lundi 12 février 2024

C'est donc ça

 

Les gnostiques et les kabbalistes croient que l'univers est l'œuvre d'un dieu déficient, dont la fraction de divinité est proche de zéro. C'est ainsi qu'ils justifient l'existence du mal, et celle d'énergumènes aussi odieux que les garagistes de La Bourboule.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 11 février 2024

Libération par la tarte aux poireaux

 

Pour se libérer du monde des apparences et — tant qu'à faire — du samsara, le « négateur universel » Émile Cioran engloutissait d'énormes quantités de tarte aux poireaux. Il voyait bien que ça ne marchait pas, mais il continuait quand même, poussé, disait-il, par son « démon de la perversité ». Il en offrait parfois à Ionesco et à Beckett, mais eux non plus ne parvinrent jamais à se libérer du monde des apparences (ni, pour autant que l'on sache, du samsara).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Housse amovible du nirvana

 

Hermann Oldenberg observe que les bouddhistes conçoivent le nirvana comme un lieu où les êtres libérés se reposent, un genre de « canapé-lit métaphysique » comportant une « housse amovible ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Pas peu dire

 

Le réel est louche, très louche. S'il fallait trouver une comparaison, on pourrait dire qu'il est aussi louche que le suicide de de Grossouvre.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Des gars pompeux

 

Dans sa pièce Roméo et Juliette, le dramaturge William Shakespeare fait déclamer à son héros que sa chair est lasse du monde, qu'elle subit le joug des néfastes étoiles, et cætera. C'est terrible à dire, mais Shakespeare ne pouvait pas parler normalement. Même pour demander qu'on lui passe la rhubarbe ou le séné, il fallait qu'il soit pompeux. C'était aussi le cas de son contemporain Christopher Marlowe, qui ne s'exprimait qu'en pentamètres iambiques.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

samedi 10 février 2024

Un vocable au poil

 

Hospitalier et fidèle en son reflet, où à n'être qu'apparence s'accoutume la matérielle existence, tel est le vocable zingibéracé. Il projette une douce lumière, il éclaire sans aveugler. Il est comme un clair de lune dans la pénombre.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Deux initiés

 

Le nihilique a été initié aux mystères du Rien, comme Roger-Patrice Pelat fut au rachat de Triangle par Péchiney en 1988. Mais contrairement à Pelat, ça ne lui a rien rapporté (qu'un accablant sentiment de solitude).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Rituel hideux

 

Lovecraft dit que si l'être humain, à de certains moments, se précipite aux doubles-vécés, c'est pour répondre à un impérieux « appel de Cthulhu » ; et qu'il se livre, derrière les murs de l'édicule, à un « rituel hideux ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Charriement de Char

 

Il est tentant de se moquer du poëte, mais Platon dit qu'il est « chose légère, ailée et sacrée » alors vaut peut-être mieux pas.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

vendredi 9 février 2024

Tous de La Bourboule

 

Matérialistes dialectiques, personnalistes mouniériens, empiristes logiques, sceptiques grecs, existentialistes chrétiens, tous ces amis de la sagesse ont une chose en commun. Ils sont tous du Puy-de-Dôme. Ils sont tous de La Bourboule.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Asphyxie

 

Dans Crime et châtiment, quand Catherine Ivanovna Marmeladova dit à Loujine qu'elle l'a vu glisser cent roubles dans la poche de Sonia, le colocataire de Loujine, Lebeziatnikov, suffoque d'indignation. Il est comme George Floyd : he can't breathe.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Silence vert

 

Quand Carducci écrit « le silence vert des champs », il pousse un peu le bouchon. Ce sont les champs qui sont verts, pas le silence. Nous savons bien que le langage est un fait esthétique, mais « comme même » !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un serin

 

Tout jeune déjà, Jean-Paul Sartre affirmait à qui voulait l'entendre que « l'en soi n'a pas à être sa propre potentialité sur le mode du pas-encore ». Ses parents en étaient gênés et lui disaient qu'il était un « serin ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

jeudi 8 février 2024

Intuition bergsonienne

 

Le philosophe Henri Bergson souffrait de la solitude et aurait bien aimé rencontrer une « milf ». Il lui aurait montré son « élan vital », sa « durée » et son « évolution créatrice ». Mais il ne savait pas où chercher. Son cousin par alliance Marcel Proust lui conseilla de s'inscrire à un atelier d'écriture ou à un club de cinéphiles. Mais Bergson trouvait ça trop compliqué. Il avait l'intuition que ça ne donnerait rien.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Naissance du bouddhisme zen

 
Bodhidharma est ce moine hindou qui, au sixième siècle, propagea le bouddhisme en Chine. En 527, il a une entrevue avec l'empereur Wudi. Quand l'empereur lui demande combien de mérites il a accumulés en construisant des monastères et en copiant des soutras, Bodhidharma répond : « Aucun mérite. » L'empereur lui demande alors : « Quel est le sens suprême de la noble vérité ? » Bodhidharma sent la moutarde lui monter au nez. Il baisse son « bénard », s'accroupit, et extrait de son anu un odoriférant « cigare japonais ». « Voilà le sens suprême de la noble vérité, dit-il. T'es content ? » Le bouddhisme zen était né.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un auteur bien chiant

 

Contre la constipation occasionnelle, il faut lire du Francis Ponge. Son texte sur le cageot, en particulier — où le poëte établit un rapprochement entre les vocables cage, cageot et cachot —, possède un merveilleux pouvoir laxatif.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Nobles vérités

 

Il paraît que pour être véritablement bouddhiste, il ne faut pas seulement comprendre mais « sentir » les quatre nobles vérités et l'octuple sentier. Mais comment sentir quelque chose qui porte un nom aussi énormément guez que « nobles vérités » ? Ce n'est pas possible. Il doit s'agir d'un malentendu.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mercredi 7 février 2024

Discours du feu

 

Dans son deuxième discours (après celui du Parc des Gazelles), le Bouddha fit connaître à ses disciples que tout brûlait : les âmes, les corps, les choses, tout était en feu. Inquiets, les bouddhistes décidèrent alors de se doter d'un « petit véhicule de pompier » — en attendant de pouvoir s'offrir un « grand véhicule de pompier ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Tibesti mental

 

On peut ne pas croire à la réalité de la « réalité empirique », on s'y sent tout de même captif. On s'y sent comme l'infortunée Françoise Claustre quand elle était prisonnière des odieux « rebelles toubous » (au Tibesti, dans le nord du Tchad).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Existence du risque zéro

 

« Le risque zéro existe. Il existe ! Il est ressuscité !
— En vérité, il est ressuscité. »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Romantiques anglais

 

Voulant fuir le monde moderne et ses émanations toxiques, on se plonge dans une anthologie de la poésie anglaise romantique, et l'on est aussitôt frappé par une évidence : entre Coleridge, Wordsworth et Shelley, c'était à celui qui écrirait le poëme le plus guez.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mardi 6 février 2024

Dolce color d'oriental zaffiro

 

Ça y est. Le corps du Dante projette une ombre. Il est reconnu comme un vivant. Il est au purgatoire. Ouf ! Mais nous, nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Il nous reste encore pas mal de pages.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un cocktail fatal

 

« Monsieur Pessoa, la source de tous vos problèmes, c'est que vous êtes intranquille », avait dit son médecin à Fernando Pessoa. Sur le coup, il y avait prêté peu d'attention, mais... son intranquillité, combinée à une mauvaise circulation, avait fini par lui valoir des varices. « Ô roues, ô engrenages, r-r-r-r-r-r-r éternel ! Violent spasme retenu des mécanismes en furie ! », avait-il alors grommelé.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Chômage existentiel

 

Peu d'ouvrages y parviennent, mais le Practicos d'Évagre le Pontique touche les acédiques. Pas assez pour leur permettre de bien vivre, cependant.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

La question des commissions

 

Il ne faut pas aller dans un supermarché quand on est frappé d'acédie monastique. Il vaut mieux fréquenter les « commerces de proximité ». Ces derniers ont moins de chalands et de victuailles et sont donc moins susceptibles d'entretenir la lassitude et l'amertume de l'âme. Et puis, on contribue ainsi à revitaliser les centres-villes (on fait d'une pierre deux coups).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

lundi 5 février 2024

Du Dante et des couleurs

 

Dans ses livres, Borges fait tout un plat du Dante. Alors qu'en réalité, le Dante... Mais chacun ses goûts.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un personnage collant

 

Après avoir parcouru le manuscrit de Crime et châtiment, Katkov, l'éditeur de Dostoïevski, dit à ce dernier qu'il n'aurait pas dû appeler Marmeladov Marmeladov mais Crèmedemarronov, pour accentuer le côté collant du personnage. Mais Dostoïevski lui répondit qu'il ne « sentait pas » Crèmedemarronov, que ça ne faisait pas assez russe, et Katkov n'insista pas.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Homme du passé

 

Au nihilique, le réel semble une vaste jungle de calamites, de lépidodendrons et de sigillaires. Si ses références botaniques sont celles du carbonifère, c'est parce qu'il est un « homme du passé ». Il croit aussi aux « forces de l'esprit » — et qu'une messe est possible.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Entrée de l'homme noir dans l'histoire

 

Au début de la pièce de Xavier Forneret, Bénita, veuve du baron de Rimbo, fait de la broderie avec Guitta, sa fille adoptive. L'homme noir n'est pas encore entré dans l'histoire. Il n'apparaîtra qu'au deuxième acte.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)