God, that's amazing ! » Mais pourquoi une machine à coudre ? Et pourquoi un parapluie ? Pourquoi pas plutôt une... tête de chien couché ? Tant qu'à donner dans le grinçant ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Pan sur le bec

 

Schopenhauer ne ratait jamais une occasion de se payer la fiole de Hegel. Ainsi, il dit à un endroit de son Monde comme volonté etc. que chercher un dessein dans l'histoire est comme chercher une tête de chien couché ou un risotto aux asperges (ein Risotto mit Spargel) dans les nuages : on les y trouve parce qu'on les cherche — mais à part ça...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un patronyme évocateur

 

Dans un de ses dialogues avec Osvaldo Ferrari, Jorge Luis Borges indique avoir fait la connaissance de Güiraldes par l'intermédiaire de Brandán Caraffa — et ce nom fait aussitôt surgir à la pensée l'image d'un pichet ou d'un broc.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Fuite de sens

 

Certains naufragés perdus dans le désert de Gobi de l'existence voient la femme — avec sa « mijole » et ses « biberons Robert » — comme une sorte de « point d'eau ontologique » où il vont pouvoir se désaltérer et même — pourquoi pas — se « ressourcer ». Erreur ! Ça ne sert à rien ! C'est un leurre ! Car ça coule par les côtés !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 12 avril 2023

Bal chez Temporel

 

Si le nihilique revient jamais danser chez Temporel, il fera attention de ne pas se fracturer le bassin ou le genou. Parce que le réel — et Temporel en fait partie —, on sait ce que c'est : on vire, on volte, et on a vite fait de se fracturer le bassin ou le genou !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Art culinaire

 

Pour rendre la « réalité empirique » à peu près comestible, le nihilique l'assaisonne avec une pincée de « Grand Rien ». Mais pour le rôti de porc, il juge plus convenable d'employer du sel, de la poudre d'ail, de la poudre d'oignon, du paprika, de l'origan séché, de la moutarde en poudre et du poivre moulu.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

On voit de tout

 

C'est étrange ! Il semble qu'il y ait des gens qui apprécient réellement et sincèrement la compagnie de leurs semblables. Ils la recherchent, même sans y être obligés. N'est-ce pas là ce qu'on appelle un « truc de ouf » ?
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Transmigration

 

Il faudrait voir à ne pas trop sous-estimer le nihilique. Lui aussi a été un poisson resplendissant ; lui aussi a été un pont jeté sur soixante-dix fleuves ; lui aussi a été l'écume de l'eau ; lui aussi a été un mot dans un livre. Alors attention, hein !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 11 avril 2023

Cheminement nocturne du Dasein

 

Tout se passe comme si l'étant existant — le fameux « Dasein » des existentialistes — cheminait de nuit le long d'une interminable haie de tamaris.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Justification biscornue

 

Pour justifier sa non-participation à l'existence et aux réunions festives qui la ponctuent, le nihilique dit que le goût qu'il prenait aux êtres « a probablement été égaré parmi des papiers de famille » et il ajoute — mais on ne voit pas bien le rapport — que « la lucidité a fait de lui un martyr ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

 

Émiettement existentiel

 

Quitte à être, on voudrait rester « groupir » ; garder une certaine unité existentielle. Mais la vie vous émiette, elle vous émiette comme si vous étiez un vulgaire plant de haricot dans un champ en jachère.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Roland, Jack et les autres

 

Quand l'existence l'accable, quand il a, comme cela s'appelle, la mort dans l'âme, le nihilique, pour retrouver le sourire — si l'on peut appeler ainsi la grimace qui chez lui signale la gaieté — pense à une bande de couillons escaladant la Roche de Solutré.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 10 avril 2023

Comment peut-on être Valéry

 

Dans sa préface aux Lettres persanes, Paul Valéry répond à la question : « Comment peut-on être persan ? » par une question plus générale : « Comment peut-on être ce que l'on est ? » Et il reconnaît qu'à peine celle-ci venue à l'esprit, ce qui s'impose, c'est « le ridicule de toute figure et existence particulière ». Fort bien, mais Valéry lui-même en tira-t-il les conséquences ? Se cacha-t-il dans un trou de souris ? Se précipita-t-il dans un puits busé ? Pas du tout ! Il continua à écrire des « poëmes » et à être un « héros intellectuel national » ! Ni vu ni connu je t'embrouille !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un reniement du Grandiloque

 

« Le devoir d'un homme seul est d'être encore plus seul », écrivait Émile Cioran à vingt-cinq ans. Mais le négateur ne pouvait prévoir qu'il rencontrerait bientôt l'envoûtante Simone Boué... Et qu'alors sa solitude ne serait plus que « pour la galerie »... Sacristi !
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

L'escroc du gouffre

 

Avec force précautions, le « négateur universel » Émile Cioran rôdait autour des profondeurs, leur soutirait quelques vertiges, et se débinait prestement pour retourner se blottir dans les jupes de son « amie » Simone Boué, comme un escroc du gouffre. À la décharge du négateur, il faut avouer que la tarte aux poireaux de cette dernière était irrésistible, en tout cas plus attirante qu'un gouffre pascalien.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

L'hypothèse des petits bruits

 

D'où vient qu'une chose vivante — par exemple un chat — nous captive plus qu'une chose morte — par exemple une pièce de charpente ? C'est peut-être que la chose vivante fait des petits bruits ? Mais une pièce de charpente aussi fait des petits bruits, quand la pensée de l'homicide de soi-même siffle et souffle dans la mâture. Alors ? Alors nous ne savons pas. Il s'agit certainement d'un horrible malentendu.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 9 avril 2023

Ainséité

 

Le nihilique n'en revient pas que les gens soient comme ci et comme ça. Ils sont prisonniers d'eux-mêmes — de leur « ainséité » — et le plus fort est que ça n'a pas l'air de les déranger. Lui aussi est prisonnier de lui-même, mais lui-même, ce n'est pas grand chose, presque rien, une collection de phonèmes — ba, be, bi, bo, bu —, alors ça va encore (plus ou moins).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Penser automne

 

Malgré l'exhortation du philosophe Alain, le nihilique ne peut s'en empêcher : il « pense automne ». Ce que c'est que d'être un « vieux jeton »... Qui plus est mélancolique...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sanctuaire siliceux

 

Pour être à l'abri des manigances de la femme, une solution simple consiste à prendre la forme et l'esprit d'un grain de sable, et à se recroqueviller dans l'obscurité. La femme, avec sa « mijole » et ses « biberons Robert », ne s'aventure jamais dans les somptueux déserts de l'impassibilité.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Un mystérieux glouglou

 

Le paterne babil de ses viscères déconcerte le nihilique comme ferait quelque antique langue impénétrable — par exemple l'étrusque.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 8 avril 2023

Pertinacité du Grandiloque

 

Le « négateur universel » Émile Cioran n'en faisait pas mystère : il voulait, par ses écrits, discréditer la vie. Mais quand il se lança dans l'exécution de ce plan diabolique, il dut faire face à l'opposition de son « amie » Simone Boué. « Fais pas le méchant », lui disait-elle. Cette fois cependant, le négateur tint bon.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

La tentation du panthéisme

 

Quand, dans la même journée, on rencontre Dieu successivement dans un morceau de reblochon, dans des pédicelles de cerise et dans le vocable strapontin, la tentation est grande de devenir panthéiste. Mais qu'est-ce que ça changerait ? Sans doute rien. Alors... autant s'accrocher au Rien... Peut-être.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Abricotier-guitoune

 

Pour le pauvre Mômo, la vie se résumait à un abricotier-guitoune, c'est-à-dire à une station pérenne dans un cabanon aux fragrances sucrées (dirigé par le docteur Gaston Ferdière).
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Asticots de soupente

 

L'idée du Rien nous offre de très fortes ankyloses. Pourquoi ? Parce qu'elle nous force à regarder en face ce que nous sommes : des asticots de soupente.
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)