vendredi 6 octobre 2023

Une idée à la mords-moi-le-chose

 

Paul Valéry était partisan d'une mystique sans Dieu. Mais pour une raison ou pour une autre, ça n'a pas été possible.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

jeudi 5 octobre 2023

Sans regret

 

Même si, marchant sur les traces d'un Ignace Paderewski, on avait pu être pianiste de concert et Premier ministre de la Pologne, il est probable que ça n'aurait fait qu'aggraver notre misanthropie. Les concerts... La Pologne... On sait ce que c'est... C'est monstre bipède et compagnie.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Bada

 

Parce qu'il pense que « rien n'est » — et sans doute aussi parce qu'il a une tête de coupable —, le nihilique est tenu pour responsable de tout ce qui ne va pas dans la « réalité empirique ». Les punaises de lit, c'est lui ! Les tulipes de Jeff Koons, c'est lui ! On lui fait porter le bada ! Cela, non seulement le rend mélancolique, mais lui fait penser à Ramón Bada, ce criminel qui, aidé de son complice Alonzo Perez, tente de s'emparer du fétiche des Arumbayas pour subtiliser le diamant qu'il contient.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Pensées de Pascal, by Rémi Tripatala

 

“A rollicking good time! Rémi Tripatala is known for his razor-sharp wit, and Pensées de Pascal is no exception. Hilarious and thought-provoking, this book had me laughing out loud from beginning to end. An absolute delight, compulsively readable. I can't wait to see what Rémi Tripatala does next.”
 
(The Alaska Quarterly Review)

Timeo danaos

 

La philosophie (Socrate, Aristote) et les mathématiques (Euclide, Pythagore) l'ont plongé dans une telle angoisse que le nihilique est désormais comme Laocoon : il craint les Grecs et leurs présents (il y a aussi Demis Roussos et la moussaka).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mercredi 4 octobre 2023

Bouc-émissarisation des littérateurs

 

Tout ce qu'on est ou presque vient des livres. Alors comme on n'aime pas ce qu'on est, on blâme les livres et ceux qui les ont écrits — notamment le poëte Christian Bobin et la romancière Marguerite Urcelar, bien qu'on n'ait jamais rien lu d'eux.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Fin tragique

 

La tradition veut que, comme Pierre Bérégovoy, Euripide ait péri déchiré par des chiens. Et l'on ne peut que s'exclamer : « Affreuse destinée, que ne méritait pas un si grand génie ! » — dans le cas d'Euripide, surtout.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Corps propre

 

Quand plus rien ne vous fait rire, même les philosophes, c'est que les choses vont mal, très mal. C'est qu'on est proche de la proverbiale « fin des haricots ». Mais tant qu'on peut se boyauter à lire du Merleau-Ponty, du Jankélévitch ou de l'André Comte-Sponville, il reste de l'espoir. On n'a pas encore touché le fond.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Timidité du nihilique

 

La vie, c'est le château de Kafka en plus rococo. À moins que ce ne soit un immeuble haussmannien ? Quoi qu'il en soit, le nihilique se tenait devant le portail d'entrée et se disait que sa situation était semblable à celle de l'ancien Premier ministre du Japon. Lui aussi, après tout, n'avait qu'à sonner. Mais il n'osait pas.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mardi 3 octobre 2023

L'affreux Coqueteau


Le roi du bluff, l'escroc en chef, c'est le « saltimbanque Cocteau ». Il est sans discussion possible l'un des personnages les plus haïssables du vingtième siècle, toutes catégories confondues. Rien que de penser à lui, on a les dents qui grincent. Qu'a-t-on fait au bon Dieu pour avoir à subir de pareils lavements ? 
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Trompeuses bosses

 

Être reconnu (par soi-même) comme un expert mondial en physiognomonie de Lavater et en phrénologie de Gall, tout ça pour finir par épouser une odieuse bourrelle... il faut le faire ! On lui avait pourtant tâté les bosses du crâne, à cette bourrelle ! Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

En peau de lapin

 

Personne— pas même Schopenhauer lui-même, probablement — n'a lu Le Monde comme volonté et comme représentation en entier. Il y a trop de mots, c'est écrit trop petit et — il faut dire la vérité — c'est un peu rasoir. Par contre, il y a plein de gens qui font « jore » qu'ils l'ont lu. Ça fait bien, il faut croire. Et pour jouer les héros tragiques, ça coûte moins cher que de se suicider. — N'est-ce pas ?
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Délire de persécution

 

Le nihilique a la conviction bien ancrée que tout le monde lui en veut. Où qu'il porte le regard, il ne voit que des ennemis. La réalité empirique et l'autrui lévinassien ne lui laissent aucun repos. Peut-être est-il paranoïaque ? Quand bien même, il ne serait pas le premier. Ainsi, vers 1615, le sentiment d'être persécuté saisit et même pourrait-on dire agrippa le poëte d'Aubigné (il n'est que de lire Les Tragiques pour s'en rendre compte).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

lundi 2 octobre 2023

Conseil au désespéré

 

Dessine avec précision cet essaim d’abeilles suspendu à une branche. Ton dessin est-il terminé ? Bien. Tu peux te le carrer dans le fiak. Mais attention : carre-le avec beaucoup de précaution — car les abeilles, ça pique !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Histoire du centurion de Capharnaüm

 

Le centurion de Capharnaüm implore Jésus : « Dis un mot et mon serviteur sera guéri. » Et Jésus demande : « N'importe quel mot ? » Et le centurion dit : « Oui, n'importe. » Alors Jésus dit : « Okay, puisque c'est comme ça, zingibéracé. » Alors le centurion dit : « Hein ? » Et Jésus explique : « Ça veut dire relatif au gingembre. » Et alors le centurion fait : « Oh. »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Vérité de l'être

 

On passe sa vie à faire « jore », mais quand il faut mourir, il n'y a plus de « jore » qui tienne. Les masques tombent et l'être humain se montre pour ce qu'il est : une machine-organe, un rhizome, un pli. Il a dû lire Deleuze, ce n'est pas possible autrement !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un gars peu distrayant

 

Gilles Deleuze souffrait de difficultés respiratoires, et cela lui assombrissait le moral. Alors parfois, il faisait venir près de lui son ami Michel Foucault pour qu'il le déridât. Mais Foucault, avec ses prisons, sa folie et sa « mort de l'homme », n'était pas le boute-en-train rêvé.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 1 octobre 2023

Dernière satisfaction

 

Selon Albert Camus, face à l'absurdité de l'existence, la seule attitude raisonnable est d'essayer de vivre le plus longtemps possible, afin de faire caguer les autres au maximum. Pourquoi pas ? Tout n'est-il pas louable, en un sens ? 
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Main dans la surface

 

Quand la princesse Bibesco d'Angers jouait à l'extérieur, sa cousine la poétesse Anna de Noailles ne manquait jamais d'aller l'encourager. Hélas ! Un jour — c'était au stade Marcel-Saupin —, Marthe fit une main dans la surface.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Solitude du nihilique

 

Que tout dans la vie est « comédie, escroquerie et bluff », cela devrait crever les yeux. Mais au contraire, c'est celui qui le dit qui y est ! Quant à celui qui le répète, c'est — il faut se pincer — un perroquet !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Illi robur et aes triplex

 

Être nihilique demande du courage. Il avait le cœur bardé de chêne et de triple airain, celui qui le premier déclara que « rien n'est » !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

samedi 30 septembre 2023

Stéphaton ou la connaissance inutile

 

Être seul de sa rue, peut-être même de son quartier, à savoir que le soldat romain qui tendit à Jésus une éponge imbibée de vinaigre s'appelait Stéphaton — et devoir mourir !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Esprit frère

 

Quand on lit ces mots de Baudelaire : « Je veux dormir ! Dormir plutôt que vivre ! », on se dit : « Tiens, lui aussi. »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Méthode expérimentale

 

Pour en avoir le cœur net quant à la question de savoir si la vie possède ou non un sens, une idée serait d'adopter la méthode expérimentale de Claude Bernard. On enfermerait un philosophe dans une vessie pour voir s'il produit du concept — que l'on verrait alors suinter à travers la membrane. S'il produit du concept, c'est que la vie possède un sens (mais reste à savoir lequel). S'il n'en produit pas... ma foi, on continuera comme avant.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Invocation

 

Hippocastanacées ! Vos feuilles sont opposées, exstipulées, palmatilobées, sessiles ou pétiolulées, aux marges entières ou crénelées ! Vos fleurs, groupées en thyrses ou en panicules, présentent une zygomorphie oblique, dont le plan de symétrie passe par un sépale ! Leurs anthères, dorsifixes et versatiles, ont une déhiscence longitudinale et introrse ! Hippocastanacées ! Vos fruits sont des capsules loculicides, portées par un long gynophore, souvent univalvaires et monospermes ! Le péricarpe est coriace, parfois verruqueux ou épineux ! Hippocastanacées, vous êtes le symbole de l'identité ! Nous vous saluons, hippocastanacées !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

vendredi 29 septembre 2023

Double indemnity

 

Dans ce « monde de néant », tout est bête, profondément bête, mais certaines choses, en plus d'être bêtes, sont tragiques et vous brisent le cœur (la mort d'une gerbille de Mongolie tendrement aimée, et cætera). Un monde pareil, c'est à ne pas croire.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un drôle de binz

 

Tout le monde n'attrape pas un panaris, mais il y a deux choses auxquelles l'être humain n'échappe pas, ce sont le ridicule et la mort. En un sens, la pire est la première, car la mort n'arrive qu'une fois tandis que le ridicule, c'est tout le temps.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Rester groupir

 

Si l'on veut échapper à l'envie de se pendre, on ne doit pas regarder sa vie de l'extérieur. En effet, toute existence vue de l'extérieur est peussédique et même « fucking peussédique ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Imitation de Milosz

 

Sa vision aphoristique de l'existence commençant à lui peser, le nihilique a décidé de se lancer dans la poésie. Il entend dépeindre de façon obsessionnelle la solitude et la souffrance humaines, au risque de se voir traiter d'imitateur de Milosz.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)