lundi 15 janvier 2024

Réincarnation


 
Les Hindous pensent que l'assassin d'un brahmane se réincarne dans le corps d'un chien, d'un porc-épic, d'un âne, d'un chameau, d'un taureau, d'une chèvre, d'un veau, d'une bête sauvage, d'un oiseau, d'un chandâla ou — aussi bizarre que cela puisse paraître et si tant est qu'un pull-over possède un corps — d'un pull-over. Selon les circonstances du crime.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Mémoire immortelle de Don Pedro Girón

 

Son tombeau fut des Flandres le pâté de campagne, et la lune sanglante son épitaphe.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Sens de l'art

 

Le 26 novembre 1965, à la galerie Schmela de Düsseldorf, le « plasticien » Joseph Beuys se présente la tête enduite de miel et de poudre d'or, tenant dans ses bras un lièvre mort. Pendant trois heures, il se déplace dans la galerie et explique les tableaux de peinture à l'animal. Hélas ! le lièvre mort a l'air de s'en « branler » complètement.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

L'éternité en sandalettes

 

L'écrivain Borges était tellement préoccupé par le problème du temps qu'il en oubliait de vivre. Pur esprit, il se promenait dans l'existence en sandalettes, au grand dam de Virginia Ocampo, de sa sœur Silvina et du peintre Xul Solar.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 14 janvier 2024

Un cas d'homonymie

 

« N'êtes-vous pas le Hans Bellmer de Grasse, dans les Alpes-Maritimes ?
— Non, il doit s'agir d'un malentendu, je suis le Hans Bellmer d'Empeaux, dans la Haute-Garonne. »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Anathématisation de Chorazin

 

Jésus : Malheur à toi, Chorazin ! Malheur à toi, Bethsaïda !
Chorazin : Qu'est-ce qu'on a fait ? On a rien fait ! On était même pas là ! 
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Blanchotistes arboricoles

 

Les jaïnistes croient que les admirateurs de Maurice Blanchot ne sont pas voués à un anéantissement complet. Ils croient que leurs âmes, après la mort, vivent dans les arbres.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Bergson, guilgoul et ibbour

 

Le philosophe Henri Bergson n'était pas du genre à confondre le guilgoul et l'ibbour. « Transmigrer, ce n'est quand même pas pareil que d'être enceint d'une autre âme », disait-il à Marcel Proust chaque fois qu'il le rencontrait chez la comtesse Greffulhe. Fataliste, ce dernier acquiesçait.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

samedi 13 janvier 2024

Gêne intermittente du plasticien Bellmer

 

Quand les acheteurs de ses tableaux de peinture mettaient du temps à le payer, le « plasticien » Hans Bellmer tirait la langue (surtout que sa compagne Unica Zürn était du genre dépensier).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Caractère décevant de la réalité empirique

 

Le réel se distingue du « plasticien » Christo par plusieurs aspects, mais surtout par le fait qu'il n'est pas très emballant.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Apprendre à vivre

 

Qu'ils s'appellent Platon, Hegel ou Bergson, les philosophes vont vous apprendre à vivre, vous allez voir, bande de salops !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Absence de vision simultanée chez le monstre bipède


Chez l'être humain, les objets de l'âme sont successifs : à présent Socrate, ensuite un cheval, et pour finir une tête de chien couché. Seule l'intelligence divine peut tout embrasser simultanément.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

vendredi 12 janvier 2024

Golem du Nord

 

Athalie : Monsieur le Président, nous allons peut-être avoir un souci. Le Talmud dit que le Gros Quinquin est un golem, et qu'il n'acceptera de faire alliance qu'avec celui qui en fera un réceptacle.
Joas : Nous devons en avoir le cœur net. Faites-le surveiller par Joxe. Mais discrètement, hein. Autre chose : je crois aux forces de l'esprit.
Athalie : C'est noté, monsieur le Président. 
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Dialogue des carmélites

 

« Mélanchton dit que pour gagner le ciel, la charité ne sert à rien, il faut avoir la foi et basta. On va se faire envoyer bouler, c'est sûr, tu vas voir.
— Pourquoi tu dis ça ? J'ai la foi, moi. Pas toi ?
— Eh bien... pas trop, justement.
— Merde. »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Étrangeté croissante du réel

 

On pourrait croire que plus on avance en âge, plus on s'habitue aux choses (au monde, à la mer, aux forêts ; aux roses que l'hiver prépare en secret), mais point du tout. Au contraire, tout vous paraît de plus en plus étrange. Étrange et — après tout, pourquoi ne pas le dire — stupide.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Hobby horse

 

Indiano des flocons dorés, allez, hue ! Vers le Grand Nulle part, et promptement !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

jeudi 11 janvier 2024

Maison des bois

 

On se sent mal dans le troupeau mais on ne doit pas en sortir, car qui est-on pour en sortir ? Ou alors, admettons, on en sort, mais seulement pour se cacher dans une petite maison au fond des bois (et on ne montre à personne ses tableaux de peinture).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Promotion du Moi

 

Quelqu'un qui se fait remarquer, peu importe de quelle façon (la pire étant la production de tableaux de peinture), est un être antinihilique. Il mérite le supplice du pal, ou d'être passé à la chicote.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Homme sans qualités

 

Se résigner à n'avoir aucun talent, cela n'est pas difficile. Le talent... on sait ce que c'est. C'est de la révérence parler merde en pot. Voyez Balthus. Voyez Bazaine. Du talent, on en a eu assez pour naître, on en aura bien assez pour clamecer.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Boulevard ossements

 

Quand on voit les humains comme les squelettes qu'ils sont réellement, on s'étonne que certains veuillent se distinguer en écrivant des poëmes ou des pièces de théâtre. Cela prête quelque peu à rire.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mercredi 10 janvier 2024

Tout pue

 

À la première lecture d'un aphorisme d'Émile Cioran, à la première écoute d'une chanson de Robert Zimmerman, on se dit : « Tiens, tiens. » À la dixième lecture, à la dixième écoute, on se dit : « Comme c'est bête. » Et c'est pareil pour tout. Rien ne résiste à la répétition. Le réel est un insupportable poncif.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Gros Quinquin

 

En raison de sa corpulence et de ses origines nordistes, le Premier ministre Pierre Mauroy était surnommé Gros Quinquin. Matignon était pour lui l'équivalent du paradis : il avait enfin « du pain d'épice et du chuque à gogo ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Archétype du rassasiement

 

Tous les oiseaux sont des morfals, à l'exception notable du puffin.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un perfectionniste

 

Pour rendre avec assez de précision le tragique de la malrucienne condition humaine (et de la sienne propre), le nihilique travaille avec des pinceaux mensô en poils de chèvre ou de raton laveur, fabriqués dans la préfecture d'Hiroshima.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mardi 9 janvier 2024

Humidité du soir

 

En un aphorisme qui, traduit en français, est aussi un magnifique alexandrin, Héraclite a rendu tout le tragique de la malrucienne condition humaine : « Et les âmes aussi s'exhalent de l'humide. »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Serviette et Ponge

 

Grâce au poëte Francis Ponge, nous ne prendrons plus jamais une bougie pour un savon, un torchon pour une serviette, ou un cageot pour un prix de beauté, ce qui nous évitera bien des désagréments. Alors honneur ! Honneur au poëte Francis Ponge !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Grosse ficelle

 

Les gnostiques d'Alexandrie enseignaient que pour se délivrer d'un péché (comme celui de manger de la viande d'éléphant assaisonnée d'urine), il est nécessaire de l'avoir commis. Mais la ficelle est un peu grosse.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Prunier

 

Les auteurs japonais de haïkus semblent nourrir une fascination morbide pour le prunier. Un exemple entre mille, ce poëme de Buson : « En tombant dans l'eau, les pétaux disparaissent : prunier sur la rive. » — L'étrangeté de cela (et du monde en général).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

lundi 8 janvier 2024

Bardo Thödol

 

Chez les bouddhistes thibétains, la mort est organisée au quart de poil. Après le « clameçage » proprement dit, la première étape ou premier « bardo » est un profond sommeil qui dure quatre jours ; surgit ensuite une lumière resplendissante qui, éblouissant l'âme, lui fait comprendre qu'elle est morte. Les défunts ont donc seulement quatre jours de « pépère ». Après ça, commence le deuxième « bardo », avec des visites de divinités bienveillantes, puis de divinités malveillantes, mais c'est compliqué à expliquer.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)